L'Abbaye de Honcourt (Hugshofen en allemand et Hugonis Curia en latin) située près du village de Saint-Martin (Bas-Rhin) fut fondée en l'an 1000 par le comte Werner d'Ortenbourg, descendant de la famille des Etichonides et de la famille des Eberhard sous le règne de l'empereur Othon III (983-1002) et sous l'épiscopat d'Alewic comme l'atteste un diplôme de Frédéric Barberousse.
L'histoire de l'abbaye de Honcourt reste encore à faire car les recherches actuelles ne peuvent s'appuyer que sur des documents épars non encore étudiés par les historiens. À ce jour aucun document de l'abbaye primitive ne nous est connu. La tradition basée sur des chartes ou donations souvent fausses, veut que Honcourt ait été fondé en l'an 1000. D'après les dernières recherches, l'abbaye serait l'œuvre de Werner et de son épouse Himidrud, ancêtre de la famille des Hürningen. Il s'agit du fameux Werner von Ortenberg dont l'annaliste de Colmar rapporte qu'on en voit « la figure haute de huit pieds ordinaires, » représentée en peinture. Ce couple a un fils nommé Volmar dont l'histoire ne retiendra pas grand chose. Le premier document concernant Honcourt semble remonter à 1061. De nouvelles citations interviennent en 1135 et en 1286 lorsque la chapelle du monastère est reconstruite par l'abbé Conrad Dickerer.
Cette abbaye se trouvait à côté du village de Saint-Martin à l'orée du Klosterwald. Selon les rares textes, le monastère a été construit sur l'emplacement d'un ancien château de chasse de petite envergure. Le chroniqueur Jean de Ruyr rapporte : « Hugon, susnommé le gros ou le grand à cause de sa stature excessive, avait un petit castel, qui s'appelait aussi de ce nom Hugshoffen, auquel lieu et au contour du dit Val on a érigé un monastère de l'ordre de Saint-Benoît. » L'abbaye avait des biens un peu partout dans le Val de Villé, particulière à Dieffenthal. Theoger, abbé (1088-1120) de Saint-Georges en Forêt-Noire, y introduisit la réforme de Hirsau. Ce renouveau conduisit le monastère à une certaine floraison. L'abbaye fut pillée et brûlée en mai 1525. La communauté des moines se dispersa peu après. Le dernier abbé, Paul Voltz, passa au protestantisme et participa à la réforme strasbourgeoise. En 1599 les restes de l'abbaye sont vendus par les archiducs d'Autriche à l'abbaye d'Andlau. Le patrimoine de la première communauté de l'abbaye de Honcourt semble très considérable; l'abbaye détient Ranrupt, Saint-Martin, Nordhausen, Heidolsheim et d'autres biens situés à Marckolsheim, Breitenheim (localité aujourd'hui annexée à Mussig), Rimsingen-en-Brisgau. Himildrud, la femme de Werner se montra généreuse en accordant des propriétés situées en Lorraine : Gebersdof, Brechlingen et Bausdorf.
Selon d'autres historiens, Hugon le second fils de d'Albrecht serait le cofondateur du monastère de Honcourt érigé sur son ancienne propriété de chasse. Comme son frère il avait une stature herculéenne et fut enterré avec lui dans l'abbaye. D'après Jean-Daniel Schoepflin dans l'Alsace illustrée, Hugon, comte de Reichenberg, le dernier de sa famille, mourut en 1361 et fut enterré dans l'église du monastère de Honcourt. En juillet 1986, trois fragments de dalles en grès rose ont été découvertes à Saint-Martin avec des inscriptions. Le millésime sur la dalle indique l'année 1359 qui pourrait être l'année de décès de Hugues. Dans les armoiries on remarque le chevron des armoiries des Reichenberg représenté au chef, alors que sur la dalle le sculpteur le fait apparaître en pointe.
Étant de passage en Alsace en 1516, l'empereur Maximilien Ier voulut en avoir le cœur net de cette renommée de titan et fit ouvrir le tombeau. On retira comme pièce à conviction un fémur impressionnant, pour déterminer en toute proportion, la taille des corps ensevelis. L'esquisse que l'on en fit se trouva longtemps conservé au prieuré de Sainte-Foy de Sélestat. On conclut à une stature de huit pieds, soit à peu près 8 X 0,3248 = 2m59 ! Ce qui est déjà impressionnant ! Mais chose curieuse, on eut aussi la surprise de constater que les ossements de Wernher et de Hugon étaient mélangés.
C'est en 1186 que l'on commença à édifier l'église abbatiale qui fut achevée un siècle plus tard par l'abbé Conrad III, en 1286. C'était une église circulaire, comme la rotonde du monastère de Senones, flanquée d'un chœur rectangulaire dont la construction dura une centaine d'années. L'édifice résista pendant de longs siècles aux assauts du temps et des guerres. Malheureusement, cette construction remarquable n'existe plus. Elle résista aux assauts du temps et des guerres, mais succomba pitoyablement à la pioche des démolisseurs, sur ordre des religieuses d'Andlau en 1782. Par sa forme circulaire, l'édifice religieux, rarissime, ressemblait fortement à l'église d'Ottmarsheim près de Kembs, un des joyaux de l'architecture romane primitive, réplique fidèle mais en plus petit de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle.
L'abbaye de Honcourt a été soumis à de dures épreuves au cours de son existence. Elle fut occupée une première fois par les bourguignons sous le commandement de Charles le Téméraire (1433-1477). Ce prince déferla dans la vallée le 20 décembre 1473, occupa Villé et ravagea peu après tout le coin. Un demi siècle plus tard, en avril 1525, ce fut encore pire ! Lors de la révolte des Rustauds, les bâtiments conventuels saccagés flambèrent et l'ensemble des documents fut réduit pour ainsi dire à néant. Durant la mise à sec de l'abbaye par les paysans, un précieux retable en provenance de Honcourt fut entreposé à l'église de Villé. Volcyr de Serouville, secrétaire du duc Antoine de Lorraine, s'intéressa à ce chef d'œuvre. Ce retable a été retrouvé pris aux paysans avec d'autres objets du culte et emportés par les lorrains. Ce retable fut sans doute une œuvre du sculpteur Sixte Schultheiss, mort en 1527. La Révolution française donna le coup de grâce aux archives de l'abbaye d'Andlau dans lesquelles avaient été incorporés les restes des documents sauvés de la mise à sec de 1525.
Honcourt, qui présidait durant cinq siècle aux destinées spirituelles de la vallée de Villé, ne pouvant plus se suffire à lui-même, fut acquis en 1599 par l'abbaye d'Andlau et son incorporation à cette maison fut définitivement prononcée en 1616 par le pape Paul V. L'abbesse d'Andlau, estimant que l'entretien du sanctuaire de Honcourt était trop onéreux, eut la malencontreuse idée de faire démolir la vénérable abbatiale en 1782, privant ainsi le Val de Villé d'un édifice d'une architecture et d'un style exceptionnels. Il faut préciser, que c'est par le Val de Villé que l'art roman et l'art bourguignon pénétrèrent en Alsace. L'abbaye de Honcourt fut en quelque sorte le pont entre la petite église de Saint-Dié et l'église Sainte-Foy de Sélestat.En 1782 les chanoinesses d'Andlau font enlever l'ancestrale rotonde.
En 1792, la propriété est vendue aux enchères et au détail: l'ensemble est mis en pièces: tuilerie, prairies, forêts. Le château est acquis par Cuny, un notable vosgien déjà établi dans la vallée. Le nouveau propriétaire, directeur des mines de Lalaye, conseiller d'arrondissement meurt en 1835, et passera à ses neveux.A la mi-août 1914 lors de l'avancée de la brigade dauphinoise du général Perret, la demeure du Hugshofen est incendiée. L'hôtel du climont et la maison forestière de la charbonnière connaissent un sort identique. Mais plus tard, les bâtiments renaissent de leurs cendres.