On ne peut pas donner de description générale et universelle des caractères particuliers à la vie souterraine, car les grottes et leur “climat” sont bien différents suivant les latitudes ou l'altitude à laquelle elles s'ouvrent. Ces différences sont d'autant plus sensibles qu'on est proche de l'entrée ou de la surface. Pourtant, au fur et à mesure que l'on s'enfonce sous terre et dans les régions tempérées du globe, on retrouve des caractéristiques communes :
Par contre, les conditions de vie actuelles peuvent être bien différentes de ce qu'elles furent par le passé. Il ne faut pas oublier que si des cavités qui semblent aujourd'hui favorables au développement des animaux cavernicoles en sont totalement dépourvues, l'origine de ce phénomène remonte parfois bien loin. Les grottes ne sont pas peuplées au-delà d'une certaine latitude qui correspond sensiblement à l'extension des glaciers au cours des deux dernières glaciations de l'ère chrétienne (Glaciations de Mindel et Würm). Les glaces venant du Nord ont détruit leur peuplement sur l'ensemble du globe. Longtemps, on a cru qu’il n’existait pas de troglobies dans les grottes tropicales mais les recherches récentes montrent que de nombreuses espèces sont présentes.
De plus, même si aucune plante verte ne peut pousser loin de l'entrée des cavernes (par conséquent aucun herbivore n'y vit), la nourriture pour les cavernicoles ne manque pas. Tout d'abord la densité de population n'est pas énorme (mis à part dans les tas de guano où ça grouille vraiment), ensuite l'eau y entraîne suffisamment de matière organique pour repaître les troglobies.
Dès qu'il fut constaté que le monde souterrain était peuplé, faire un tri parmi tous ces êtres vivants était devenu indispensable. Plusieurs possibilités s'offrent à celui qui s'attaque à cette tâche :
Cette dernière méthode s'est affinée au fil des ans pour être actuellement reconnue comme la plus pratique en biospéologie. Trois catégories de cavernicoles sont donc définies par l'étroitesse de leur lien au monde souterrain profond : trogloxènes, troglophiles et troglobies.
Ce sont des animaux qui utilisent, quand cela est possible, le monde souterrain au cours d'une partie de leur existence pour des raisons particulières à chaque espèce. Les caractéristiques physiques des cavités leurs sont temporairement favorables, par exemple, pour hiberner (ours et chauve-souris), pour estiver (batraciens des pays chauds) ou tout simplement pour s'abriter (serpents, rongeurs). Ces animaux peuvent trouver ailleurs des conditions semblables (semi-obscurité, température stable…) et utiliser d'autres lieux en l'absence de cavités. De plus ces animaux n'effectuent pas leur cycle complet de reproduction sous terre : même les espèces de chauves-souris qui utilisent les grottes comme nursery s'accouplent à l'extérieur à une autre période de l'année.
Ces animaux, bien que très peu différents morphologiquement des formes épigées, sont particulièrement bien adaptés à la vie souterraine. Au cours de l'histoire de leur lignée sont apparus, suite à la variabilité génétique, des caractères qui les ont rendus plus aptes que d'autres à la vie dans les conditions spécifiques du monde souterrain. C'est ce qu'on appelle la « préadaptation ».
Certains animaux utilisent ces prédispositions pour exploiter le monde hypogé en leur faveur, ils peuvent alors voir leur comportement différer sensiblement de celui des membres épigés de la même espèce : les escargots Oxychilus épigés hibernent alors que l'Oxychilus cavernicole troglophile a une activité constante tout au long de l'année. De plus, si on analyse les sucs digestifs d'une espèce d'Oxychilus épigé on s'aperçoit qu'ils contiennent dix fois plus d'enzymes capables de digérer les carapaces des insectes que ceux des autres escargots, et pourtant Oxychilus épigé est détrititivore (animaux morts, feuilles mortes) ; alors que sous terre, l'espèce troglophile d'Oxychilus est carnivore : il mange les déchets de carcasses d'insectes et chasse même des papillons. Cet exemple de préadaptation montre bien que sans cette spécificité physiologique préalable, jamais Oxychilus n'aurait pu donner une lignée d'animaux cavernicoles viables.
Pour autant, et même si leur cycle de vie se déroule entièrement dans les cavités, la morphologie des troglophiles n'a pas ou très peu évolué : peut-être ne sont-ils pas hypogés depuis un nombre de générations suffisamment élevé, car comme le souligne Stephen Jay Gould : « Les organismes ne sont pas une pâte à modeler que l'environnement façonne à son gré, ni des boules de billard sur le tapis vert de la sélection naturelle. La morphologie de ces organismes et le comportement qu'ils ont hérité du passé exerce une contrainte et freine leur évolution : il leur est impossible d'acquérir rapidement de nouvelles caractéristiques optimales chaque fois que leur environnement se modifie. ». Seules les bactéries, encore mal connues, semblent peut-être faire exception à cette règle et avoir un pouvoir adaptatif au-dessus de la moyenne des autres êtres vivants mais, malgré une présence bactérienne importante dans les argiles des grottes, ceci est une autre histoire.
Ce sont les véritables cavernicoles qui ont surpris les premiers observateurs par leur aspect physique, différent de celui des animaux épigés. Bien que lointainement issus d'animaux de surface, ils s'en sont depuis tellement éloigné physiologiquement et morphologiquement qu'ils ne peuvent plus survivre bien longtemps à l'extérieur. Leur développement dépend totalement des grottes, avens, nappes phréatiques qu'ils peuplent et auxquels on dit qu'ils sont inféodés. Pour toutes ces raisons, ils forment de nouvelles espèces à part entière, cousines éloignées de celles qui vivent à l'extérieur. Il n'existe donc pas d'herbivores troglobies puisqu'il n'y a pas de végétation chlorophyllienne dans l'obscurité totale, pas d'oiseaux ni de mammifères (le Guacharo et les chauves-souris sont des trogloxènes), quelques rares vertébrés (poissons, batraciens) et une foule immense d'invertébrés (insectes, crustacés, mollusques, vers, unicellulaires).
Les espèces hypogées troglobies véritables présentent par rapport à leurs cousins épigés de la même famille, des traits distinctifs dont les plus fréquents et les plus connus sont les suivants :
L'idée selon laquelle les cavernicoles avaient vu leurs organes sensoriels augmenter en taille et en nombre pour compenser la perte de la vue, bien que séduisante pour certaines espèces, ne peut pas être généralisée.