Le Mathematical Tripos est le cours de mathématiques donné à l'Université de Cambridge. C'est aussi une institution en Angleterre, qui s'accompagne de tout un folklore (le titre de Wrangler, la cuillère de bois) et qui a connu ses gloires, dont beaucoup se sont fait un nom en physique mathématique.
Le tripos (tabouret suisse à trois pieds) désigne au XVIe siècle le siège sur lequel trône le doyen d'un collège. Dans la tradition des « disputes », ou controverses médiévales (en latin disputatio ; en anglais : wrangle), ce doyen pose les termes d'un débat aux étudiants (la thèse et l'antithèse), à charge pour les impétrants de présenter les arguments « pour » et « contre » en bon latin. C'est ainsi qu'au fil des décennies, les étudiants de Cambridge en vinrent à qualifier leurs examinateurs de « Mr Tripos », les épreuves écrites des examens étant qualifiés de « tripos papers ».
Dans la forme classique qu'il prit au cours du XIXe siècle, le mathematical tripos était un examen bien à part des étudiants de deuxième année de l'Université de Cambridge : de 1780 à 1909, ces « Old Tripos », dont les énoncés étaient d'une difficulté reconnue, se concluaient par la publication du classement des étudiants ayant passé les épreuves : on peut donc le voir comme une forme de concours. La presse nationale se faisait l'écho des résultats, dont les héros étaient les premiers classés, les Wranglers, et notamment l'étudiant classé premier, le Senior Wrangler (SW). Par opposition, l'élève ayant obtenu les plus mauvais résultats reçoit une cuillère de bois (Wooden spoon, WS).
L'origine de ce cycle d'examens se trouve dans une double évolution qui touche l'enseignement universitaire anglais vers le milieu du XVIIIe siècle : d'une part, la substitution graduelle de compositions écrites aux traditionnelles interrogations orales pour les examens de licence ; d'autre part le recul des controverses en latin au profit d'épreuves de mathématiques : car on estimait que tout candidat de l'université, quel que soit le diplôme, se devait de posséder au moins un vernis de mathématiques.
Les examens se déroulent sur trois semaines, et consistent en une dizaine d'épreuves écrites d'une durée de trois heures. Les premiers classés à ces épreuves écrites reçoivent le titre de Wrangler : le major est appelé Senior Wrangler, le suivant dans l'ordre du classement Second Wrangler, etc. Selon une tradition, la ville natale du Senior Wrangler organise une cérémonie en son honneur. Avec le prestige croissant de cette institution, la compétition devient plus rude. Face à des épreuves de plus en plus sélectives, les heures de cours de l'université ne suffisent plus à couvrir le spectre des connaissances requises pour les épreuves, et surtout elles n'offrent aucun entraînement.
Or le niveau technique requis des candidats est élevé, et la pression due au temps limité des épreuves considérable. C'est ainsi que Francis Galton renonce à passer les épreuves suite à une dépression nerveuse en 1844. Un entraînement astucieusement orienté vers les questions les plus courantes peut permettre de gagner un avantage décisif aux épreuves. C'est ainsi que se développe peu à peu un système de bachotage, de coaching payant, en marge des cours officiels de l'université et des collèges. Parallèlement, les épreuves se structurent en bookwork (le plus souvent des théorèmes ou des résultats à connaître par cœur) et rider (exercices et problèmes permettant de tester la compréhension du « bookwork »).
Très vite, le prestige des wranglers retombe sur leurs répétiteurs, dont certains, comme Edward Routh, sont de véritables faiseurs de wranglers : largement rémunérés, il acquièrent un statut para-académique. Il n'était pas rare que les étudiants anglais détenant déjà un premier diplôme de mathématiques viennent à Cambridge passer les Tripos en tant que second diplôme.
Le physicien J. J. Thomson, directeur du laboratoire Cavendish, avait déjà tenté dans les années 1890 d'aménager le cursus de mathématiques en lui associant une pratique de physique expérimentale, mais l'université repoussa cette idée. Au début du XXe siècle, le nombre d'étudiants inscrits au tripos s'effondre. Selon A. Warwick, cette évolution tient d'une part au succès croissant de la physique expérimentale, qui se reflète dans l'attrait du laboratoire Cavendish ; elle tient aussi à la dévalorisation du diplôme, qui n'est plus un garant de réussite sociale ; elle tient enfin à l'évolution des mathématiques elles-mêmes, la recherche en mathématiques pures devenant de plus en plus spécialisée.
Entre 1907 et 1909, les autorités se décident à revoir le principe du concours. La réforme est confiée aux professeurs A. R. Forsyth et G. H. Hardy, qui font adopter le principe d'un examen et rétablissent un système de cours à nouveau intégrés à l'université.