Le bizutage (Europe) ou initiation (Amérique du Nord) est un ensemble de pratiques épreuves ou traitements ritualisées, destiné à symboliser l'intégration d'une personne au sein d'un groupe social particulier : étudiants, militaires, professionnels, etc. Ce genre de pratiques a souvent fait l'objet de l'attention des médias, suite à des incidents, ou plus simplement de par la nature dégradante et humiliante de certains bizutages.
En France, la définition donnée du bizutage, provenant de l'article 14 de la loi du 17 juin 1998, est :
« Le fait pour une personne, d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations, ou de réunions liées aux milieux scolaires et socio-éducatif. »
On nommait jadis bizutage un certain nombre de rites, qui en sont parfois arrivés aux limites de la brimade, voire du racket (« taxe » des 3/2 par les 5/2 en taupe dans les années 1960).
On continue cependant à désigner sous ce nom un certain nombre de « cérémonies d'accueil » ou « journées d'intégration » des jeunes promotions, se voulant aujourd'hui une tendance plus humoristique et se donnant juste pour but de dissuader lesdits nouveaux d'attraper la « grosse tête » du fait de leur admission, et créer de fait un esprit de cohésion entre membres d'une même promotion. Cela permet également aux « nouveaux » de faire connaissance avec les « anciens ».
Certains établissements, comme par exemple l'École des mines de Nancy, avaient aboli le bizutage-brimade dès 1957, et l'avaient remplacé par une série d'« exploits » que les nouveaux devaient accomplir pour prouver leur esprit débrouillard ou farceur (faire sonner à minuit les cloches de la cathédrale, par exemple).
La pratique du bizutage sous cette forme fut interdite par la loi du 17 juin 1998, défendue par le ministère de Ségolène Royal.
La loi du 17 juin 1998 définit maintenant le bizutage comme un ensemble d'actes humiliants ou dégradants en milieu scolaire ou universitaire (Livre II, titre II, Chapitre V, Section 3 bis, Article 225-16-1). Le Code pénal français punit les actes de bizutage de six mois de prison et 7 500 euros d'amende.
Les premiers éléments de l'enquête semblent néanmoins donner un caractère infondé aux accusations de bizutage.
Le bizutage, pratique sociale répandue et ritualisée, a donné lieu à une multitude d’analyses, parfois très divergentes. Ainsi, certains psychologues parlent de traumatismes, de régression infantile et bestiale, de défoulement collectif. D’autres, comme Michael Houseman, ont mis en avant le rôle social du bizutage, qui établit les nouvelles hiérarchies à l’intérieur de l’école et entre l’école et l’extérieur. Certains voient dans le bizutage un moyen pour le groupe de se protéger et/ou de se constituer. D’autres y voient un rite d’initiation, de passage, au terme duquel le nouvel arrivant acquiert le statut de membre de la communauté étudiante. Ainsi, selon l’interlocuteur, le bizutage peut être un rituel, certes un peu bizarre, mais néanmoins indispensable pour éviter l’anomie et l’effritement de la société, alors que pour d’autres c’est un fléau à combattre.
Le bizutage: un rite de passage ?
Le bizutage peut être assimilé à un rite de passage dans la mesure où il permet, croient les bizutés et les bizuteurs, d'accéder à un nouveau statut et de faire partie d'un groupe. On le retrouve selon les mêmes règles dans des établissements différents à des époques différentes. La première phase est celle de la séparation, de la coupure des attaches. Dans les cas les plus clairs, le futur initié n'a plus ni nom, ni passé, ni droit. Il est réduit à l'état de chose. Son apparence physique change, il porte une parure imposée, souvent ridicule. Il doit perdre tout signe extérieur distinctif rappelant son ancien statut et sa personnalité. Cette négation est renforcée par la perte de patronyme. Le nouveau est affecté d'un sobriquet dévalorisant, voire d'un numéro. Ensuite, succède à cette phase une période décisive, celle du rite de marge, de la vie marginale. Elle permet la " mise à plat " des personnalités et l'apprentissage de la culture propre à l'école, de ses coutumes et de son langage. Cette prise en main est le plus souvent brutale et sans appel. Les anciens créent un climat de panique, mettent en place une mise en scène impressionnante, multiplient les insultes et les punitions. Calqué sur une symbolique militaire, le dressage va tenter de fondre chaque individu dans le groupe et ne lui laisser comme alternative que la soumission ou l'exclusion. Enfin, survient la sortie de l’initié, son agrégation au groupe. Elle est le plus souvent symbolisée par une fête générale. Anciens et nouveaux sont alors sur un pied d'égalité. L'administration y participe généralement. Ce rituel permet l’intégration des nouveaux au groupe.
Martine Segalen, dans "Rites et rituels contemporains" (1998), complète ce point de vue. Pour elle, dans les bizutages comme dans les rites d’initiation africains, le rituel vise à façonner un homme nouveau. Il constitue un groupe de pairs, une communauté soudée. Le bizutage permet au groupe de sélectionner et de reconnaître les plus aptes, il teste l’endurance physique et psychologique des nouveaux. Ainsi, le bizutage est bénéfique ; pour l’administration, car il met en place une communauté d’élèves avec laquelle elle pourra dialoguer, mais aussi pour la société car elle met en place des solidarités intermédiaires entre les individus et l’Etat et évite une trop grande individuation.
Ces arguments sont souvent repris par les bizuteurs. Ceux-ci, surtout quand le bizutage existe depuis longtemps, défendent le sens de cette manifestation, ainsi que les valeurs et les traditions qu’il perpétue. Pour eux, le bizutage crée une communauté fraternelle et il perpétue l’esprit de l’école. Ceux-ci mettent aussi l’accent sur les relations chaleureuses entre étudiants qu’il crée, ce qui permet de compenser un esprit de compétition trop vif.
Les différences entre bizutage et rite d'initiation :
Les adversaires des explications anthropologique du bizutage font remarquer les nombreuses différences importantes entre les rites d’initiation des sociétés pré-modernes et les bizutages modernes. Tout d’abord, dans le déroulement : ce ne sont pas des adultes qui donnent l’initiation aux jeunes, mais des jeunes qui forcent des plus jeunes à leur obéir. Dans les cérémonies traditionnelles, le but est de transmettre une mythologie, des enseignements, ce qui souvent n’est pas le cas dans le bizutage. De plus, le bizutage ne fait pas passer l’enfant au statut d’adulte. Le nouveau obtient seulement un statut transitoire d’étudiant. La différence est que nous sommes aujourd’hui dans des sociétés de l’écrit, ou le vrai rite de passage est l’examen. Le bizutage ressemblerait donc plus à un simulacre d’initiation, à une cérémonie qui n’aurait pas, loin de là, le sens et l’importance d’un rite de passage. Le bizutage serait donc, au sens de ses détracteurs, rien d’autre que ce qu’il semble être à première vue, c'est-à-dire une humiliation publique.