La règle cistercienne recommandant l’isolement et l’autarcie, les moines n’avaient ni le besoin, ni le droit d’avoir des contacts avec le monde extérieur. De plus, ces derniers devaient absolument rejeter toute idée de profit et faisaient vœu de pauvreté à leur entrée dans le monastère. C’est sans doute la raison pour laquelle les sources ne donnent que très peu d’informations concernant ces déviations par rapport à la règle cistercienne.
À l’époque médiévale, les échanges commerciaux étaient soumis à de nombreuses taxes (le vinage pour la vente et l’achat de vin par exemple). Une bulle du pape Innocent III exempte les cisterciens de Signy « de péage, vinage, rouage et forage pour l’achat et la vente de leurs animaux, du blé, du vin, de la laine, du bois, des pierres… », preuve qu’ils pratiquaient le commerce.
Rappelons que les moines pratiquaient un élevage important de porcs, de moutons, de bovins et de chevaux. La consommation de viande leur étant interdite par la règle de saint Benoît (sauf pour les malades), on doit donc en déduire que les bêtes de boucherie étaient destinées à la vente. De même, la quantité de laine produite par un troupeau de six cents moutons dépassait largement les besoins de la communauté, le surplus était très certainement commercialisé.
En revanche, le commerce du vin semble avoir été une activité beaucoup plus importante, régulière et donc organisée. La consommation des moines en vin étant strictement règlementée et les besoins pour la liturgie assez modérés, la production viticole du cellier de Lavergny devait très largement dépasser la quantité de vin nécessaire à la communauté. Le reste était donc destiné au marché, d’abord local puis national et même international.
Il semble que les ardoises extraites dans la grange de l’Écaillère aient également étaient en partie destinées à la vente. De même, les moines vendaient d’autres matériaux de construction comme le bois, le fer, la pierre…
Très tôt, l’abbaye de Signy posséda un réseau de chemins et de routes permettant de relier le monastère à ses granges ainsi qu’aux villages alentours. Grâce à cela, les moines pouvaient être présents sur les marchés locaux pour vendre, acheter, mais surtout pour échanger des produits.
Rapidement, ce commerce local ne leur suffit plus pour écouler leur surplus et ils doivent alors se tourner vers des marchés plus importants et donc plus éloignés du site. Pour cela, les moines obtiennent des exemptions de taxes auprès des seigneurs locaux pour le transport et le commerce de leurs marchandises. Ainsi, on sait que des membres de la communauté se rendaient régulièrement sur les marchés et les foires de villes et villages, parfois assez éloignés (Rethel, Château-Porcien…). Les granges de Lavergny (près de Laon) et de l’Écaillère (près de Rimogne) bénéficiaient des mêmes faveurs dans les seigneuries qui les entouraient. Ainsi, ce réseau d’échanges s’étendait jusqu’en Flandre ainsi que le long de la vallée de la Meuse sur laquelle les moines de Signy bénéficiaient de la libre navigation.
Les fouilles archéologiques de la Porterie de Signy menées par Jean-Pierre Lémant en 1994 ont permis de trouver des pièces ainsi que du matériel servant à peser les monnaies. Ces découvertes attestent de l’intense activité économique et de la richesse du monastère. De plus, l’étude des monnaies retrouvées atteste la participation des moines de Signy aux échanges européens puisqu’en plus des pièces d’origine française, ont été retrouvées des pièces venant de Flandres et des Pays-Bas.
Les lieux de vente différaient selon le type de marchandises. Ainsi, la vente des céréales pouvait se faire directement à l’intérieur des moulins ou sur les marchés locaux environnants.
Dès la fin du XIIe siècle, l’abbaye de Signy multiplia ainsi les acquisitions de maisons de ville. Initialement, ces dernières étaient utilisées comme pied-à-terre pour les moines en déplacement. Puis, elles servirent d’entrepôts pour stocker les marchandises, comme les tonneaux de vin par exemple. Ainsi, les maisons acquises près de Laon permettait le stockage du vin produit dans la grange de Lavergny en attendant son acheminement, par bateau le plus souvent.