L’échec, au moins relatif, du bombardement stratégique s’explique par les insuffisances techniques du matériel disponible jusqu’aux années 1960-1970. On ne pouvait concevoir qu’un bombardement quantitatif (« tapis de bombes »), avec un rendement unitaire très faible. Les choses ont commencé à changer à partir des années 1970, avec l’avènement des armes guidées avec précision et tirées à grande distance : la conception quantitative a cédé la place à une conception qualitative.
Dorénavant, la possibilité de frapper des cibles avec une quasi-certitude de succès et des risques très faibles permet de concevoir des opérations aériennes continues, de la zone de combat aux centres vitaux de l’adversaire. Le but est d’obtenir la paralysie stratégique : l’ennemi n’est pas nécessairement détruit, mais il ne peut plus manœuvrer. On s’attaque moins aux forces qu’aux structures de commandement, cela est théorisé depuis les années 1990 dans la théorie des cinq cercles.
La guerre du Golfe de 1991 a validé le concept, mais la guerre du Kosovo a montré ses limites (campagne plus longue que prévu pour un résultat ambigu).
Cette mutation a mis largement fin à l’opposition entre l’appui au sol et le bombardement stratégique. Les matériels ne sont plus aussi dissemblables : les avions d'attaque au sol et les bombardiers lourds sont remplacés par des avions de plus en plus polyvalents.
Les derniers véritables bombardiers « lourds » stratégiques actuels, des monstres de technologie d'une valeur exorbitante, tels le B-2 et le Tu-160, ont été conçus dans les années 1970 et 1980, seuls la Russie et les États-Unis en disposent.
L'USAF envisage de disposer d'un nouveau appareil vers 2018 mais toutes les pistes sont ouvertes, du drone de bombardement à l'avion spatial en passant par un bombardier « classique » subsonique.
L'exemple du bombardement de Dresde en février 1945, en est l'exemple typique : le but du commandement était réellement d'anéantir une ville (le bombardement fit plus de 35 000 morts en quelques nuits), pensant avancer ainsi de quelques mois la fin de la guerre. Les bombardiers américano-britanniques procédaient par tapis de bombes : volant en formation serrée et larguant leurs bombes en même temps indistinctement, afin d'aplatir la ville. Inutile de préciser la terreur ressentie par la population sous un tel déluge de feu et d'acier (voir à ce sujet Cavanna, Les Ruskoffs) ; cependant celle-ci semble avoir été plus résolue après qu'avant le bombardement.
C'est l'impact des attaques délibérées des centres urbains qui fait débat, aspect le plus critiqué des opérations alliées quant à leur efficacité rapportée à leur coût humain et culturel. Dès 1940, les raids de la Luftwaffe sur le Royaume-Uni, qui renforcèrent plutôt la détermination des Britanniques à résister, aurait dû semer le doute sur cette méthode. Les bombardiers du maréchal Harris commencent à frapper massivement le Reich à partir de 1942, avec des moyens à côté desquels ceux du terrible blitz de 1940 semblent bientôt dérisoires. Au total, 1 350 000 tonnes de munitions ont été lâchées sur l'Allemagne entre 1942 et 1945, soit, si l'on retranche l'acier, 450 000 tonnes d'explosif, ce qui représente l'équivalent en puissance de 25 fois la bombe atomique lâchée sur Hiroshima.
Il y eut environ 300 000 victimes civiles et 150 villes détruites aux deux tiers, aux trois quarts ou aux quatre cinquièmes; la ville de Berlin est en grande partie détruite, le centre-ville un désert de ruines. En 1945, 20% des logements sont dits "inhabitables", ce qui est un taux relativement faible par rapport à d'autres cibles de l'aviation britannique. Les bombardements alliés se sont concentrés sur les quartiers centraux, mais ont épargné volontairement des zones proches des aéroports que l'on souhaitait utiliser après la fin des hostilités.
La notion d'« objectif militaire légitime » fut ainsi étendue jusqu’à être vidée de son sens : l'exemple de Dresde, illustre ville d'art incendiée le 13 février 1945 alors que le sort du régime hitlérien ne faisait plus guère de doute, faisant sans motif militaire sérieux plus de 35 000 victimes, est le plus connu (cette opération détient le record historique du plus grand nombre de personnes tuées en une fois en un même lieu, selon l'historien militaire américain Lt. Col. Mark A. Clodfelter, si l'on excepte les bombardements sur le Japon). Dresde, avant guerre, avait à peu près la réputation de Venise ou de Prague en matière culturelle.
Parmi les autres raids dont l’utilité est remise en cause, on peut citer ceux sur Pforzheim, le 23 février suivant, ville sans importance militaire réputée pour son horlogerie et ses églises, ou le 16 mars sur Wurtzbourg, vieille cité épiscopale baroque regorgeant de richesses artistiques, ou encore sur Potsdam, faubourg huppé de Berlin, équivalent de Versailles en France, attaqué quinze jours avant la fin du conflit, épargnant les châteaux.
Les plus importantes atteintes au patrimoine furent ainsi concentrées dans les quatre derniers mois du conflit.
La volonté de satisfaire une opinion publique britannique assoiffée de représailles est démentie par des sondages effectués sur l'opportunité de ces attaques indiscriminées montrant que c'était ceux qui ne les avaient point subis en 1940 (les provinciaux) qui étaient les moins enclins au fair-play (Michael Walser, Guerres justes et injustes).
Enfin, dernier débat : les attaques diurnes de cibles purement industrielles par les B-17 flying fortress américains pouvant voler hors de portée de la Flak auraient, des enquêtes ultérieures semblent le prouver, aussi bien contribué à la victoire que les raids britanniques de terreur. Néanmoins la « précision » américaine laissait à désirer. On a affirmé que les Américains ont fait moins de victimes civiles que les raids commandés par Harris, mais rien n'est moins sûr.
Il ne faut pas non plus négliger l'influence des lobbies industriels et militaires : il y avait bien, alors, un véritable lobby du bombardement sur zone, grand consommateur de munitions, produites, larguées sur les villes allemandes et... dûment facturées au Ministère de la Défense. Enfin Harris était aux commandes, une méthode arrêtée, mise en œuvre et poursuivie : il est très hasardeux de changer constamment de stratégie. Enfin la désignation d'objectifs ennemis, simples taches sur une carte, devient vite une routine, une ville suivant l'autre au gré des ordres de mission et des conditions météo. D'ailleurs, vers la fin de cette campagne, le seul motif pour lequel une ville était désignée comme objectif n'était plus guère que le seul fait qu'elle « n'avait pas encore » été attaquée).
Il faut rappeler, par souci d'équité, que l'impréparation des technocrates et des stratèges alliés consista aussi à envoyer le soldat britannique dans de très dangereuses missions, sans trop se poser de problèmes de sécurité opérationnelle : 10 % des victimes de ces bombardements sont des aviateurs britanniques, soit plus de 55 000 morts, dont certains, cueillis au sol par des civils assoiffés de vengeance, furent parfois lynchés dans des conditions atroces.
La reconstruction architecturale en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, malgré les énormes dégâts, se fit toutefois relativement rapidement en Allemagne de l'Ouest.
Le douhétisme, toujours d'actualité, ne s'est révélé économiseur de vies humaines qu'avec les armes de précision.