Étymologiquement, le paysage est l'agencement des traits, des caractères, des formes d'un espace limité, d'un « pays ». Portion de l'espace terrestre saisi horizontalement par un observateur, il implique un point de vue. Le paysage, perspective culturelle, est donc une lecture, une création et une interprétation de l'espace où s'articulent plusieurs plans et où l'on peut identifier des objets. Le paysage est appréhendé visuellement et si la notion a une dimension esthétique voire picturale ou littéraire en tant que représentations, elle recouvre de nombreuses acceptions. Par extension, comme le terme panorama, dans des expressions comme « paysage politique » ou « paysage médiatique », il peut désigner un ensemble contextuel, la vision des choses à un temps donné, le paysage étant en constante évolution.
La notion actuelle de paysage est somme toute assez récente. Avant d'être l'objet de représentations artistiques ou d'études, le paysage était un pays au sens originel du terme, c’est-à-dire une portion du territoire offrant des perspectives plus ou moins importantes avec une identité bien marquée, le cas échéant un lieu de vie et de travail pour les habitants locaux qui font partie de ce pays.
La notion de paysage oscille entre deux pôles :
Les notions de patrimoine, d'esthétique et d'aménités donnent alors une valeur au paysage, variant selon les époques et jugée plus ou moins subjective et relative selon les acteurs.
Le paysage est avant tout une « vue » : à la fois vue d'un espace qui existe indépendamment de nous, comme par exemple la montagne et donc susceptible de pouvoir être étudié de façon objective : l’altitude, la température, la structure interne mais aussi vue d’un espace que l’on perçoit, que l’on sent et cela, chacun de manière différente (« […] il voit les mêmes choses, mais avec d’autres yeux », N. Gogol, Tarass Boulba). À partir du moment où l’appréciation esthétique rentre en compte, où l’on charge l’espace « de significations et d’émotions », l’étude paysagère ne peut être que subjective.
Le paysage visible construit à travers des filtres est aussi « sensation interne », ce que Diderot appelait « rumeur des viscères ». En effet, tous les sens entrent dans la construction du paysage, qu’il s’agisse du toucher, de l’odorat, de l’ouïe. Le paysage sonore a notamment été étudié par le compositeur et musicologue canadien Raymond Murray Schafer. Pour lui, ce paysage est soumis à la fois à la discontinuité (il n’y pas de fond sonore véritable) et à la disjonction entre « l’entendu et l’identifié » (difficulté de reconnaître, de situer, la source d’un bruit émis). Alors qu’autrefois il était bien supporté, aujourd’hui le bruit suscite la plainte et est connoté négativement, rattaché aux couches populaires, d’où l’ascension des vertus de silence devenu paradoxalement moyen de distinction. L’étude paysagère par le biais de l’odorat et du toucher est très intéressante mais beaucoup moins développée.
La subjectivité au cœur de l'approche du paysage semble remettre en cause l’idée d’une analyse scientifique du paysage, avant tout naturaliste, notamment développée chez les géographes russes (en Russie, tout s’explique par l’étendue et le climat). Cette non-scientificité du paysage, Alain Roger l’oppose à l'environnement : « le paysage ne fait pas partie de l’environnement » (Court traité du paysage). En effet, « l’environnement » est un concept récent, d’origine écologique, et justiciable d’un traitement scientifique ; il regroupe l’eau, la terre, l’air, la végétation, les reliefs : « il est alors équivalent de ce que, mais bien à tort, certains géographes physiciens nomment paysage » qui réduisent ce dernier a son socle naturel. Cependant, comme le rappelle Alain Corbin, un paysage s’inscrit, est « inséré », dans un environnement.
Le paysage est soumis à des changements temporels et à des cycles tant comme vision que comme production de l'espace.
La notion de paysage et son approche géographique, économique, sociale, esthétique ou écologique font nécessairement appel au temps auquel on se réfère. Quelle que soit la définition donnée du paysage, son observation et son étude confrontent impitoyablement deux êtres vivants, l'un observé et l'autre observateur. Et comme tous êtres vivants, l'un et l'autre sont sujets aux variations séculaires, annuelles, saisonnières ou journalières. L'observé se présente à un moment "T", chargé de son passé, visible ou non, et déjà riche de son devenir, prévisible ou non. De même, l'observateur se présente à un moment "T", chargé de son passé, de ses acquis culturels, sociaux, avec sa propre personnalité, le tout constituant un être également en devenir. Saisir un paysage est donc un moment bref et non renouvelable à court terme. En ce sens, ce que l'on saisit, le paysage, ne peut être considéré que comme une entité unique, personnelle et éphémère. Le paysage n'est que pour ce qu'il est au moment ou son observateur le voit. Dans l'absolu, on peut ainsi affirmer que, en dehors de cet instant "T" pour un observateur défini, le paysage n'existe pas.