Biospéologie - Définition

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Vie et évolution des animaux cavernicoles

D'où viennent-ils ?

La totalité des animaux cavernicoles sont issus de lignées animales épigées dont ils ont lentement divergé. Dans le sud des la France, la majorité des cavernicoles aquatiques d'eau douce provient étrangement de formes marines :

Il y a 50 millions d'années, pendant l'ère tertiaire, la position de la région Languedoc-Roussillon se trouve plusieurs centaines de kilomètres plus au sud qu'aujourd'hui, et l'océan Atlantique, à l'ouest, est ridiculement étroit. Un énorme massif montagneux émerge vers le sud et s'étend progressivement de la péninsule ibérique jusqu'à l'actuelle Italie. Mais ni la Corse, ni la Sardaigne ne sont encore en place, tout juste commence-t-on à les deviner à l'ouest. Les calcaires jurassiques et crétacés, comprimés par cette poussée du sud-ouest vers le nord-est, se plissent, se fracturent et avec toutes ces fentes commence le lent processus de karstification. Le climat est plutôt chaud et humide, les précipitations sont fortes et la végétation luxuriante : une vaste forêt recouvre les régions de moyenne altitude, leur sol est fait d'une épaisse couche d'humus, fraîche, humide et obscure où grouillent les futurs cavernicoles ; dans les zones moins touffues, les petits ancêtres des chevaux broutent près d'animaux ressemblant à des tapirs : les lophodions, castors et ratons-laveurs s'ébattent tout près. Dans les lacs parmi les poissons, on retrouve des limnées, des crocodiles et des tortues, et la mer chaude est peuplée d'énormes huîtres, d'oursins et de requins.

Il y a 25 millions d'années, un bassin d'effondrement s'est ouvert au sud, il a été envahi par la mer dont les limites se déplacent une nouvelle fois, la Corse et la Sardaigne se séparent en prenant leur emplacement actuel. Déjà, les eaux en retrait on laissé derrière elles les ancêtres des Caecosphaeroma et des Monolistra (crustacés isopodes) qui commencent leur long apprentissage de la vie en eau douce dans cet immense réseau de fentes noyées du calcaire de plus en plus fracturé. Cette mer va finir par s'assécher (-14 Ma) et lors de son retour vers -5 Ma, le climat s'est déjà un peu adouci. Les restes des grandes frondaisons tropicales voisinent avec des forêts de bouleaux, d'érables et de chênes. Après un grand brassage de plusieurs migrations animales venant du sud et de l'est, un partie de cette faune commence peut-être son enfouissement. De grands mammifères s'ébattent dans les plaines : rhinocéros, mastodontes (petits éléphants), antilopes, hyènes, lions et tigres à dents de sabre. Bientôt le climat va devenir sérieusement plus frais, puis de plus en plus rude sur l'ensemble du globe : pour de nombreuses espèces la fin est proche.

Au Pleistocène (-1,65 Ma), venu d'Afrique où il a commencé son développement depuis environ 10 Ma l'homme, dernier né des primates, est arrivé en Europe. En quelques millénaires, le climat est devenu très instable : trois longues périodes glaciaires vont alterner avec d'autres plus clémentes mais sèches. Les calottes polaires s'étendent, les glaciers alpins et pyrénéens avancent et le niveau général des mers baisse de plus de 100 mètres. Les calcaires sont toujours plus érodés car ils sont extrêmement sensibles à la cryoclastie qui les brise et élargit les diaclases. Sous la croûte de glace qui recouvre tout le nord de l'Europe, les formes animales, issues du climat tropical de l'ère tertiaire et de la fin du secondaire, sont irrémédiablement et définitivement éliminées. Dans ces régions, à l'écart des glaces polaires, la forêt a été remplacée par une steppe herbeuse parsemée de pins sylvestres souvent balayée par des vents froids et violents. Les petites bébêtes frileuses n'ont aucune chance de survie à l'extérieur, seules les espèces nivicoles résistent dans les moraines au front des glaciers. Certaines espèces ont certainement migré profitant de l'assèchement du détroit de Gibraltar. Celles qui ont réussi à s'enfouir et à survivre profitent d'un espace souterrain que la karstification en plein essor ne cesse d'étendre.

Comment vivent-ils ?

La nourriture ne manque généralement pas. Une partie provient de l’extérieur apportée par l’eau ou l’air : elle est composée de détritus et de débris divers de végétaux ou d’animaux. Une autre source importante de nourriture se situe dans les cavités elles-mêmes au sein d’une chaîne alimentaire complexe. Celle-ci pourrait se résumer ainsi :

Bactéries du sol → Protistes bactériophages (qui se nourrissent de bactéries) → Animaux se nourrissant du contenu organique du limon et d’argile (Oligochètes, Nématodes, Mollusques, larves de Protée, jeunes Niphargus) → Carnivores vrais qui consomment d’autres troglobies, ainsi que des troglophiles et des trogloxènes.

Entre deux repas, la vie des troglobies semble se dérouler au ralenti, par rapport aux formes voisines épigées. Des expériences ont démontré que c’est une caractéristique constante de la physiologie des troglobies : ils respirent lentement, consomment peu d’oxygène, pondent des œufs plus gros mais moins nombreux. Les larves de coléoptères muent moins souvent et restent peu à l’air libre avant de s’isoler dans l’argile de longs mois. Certaines ne se nourrissent même pas avant de se transformer en adultes. Par contre les myriapodes passent, eux, par un nombre de stades larvaires plus élevés. Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, l’allongement de la durée du stade larvaire aboutira à une longévité totale larve / adulte plus grande que celle des espèces vivant à l’extérieur.

Quelle évolution ?

A. Vandel a très bien exprimé la difficulté d'interpréter l'évolution des cavernicoles en écrivant : « l'idée d'adaptation est devenue à un tel point obsédante que l'on a pu écrire que la dépigmentation et l'anophtalmie représentaient des adaptations à la vie cavernicole. Autant dire que le catarrhe, les rhumatismes et la presbytie sont des adaptations à la vieillesse ». Cependant, les biospéologues ne sont pas pour autant créationnistes et en désaccord avec le darwinisme.

Certes, dans les grottes, il y peut y avoir concurrence pour la nourriture, mais l'évolution est généralement la conséquence d'une pression sélective du milieu. Dans les grottes, les conditions atmosphériques sont stables, les gros prédateurs inexistants, la densité de population faible. Ce milieu pardonne donc beaucoup « d'erreurs » et des tas de dégénérescences, qui à l'extérieur seraient fatales, peuvent persister. Des caractères morphologiques encore instables chez certaines espèces, mais soutenus par les conditions du milieu extérieur, vont par exemple disparaître. L'absence d'une réelle adaptation au milieu souterrain ne signifie donc pas qu'il n'y a pas d'évolution. Cette évolution dite « régressive » ressemble plutôt à un cul-de-sac évolutif, aux causes multiples : préadaptation épigée suivie de l'isolement dans un milieu peu sélectif depuis de nombreuses générations : cette conception est appelée « organicisme » (A. Vandel, 1964).

Qu’est-ce que la préadaptation ?

Dans la population animale, une espèce possède des centaines de gènes qui codent des milliers de protéines et le tout s'exprime sous forme d'une quantité encore plus grande de caractères physiques, physiologiques ou comportementaux distincts. La variation de certains de ces gènes n'a pas forcément d'intérêt adaptatif particulier pour la vie épigée : on dit qu'elle est neutre. Mais parmi ce patrimoine génétique « neutre », certains gènes peuvent apporter un avantage adaptatif pour le milieu hypogé : il se révélera comme une prédisposition quand, par hasard, l'espèce animale qui porte ce caractère sera emportée sous terre et réussira mieux qu'une autre à s'y adapter.

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