Claude Cormier fait partie de la seconde génération des architectes en paysage dits « conceptualistes », Schwartz agissant comme chef de file de ce mouvement. Concomitante avec l’architecture postmoderne et dans la foulée de l’art conceptuel, cette approche se distingue par la prédominance accordée au concept ou à l’idée maîtresse qui donne naissance au projet et qui l’articule dans ses moindres aspects du début à la fin. Ajoutons que cette démarche « conceptualiste » tranche radicalement avec les impératifs fonctionnalistes du modernisme.
Au sein de cette mouvance, la pratique de Cormier et de son équipe se distingue, quant à elle, par son insistance à fouiller les strates historiques, économiques, botaniques, écologiques et socioculturelles — enfouies et manifestes —, qui composent les lieux sur et avec lesquels ils travaillent. En effet, chaque projet se tisse à partir d’un réseau de sens complexe tout en restant clair. Ce « tissage » résulte de la conjugaison, ou du croisement, de divers éléments conceptuels, matériels et historiques. De cet exercice émerge une densité sémantique qui singularise leurs réalisations. Cormier puise son inspiration autant dans l’art contemporain qu’en s’imprégnant de l’énergie de la ville. Ce qui lui importe avant tout, c’est d’être à l’écoute du contexte qui s’offre à lui, de plonger dans la mémoire du lieu pour en extraire des éléments susceptibles de créer une forme de narration. Même si ce récit n’est pas toujours apparent au final, il n’en constitue pas moins la trame sur laquelle reposent la conception et l’élaboration du projet.
Une formule traduit avec concision la philosophie de Cormier : Artificiel, mais vrai. Ce qu’il cherche avant tout, c’est une forme d’authenticité, un « vrai faux »; autrement dit, montrer en toute honnêteté la nature construite du paysage. Le projet terminé doit se présenter comme un hymne à la vie grâce à l’utilisation d’une palette de couleurs exubérantes et de matériaux artificiels avec lesquels Cormier innove en les décontextualisant.
Parmi tant d’autres réalisations, mentionnons celles qui ont le plus grandement contribué à attirer l’attention et à consolider la réputation de la firme : Lipstick Forest (1999-2002), une forêt d’arbres roses moulés en béton; les étonnantes installations Blue Stick Garden (1999-2000) et Blue Tree (2004); et HtO beach (2003-2007), un projet de design urbain au bord du lac Ontario, à Toronto. Soulignons également cet humour plein d’esprit, et parfois même caustique, qui se dégage de plusieurs projets et qui est même devenu en quelque sorte leur image de marque. Non seulement jouer avec la nature, mais se jouer de la nature en la présentant – en fait, en la représentant – d’une manière inédite, tel pourrait être le credo de Cormier. Les architectes en paysage conceptualistes misent sur l’audace pour stimuler, séduire et amuser tout en jouant avec nos perceptions. Ils cherchent à nous faire voir autrement ce que l’on tient pour acquis. Leurs réalisations agissent souvent comme un marqueur identitaire qui dévoile tout en la transformant la personnalité du site, mais aussi de la ville. En réinventant les paysages urbains, Claude Cormier cherche à susciter des émotions et à produire du sens dans le but de réhabiliter la place publique en brouillant les frontières entre le design et l’art, le naturel et l’artificiel, le réel et le surréel.