L’abbaye de Saint-Bernard-sur-l'Escaut ou de Lieu-Saint-Bernard, fondée en 1243, était une abbaye cistercienne sise sur l’Escaut, à l’embouchure de la petite rivière Vliet, sur le territoire de la commune actuelle de Hemiksem (dans la province d’Anvers), et fut du XIIIe au XVIIIe siècle une des abbayes les plus vastes et les plus florissantes des Pays-Bas. Supprimée à la suite de la révolution française, l’abbaye ne put se rétablir, et les bâtiments servirent alors à divers usages. À l’heure actuelle, les édifices, qui remontent aux XVIIe et XVIIIe siècles, devenus la propriété de la commune de Hemiksem, sont en cours de restauration et ont trouvé de nouvelles destinations.
L'abbaye de Saint-Bernard-sur-l'Escaut ou de Lieu-Saint-Bernard, abbaye cistercienne, à laquelle le village de Hemiksem est redevable de son existence, fut nommée d’après Bernard de Clairvaux et doit son origine principalement aux libéralités de Henri Ier de Brabant (1190-1235) et de Henri II de Brabant (1235-1248). D'abord établis près de Lierre, les moines choisirent, en 1246, l'emplacement définitif de leur abbaye à Hemiksem (anc. écrit Hemixem), près d'Anvers. L’abbaye de Abbaye de Villers, dans l’actuel Brabant wallon, fondée en 1146, était l’abbaye mère de cette nouvelle implantation. L’abbaye fut consacrée par le pape Urbain IV. Un document de 1330 fait état de 39 prêtres et de 40 frères laïcs. En 1559, à la création de l'évêché d'Anvers, l'abbaye fut incorporée à la mense épiscopale. En 1649, l'abbaye fut séparée de l'évêché et dès lors l'évêque cessait d’être l'abbé du monastère.
Le vaste domaine appartenant à l’abbaye s’étendait autour du confluent de la petite rivière Vliet et de l’Escaut. Entre cette rivière et l’abbaye, les moines aménagèrent un bassin pour le chargement de marchandises. Il y a lieu de penser que les moines furent les premiers à exploiter en vue de la fabrication de briques l’argile présent sur les rives de la rivière Rupel proche, et d’être ainsi, dès le XIIIe siècle, à l’origine de l’activité briquetière qui restera indissociable de la région jusque dans les années 1960. Le terme local de papesteen, désignant un type de briques, porte témoignage du rôle de l’abbaye dans la naissance de cette industrie. C’est du reste avec des briques qu’ils avaient eux-mêmes fabriquées que les moines érigèrent leur abbaye.
Les événements de la deuxième moitié du XVIe siècle, période troublée pour le clergé catholique, qui vit en particulier l’installation d’un régime calviniste dans la région, contraignirent les moines à abandonner temporairement l’abbaye en 1578. L’abolition des ordres monastiques à la suite de la Révolution française entraîna la suppression de l’abbaye et la vente de ses possessions ; l’église abbatiale fut démolie au début du XIXe siècle. Le mobilier et les œuvres d'art furent dispersés : les confessionnaux, de 1713, œuvres de Willem Ignatius Kerricx et de Michel Van der Voort sont placés dans la Cathédrale Notre-Dame d'Anvers.
Dans l’impossibilité de reconstituer l’abbaye, les religieux, après avoir acquis l’abbaye Saint-Bernard de Bornem (qui existe encore), quittèrent Hemiksem définitivement en 1836.
À partir de 1811, les bâtiments de l'abbaye servirent d’abord d'hôpital pour matelots, puis, à l’époque hollandaise, de dépôt de céréales. En 1821, l’architecte anversois Pierre Bruno Bourla entreprit de les convertir en prison correctionnelle, en y aménageant de grandes salles de détention ; on y comptait, à un certain moment, jusqu’à 1554 hommes et 457 femmes, en plus de nombreux enfants. À partir de 1867, après que les salles de détention communes eurent été jugées inadéquates et remplacées par des cellules individuelles, le complexe fit office de dépôt militaire. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l’abbaye fut utilisée comme camp d’internement pour collaborateurs. Entre 1948 et 1977, le bâtiment fut de nouveau mis à la disposition de l’armée, puis se trouva vacant à partir de 1977.