Bombardement stratégique - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Introduction

Le bombardement stratégique a pour but d'attaquer les structures de commandement politique et militaire d'un ennemi, son complexe militaro-industriel et son économie en détruisant ses mines, ses usines, ses infrastructures voire ses villes.

Bombes montées sous un biplan de la Luftwaffe en novembre 1917.
Bombardier italien Caproni Ca.36 de la Première Guerre mondiale.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, les avions et les Zeppelins sont utilisés pour larguer des engins explosifs sur l'ennemi. Environ un an après apparaissent les premiers avions spécialisés dans le bombardement. C'est l'apparition du bombardement tactique dont le but est de frapper directement les troupes ennemies, les points forts ou les équipements généralement à une distance relativement courte de la ligne de front. Parfois, ils attaquaient systématiquement les ressources vitales de l'ennemi, ce fut le premier bombardement stratégique.

Les bombardiers stratégiques sont donc de gros avions à long rayon d'action tandis que les bombardiers tactiques sont plus petits. Les bombardiers stratégiques attaquent plutôt les cibles comme les centres de commandement, bâtiments administratifs, usines, les chemins de fer, les installations de communication ou bien encore les raffineries de pétrole ou les villes, et ont pour but de gêner ou d'empêcher les communications et les approvisionnements adverses, ou de saper le moral de la population ennemie, soutien indispensable de l'armée présente au front. Le bombardement tactique attaque les concentrations de troupes, les aérodromes, les réserves de munitions, a pour but d'empêcher l'adversaire d'attaquer ou de se défendre, et fait directement partie des troupes combattantes. Mais la distinction ne tient ni vraiment dans le type de l'avion, ni dans la cible : le bombardement tactique veut détruire les forces armées de l'adversaire, le bombardement stratégique veut anéantir la structure économique d'un pays. Ainsi, par exemple, les armes nucléaires rentrent plutôt dans ce type de catégorie, dans sa forme ultime.

Un des premiers raids de la 8th USAAF sur l'Allemagne, en 1943 avec un B-17. La cible est l'usine aéronautique Focke-Wulf de Marienbourg. La 8th perd 80 bombardiers et 800 hommes dans l'opération.

Histoire et origines

Apparition

Dans la période de l'entre-deux-guerres, les militaires ont compris que le bombardement était une façon logique d'employer les avions. En Europe, le général italien Giulio Douhet affirmait que le principe de base du bombardement stratégique était l'offensive et qu'il n'y avait aucune défense possible contre un bombardement massif ou une attaque aux armes chimiques. Il trouva des disciples en France, en Allemagne et aux États-Unis où des extraits de son livre Il Dominio dell'Aria (1921) furent publiés.

Mais les stratèges militaires surestimèrent les dommages que pourraient causer une poignée de bombardiers et sous-estimèrent la résistance des populations.

L'invasion de la Chine

Enfant chinois pleurant dans les décombres de Shanghai après le bombardement de la ville par le Service aérien de la marine impériale japonaise le 28 août 1937.

Déterminé à assurer son expansion en territoire chinois, le quartier général impérial japonais autorisa de 1937 à 1945 le bombardement stratégique des villes chinoises. Les raids furent exécutés de façon indépendante par le Service aérien de l'armée impériale japonaise et celui de la Marine. Les zones les plus éprouvées furent les grandes villes comme Shanghai (bombardée dès l'été 1937) et Chongqing, qui subit pas moins de 268 raids entre 1939 et 1942, causant la mort de plus de 5000 civils au cours des deux premiers jours.

À l'automne 1937, la violence des bombardements à l'encontre de Nanjing et de Guangzhou, où les bombes incendiaires visaient principalement des objectifs civils, entraîna une résolution de blâme du Comité aviseur pour l'Extrême-Orient de la Société des Nations à l'encontre du Japon. Lord Cranborne, le sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères de Grande-Bretagne, émit sa propre déclaration d'indignation. « Les mots ne peuvent exprimer le sentiment de profonde horreur avec lequel la nouvelle de ces raids a été reçue par le monde civilisé. Ils sont souvent dirigés contre des endroits éloignés de la zone d'hostilité réelle. L'objectif militaire, s'il existe, semble prendre une place secondaire. Le but principal semble être d'inspirer la terreur par le massacre des civils... »

Début de la guerre en Europe

Les Allemands, contrairement aux Britanniques, abandonnèrent l'idée de produire des bombardiers stratégiques. Par la suite, l’intégration de la Luftwaffe à l'armée allemande, ainsi que les bénéfices de l'expérience pratique de la guerre moderne en Espagne firent que les Allemands utilisèrent leurs bombardiers comme artillerie aéroportée pour l'armée, avec des chasseurs pour les escorter. Lorsque la guerre commença, les trois grandes puissances européennes (la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne) se lancèrent dans le bombardement stratégique. Les Stukas allemands et les bombardiers de classe moyenne étaient très efficaces pour cette mission, quoique peu véloces dans le combat aérien. L'Armée de l'air française déchirée par des conflits internes était incapable d'employer correctement son grand nombre d'avions modernes.

La Luftwaffe fit du bombardement stratégique avec ses bombardiers moyens ; du 24 au 26 septembre 1939, la ville de Varsovie fut frappée par une attaque faisant près de 20 000 morts.

Le bombardement de Rotterdam par la Luftwaffe, le 14 mai 1940 qui fit 900 morts (30 000 morts annoncé dans les 1er chiffres) et des destructions considérables fit capituler les Pays-Bas.

Après la reddition de la France, ce fut la bataille d'Angleterre. La majeure partie de la bataille fut presque entièrement tactique : la Luftwaffe devait préparer la voie pour l'invasion par l'armée de terre, ou à défaut détruire les capacités de résistance de la Royal Air Force afin d'amener le Royaume-Uni à conclure une paix négociée.

Les Allemands se mirent à bombarder directement les villes, particulièrement Londres, ne réalisant pas combien ils avaient été près de leur but. D'autres villes comme Liverpool, Bristol, Belfast et Cardiff furent également durement touchées, voire prises volontairement pour cible, l'objectif en réduisant une ville comme Coventry en poussière étant de terroriser la population et de la pousser à appeler son gouvernement à négocier. Le principal but était tactique : la destruction des ports et des installations industrielles, mais miner le moral de la population était aussi un des buts majeurs.

Peu à peu, devant faire face à de nombreuses pertes d'avions, aux canons de DCA et aux accidents, la Luftwaffe s'engagea dans des bombardements nocturnes.

L’année suivante, les Britanniques développèrent le radar. Dans le camp opposé, les scientifiques allemands improvisèrent des aides par radionavigation afin d'aider les pilotes à trouver leurs cibles dans le noir. Enfin, le travail des casseurs de codes à Bletchley Park permit aux Britanniques de prévenir les attaques allemandes en surveillant leurs transmissions et donc de concentrer leurs défenses aux endroits visés.

La revanche britannique

Les Britanniques répliquèrent avec leur propre campagne de bombardements nocturnes mené par la Royal Air Force Bomber Command qui commença symboliquement en 1940 pour culminer de façon massive à la fin de la guerre. Mais à cause d'une visée peu précise, ces campagnes eurent peu de succès. Deux mesures furent prises : au lieu de viser précisément des cibles particulières, les Britanniques se mirent à procéder à des bombardements dans des zones à forte concentration humaine afin de faire le plus de dégâts matériels et tuer le plus de travailleurs possibles, tout en cassant le moral des habitants. D'autre part, les équipages furent entrainés, les avions pourvus d'aides électroniques et une force d'« éclaireurs » fut créée afin de marquer les cibles pour les bombardiers Avro Lancaster.

Pour guider les groupes de bombardiers, les anglais développèrent des techniques de radionavigation, en particulier le système OBOE utilisant deux sources radios formant des hyperboles dont la mesure du décalage par le radio-navigateur embarqué permet de déterminer le croisement et donc une position approximatives. Le désavantage de ce système, c'est que les émetteurs étant positionnés en Angleterre, la précision baisse fortement pour les opérations de bombardements en profondeur en Allemagne. La précision est amélioré avec le système Gee ou LORAN (Long Range Navigation), focalisant sur un appareil unique. Ce système permet de concentrer la tache de navigation et repérage de la cible à un unique couple de chasseurs-bombardiers Mosquito très rapides qui larguent des fumigènes éclairants sur la cible, suivis ensuite par plusieurs vagues de bombardiers se suivant sur plusieurs centaines de kilomètres. Ces campagnes aériennes à grande distance sont permises par l'arrivée de chasseurs d'escorte à très long rayon d'action comme le P-38 Lightning et le P-51 Mustang.

L'Air Marshall Arthur Harris fut placé à la tête de la planification stratégique des bombardements sur le sol allemand.

L'Avro Lancaster devient le fer de lance du Bomber Command comme lors du bombardement de Dresde.

Les bombardiers quadrimoteurs lourds étaient produits en série au Royaume-Uni, dans une telle proportion que d'autres secteurs vitaux de l'industrie d'armement manquaient de ressources. Jusqu'en 1944, les effets de ces bombardements sur la production allemande étaient relativement faibles et ne justifiaient pas cette mobilisation des ressources pour les bombardiers. Mais cet effet devint de plus en plus significatif : chaque destruction allégeait quelque peu la tâche des Soviétiques sur le Front de l'Est. Pour les bombardements de nuit britanniques, 40% des équipages localisaient leur cible.

Les États-Unis firent leur entrée sur le théatre Européen des opérations à partir de la fin 1942 pour commencer leur propre campagne de bombardements stratégiques avec la 8th USAAF et sur le théâtre méditerranéen des opérations avec la 15th USAAF à partir de 1943 qui se faisait de jour. Les avions américains avaient un chargement plus faible, mais plaçaient leurs bombes de manière plus précise sur les cibles avec pour les bombardements de jour, 60 % des équipages qui trouvaient leurs objectifs. L'USAAF d'ailleurs clamait qu'elle faisait du bombardement de précision de cibles militaires. En réalité, ces campagnes étaient très meurtrières pour la population.

Les pertes aériennes furent lourdes pour les forces de bombardement ou comme pour le bombardement de Nuremberg, des centaines d'appareils furent perdus, pas moins de 44 % des pilotes engagés dans ces opérations y perdirent la vie.

Les régions allemandes industrielles comme la Ruhr, les zones de production d'hydrocarbures dans le cadre de la campagne de bombardements stratégiques alliés contre les ressources pétrolières de l'Axe ainsi que les villes comme Hambourg (lors de l'Opération Gomorrah en juillet 1943) puis Dresde (en février 1945) subirent ces tempêtes de feu faisant à chaque fois des milliers, voire des dizaines de milliers de morts, surtout civils.

Les pays occupé par les forces de l'Axe furent également bombardé pour géner l'industrie de guerre et les communications ennemis. Plus de 67 000 français ont été victimes de ces raids aériens, un millier en 1942, près de 5 500 morts en 1943 dont la moitié pour le seul mois de septembre et toutes les autres victimes au cours de l'année 1944 et particulièrement en mai, lors des pilonnages intensifs contre les réseaux ferroviaire, lors de l'opération Chattanooga Choo-choo, qui précédèrent le débarquement de Normandie.

Campagnes du Pacifique

Boeing B-29 Superfortress dans un lâcher de bombes sur le sol du Japon en 1944 ; cet avion était le seul détenant un rayon d'action suffisant pour frapper l'archipel depuis les îles alors sous contrôle américain ou depuis la Chine.

L'introduction du B-17 ne fut pas significative sur les cieux de l'océan Pacifique à un moment où la chasse nippone n'était pas encore anéantie. Il fallut attendre le Superfortress et son long rayon d'action pour pouvoir effectuer des bombardements significatifs à partir de 1944 sur des villes industrialisées des îles de la métropole japonaise. Il s'agissait du premier bombardier stratosphérique avec cabine pressurisée pour la haute altitude. Le général Curtis LeMay développa les capacités d'un tel avion, compte tenu de contraintes techniques nouvelles rencontrées à ces altitudes. Les munitions employées furent des bombes incendiaires, introduisant l'emploi du napalm sur les maisons de bois (construction traditionnelle) de Tokyo le 24 novembre 1944 par un raid massif. Il continua d'exercer une influence sur l'US Air Force après-guerre dans le cadre du SAC.

Bien que n'ayant reçu lors d'une relativement brève campagne de bombardement qu'aux alentours de 160 000 tonnes de bombes, soit un dixième du tonnage de munitions largués lors des diverses campagnes de bombardement de cette guerre, le Japon comptabilise 58 % des 860 000 victimes civils tués en Allemagne, Royaume-Uni et Japon par des bombes lors de la guerre.

Page générée en 0.133 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise