Une ziggourat, ou ziggurat, pron. [ziguRat], est un édifice religieux mésopotamien à degrés constitué de plusieurs terrasses supportant un temple construit à son sommet. Le terme vient de l'akkadien ziqqurratu(m) (sumérien ), dérivé du verbe zaqāru, « élever », « construire en hauteur ». Il s'agit du monument le plus spectaculaire de la civilisation mésopotamienne, dont le souvenir a perduré bien après sa disparition par le récit biblique de la Tour de Babel, inspiré par la ziggurat de Babylone.
Depuis la mise au jour des grandes capitales mésopotamiennes, plusieurs de ces bâtiments ont pu être analysés, même s'il n'en reste plus qui soit intact, et que beaucoup sont dans un état très délabré. Peu de descriptions des ziggurats proviennent de la civilisation mésopotamienne, que ce soient des textes ou des images. On en trouve également des mentions chez des auteurs grecs (Hérodote et Ctesias). Si l'aspect général des ziggurats nous est maintenant connu, il existe toujours des points d'ombre quant à leur fonction et surtout leur signification.
Historiquement, les ziggurats sont probablement les héritières des édifices cultuels qui sont bâtis sur des terrasses en basse Mésopotamie. Cette filiation a longtemps reçu des critiques, mais elle paraît aujourd'hui admise, même si les ziggurats présentent des caractères propres qui en font des édifices originaux.
Le plus ancien exemple d'édifice sur terrasse pouvant être interprété comme un temple est attesté à Eridu durant la période d'Obeid, vers 5000. Il s'agit de quatre constructions successives (niveaux IX à VI) de taille croissante au cours du temps et de plan tripartite, ordinaire à cette époque, mais construits sur une plateforme haute de plus d'un mètre. Cette tradition se prolonge au IVe millénaire (période d'Uruk), avec le « Temple blanc » du quartier Kullab d'Uruk, un édifice de 18 mètres sur 7 remarquablement conservé, bâti sur une terrasse de 13 mètres de haut, déjà précédé par des édifices semblables datant de la période d'Obeid. Le temple sur terrasse le mieux conservé a été exhumé à Tell Uqair, en basse Mésopotamie, datant de la fin de la période d'Uruk et de la période de Djemdet Nasr (fin du IVe millénaire). Il est constitué de deux terrasses superposées sur lesquelles est bâti un édifice interprété comme étant un temple, encore en partie conservé. La première terrasse, décorée de pilastres et de cônes d'argile formant une mosaïque, s'élève sur 5 mètres. Sa façade principale est rectiligne, mesure 57 mètres de long, avec un escalier à chaque extrémité. Les autres côtés sont courbes. La seconde terrasse est rectangulaire et haute de 1,60 mètres, et supporte l'édifice supérieur mesurant environ 18 x 22,50 mètres.
Au IIIe millénaire (Dynasties archaïques), un temple sur terrasse est bâti dans le second quartier sacré d'Uruk, l'Eanna. Un autre édifice similaire de la même période est le « Temple ovale » de Khafadje, dans la vallée de la Diyala, dont il ne reste que la terrasse rectangulaire décorée de pilastres de 25 x 30 mètres, encore haute de 4 mètres, disposant d'un escalier perpendiculaire menant au temple qui se trouvait à son sommet et qui a aujourd'hui complètement disparu. L'édifice tire son nom des deux enceintes ovales qui l'isolent du reste de la ville. D'autres temples sur terrasse de la même époque sont attestés en haute Mésopotamie et en Syrie, notamment à Tell Brak et peut-être à Mari. Certains sites du plateau iranien du IIIe millénaire présentent des constructions monumentales comprenant plusieurs terrasses superposées : à Tureng Tepe, Tepe Sialk, Konar Sandal en Iran et jusqu'à Mundigak en Afghanistan et Altyn-depe au Turkménistan. Bien qu'ils soient parfois encore appelés « ziggurats » par leurs fouilleurs, rien ne prouve que ces édifices aient un lien avec les temples sur terrasse mésopotamiens, dont ils divergent par bien des aspects. Les liens entre les deux types de constructions restent de toute manière peu étudiés, notamment parce que les terrasses iraniennes sont encore mal connues.
Quand apparaissent les premiers édifices pouvant être qualifiés de ziggurats ? Le terme ziqqurratu(m) n'apparaît qu'au début du IIe millénaire, après la construction des premiers bâtiments de ce type. Il est évident que les constructions réalisées dans les grands centres religieux de Sumer par Ur-Nammu d'Ur et son successeur Shulgi autour de 2100 sont de véritables ziggurats. Mais il reste à voir s'il s'agit des premières : certains temples sur terrasses de la période finale des Dynasties archaïques sont parfois considérées comme des ziggurats, comme c'est le cas pour la « ziggurat d'Anu » d'Uruk. Des édifices ressemblant à des ziggurats apparaissent sur des sceaux-cylindres dès la fin de la période d'Uruk et à l'époque des Dynasties archaïques, mais rien ne confirme qu'il s'agisse bien de temples sur terrasse. Dernièrement, les fouilles de Mari en Syrie ont mis au jour des indices témoignant de la présence d'un édifice qui serait une ziggurat sur ce site, et dont les premiers niveaux seraient bien antérieurs aux constructions d'Ur-Nammu. Il est en tout cas certain que les ziggurats des rois d'Ur ont été précédées par des constructions similaires mais aujourd'hui recouvertes par les constructions postérieures, et donc on ne peut savoir s'il s'agissait déjà de ziggurats ou bien de temples sur terrasse d'un type plus ancien. La limite entre les deux est de toute manière dure à fixer, les ziggurats des rois d'Ur ayant trois terrasses, soit seulement une de plus que le temple sur terrasse de Tell Uqair. Vu que nous ne connaissons pas les critères des Anciens pour définir une ziggurat (si tant est qu'il y en ait eu de précis), cela reste ouvert à la discussion.
Que les rois de la Troisième dynastie d'Ur (XXIe siècle) soient les initiateurs des ziggurats ou non, cette époque est en tout cas décisive pour le succès futur de ce genre de constructions. C'est en effet à partir des débuts de la Troisième dynastie d'Ur que les grands centres cultuels de basse puis de haute Mésopotamie sont tous dotés progressivement de ces édifices qui sont conçus selon un même modèle, bien qu'ils ne soient pas strictement identiques. A partir de ce moment, toute grande ville mésopotamienne a sa ziggurat, monument qui semble indispensable à son prestige.
Ces constructions ont apparemment été initiées par le fondateur de la dynastie, Ur-Nammu (2112-2094), et poursuivies par son fils et successeur Shulgi (2094-2047). Quatre ziggurats au moins ont été construites, dans les principaux centres religieux du pays de Sumer, d'où provenait la dynastie : Ur, Uruk, Eridu et Nippur (peut-être aussi une autre à Larsa). Ces édifices sont construits selon le même principe : trois terrasses empilées qui supportent un temple, auquel on accède par deux escaliers latéraux parallèles à la base et un grand escalier central perpendiculaire, mais leur orientation est différente. Elles sont dédiées aux divinités tutélaires de ces cités. Ces constructions ont nécessité la mise au point de nouvelles techniques de construction, et la mobilisation de nombreux travailleurs. Cela s'inscrit dans la politique de grands travaux mis en œuvre par les souverains de ce véritable Empire dominant alors toute la Mésopotamie, et servi par un appareil bureaucratique et une foule de dépendants qui atteint des quantités jamais atteintes auparavant. Cela explique pourquoi ces quatre ziggurats sont construites selon un même modèle presque standardisé, en quelque sorte « en série ». L'édification de ces ziggurats sous cette dynastie est un moment-clé de l'histoire de l'architecture mésopotamienne.
Après l'effondrement de la Troisième dynastie d'Ur vers 2004, la construction de ziggurats se poursuit sous l'impulsion des rois d'origine amorrite des États de la basse Mésopotamie du début du IIe millénaire, qui ont l'habitude de reprendre les traditions héritées de leurs prestigieux prédécesseurs sumériens. Si les rois d'Isin, premiers dominateurs de la région après la chute d'Ur, ne bâtissent pas de ziggurat dans leur capitale, ceux de Larsa le font. Après le XVIIIe siècle, les rois de Babylone qui sont les nouveaux maîtres du sud mésopotamien en bâtissent une dans leur capitale ainsi que dans les villes voisines de Sippar (à Abu Habbah, le sanctuaire du dieu-soleil Shamash), Borsippa et peut-être Kish. Les ziggurats des rois d'Ur sont toujours entretenues.
Le modèle des ziggurats se répand vers le nord de la Mésopotamie. Une ziggurat est construite à Tell Rimah (sans doute l'antique Qattara) et à Assur pour le dieu tutélaire de la ville, Assur. Il y en a peut-être une autre à Tell Leilan (Shekhna/Shubat-Enlil).
Durant la seconde moitié du IIe millénaire, de nouvelles ziggurats sont bâties, alors qu'on continue d'entretenir les précédentes. En Babylonie, un des deux rois kassite nommé Kurigalzu (sans doute le premier) en érige une dans sa nouvelle capitale éponyme, Dur-Kurigalzu (Aqar Quf). En Assyrie, deux ziggurats sont bâties dans le temple double d'Anu et Adad à Assur (ce qui fait en tout trois ziggurats identifiées par l'archéologie dans cette ville), et une autre à Kar-Tukulti-Ninurta, capitale fondée par le roi éponyme durant la seconde moitié du XIIIe siècle. Au même moment, on en construit une dans le royaume élamite (dans le sud-ouest de l'Iran actuel), dans la nouvelle ville fondée par le roi Untash-Napirisha, Dur-Untash (Chogha Zanbil). Les dernières nouvelles ziggurats sont l'œuvre de deux rois assyriens de la première moitié du Ier millénaire, eux aussi fondateurs d'une nouvelle capitale pour leur royaume. Assurnasirpal II en fait bâtir une à Kalkhu (Nimrud) vers 870, et Sargon II à Dur-Sharrukin (Khorsabad) à la fin du VIIIe siècle.
On sait par les textes mésopotamiens qu'il existait des ziggurats dont on n'a pas retrouvé les traces, même sur des sites fouillés comme Ninive et Suse. Il y en avait peut-être sur le sites non identifié d'Akkad où se trouvait un grand sanctuaire dédié à Ishtar. On dispose de deux tablettes faisant la listes des ziggurats qui existaient, dont les exemplaires datent de la période néo-assyrienne et de la période néo-babylonienne, mais qui sont probablement des copies de tablettes plus anciennes. Elles listent respectivement 22 et 23 ziggurats (dont plusieurs pour un même site, notamment Nippur où ce n'est pas confirmé par l'archéologie) pour les sites de basse Mésopotamie uniquement. En haute Mésopotamie, une inscription du roi assyrien Salmanazar Ier (1275-1245) commémore la restauration de plusieurs temples dont des ziggurats, parmi lesquelles celles dédiées à Ishtar à Arbelès (Erbil) et à Talmushshu (localisation inconnue), pour lesquelles on ne dispose pas d'autres attestations. Une inscription retrouvée à Chogha Pahn en Élam mentionne la présence d'une ziggurat sur ce site. Il pourrait donc en tout y avoir eu une trentaine de ziggurats en Mésopotamie et trois en Élam, construites entre la fin du XXIe siècle et le VIIIe siècle, en sachant qu'il pouvait en exister d'autres dans des sites non fouillés et non attestées par les textes. De plus, il y a parfois des divergences chez les archéologues pour savoir si la construction en présence est une ziggurat ou un temple sur terrasse, type de construction dont la tradition se poursuit après l'édification des premières ziggurats, et qu'il est parfois difficile de distinguer des ziggurats, d'autant plus qu'on ne sait pas si les Anciens le faisaient et qu'il n'y a pas de définition stricte de ce type d'édifices permettant de distinguer clairement l'un de l'autre (chaque ziggurat étant de toute manière un temple sur terrasse).
La plupart des grandes ziggurats sont restaurées voire agrandies par les souverains Assyriens et Babyloniens de la première moitié du Ier millénaire. La ziggurat de Babylone, Etemenanki, remaniée entre le VIIe siècle et le début du VIe par les rois assyriens Assarhaddon et Assurbanipal puis les babyloniens Nabopolassar et Nabuchodonosor II, marque l'aboutissement de ce type de constructions. Les ziggurats continuent à être entretenues au moins jusqu'à la chute du royaume de Babylone en 539, le dernier héritier de la longue tradition des constructions monumentales typiquement mésopotamiennes. Elles sont progressivement tombées en ruine durant l'Antiquité et leurs briques ont souvent été utilisées comme matériaux de constructions par les populations vivant à leur proximité. Cela n'a pas empêché certaines ziggurats de rester encore impressionnantes malgré l'épreuve des siècles (à Ur, Dur-Kurigalzu, Chogha Zanbil), tandis que d'autres ont totalement disparu (Ninive, Suse).