Complexité irréductible - Définition

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Réponse des évolutionnistes

De même que le dessein intelligent, concept qu'elle est censée soutenir, la complexité irréductible a été largement rejetée par la communauté scientifique. Les critiques jugent qu'une « complexité irréductible », telle qu'elle est définie par Behe, peut être générée par des mécanismes évolutifs connus, comme l'exaptation. Des chemins évolutifs plausibles ont été proposés pour les trois exemples présentés par Behe comme étant de complexité irréductible : la coagulation, le système immunitaire et le flagelle. Il en est de même l'exemple illustratif de la tapette à souris : le professeur de biologie John McDonald a montré comment on pouvait la considérer comme « facilement réductible », jusqu'à un seul élément.

Réductibilité des « systèmes irréductibles »

La thèse de la complexité irréductible implique que les éléments nécessaires d'un système ont toujours été nécessaires, et ne peuvent donc avoir été ajoutés les uns après les autres. Cependant, dans l'évolution, un élément qui est seulement avantageux au début peut devenir nécessaire ensuite. Par exemple, on a découvert par la suite qu'un des facteurs de la coagulation, cité par Behe comme un élément de la cascade de coagulation, était absent chez les baleines, et n'est donc pas indispensable pour la coagulation. On a montré récemment que le corps basal du flagelle est similaire au système de sécrétion de type III (TTSS), une structure en forme d'aiguille que des germes pathogènes tels que la salmonelle et Yersinia pestis utilise pour injecter des toxines dans les cellules eucaryotes. La base de l'aiguille a de nombreux éléments communs avec le flagelle, mais sans la plupart des protéines qui font fonctionner le flagelle. Ainsi, retirer des éléments du flagelle ne le rend pas nécessairement inutile. Ainsi, selon Miller, « les éléments de ce système réputé de complexité irréductible ont en fait des fonctions qui leurs sont propres. ». Cela est vrai pour la majeure partie de la structure du flagelle ; sur 42 protéines qu'on y trouve, 40 ont été observées dans différents canaux biologiques.

Évolution des systèmes irréductibles

Différents mécanismes évolutifs permettent d'expliquer la formation de systèmes de complexité apparemment irréductible.

Niall Shanks et Karl H. Joplin, de East Tennessee State University, ont montré que des systèmes satisfaisants à la définition de Behe de la complexité biochimique irréductible peuvent apparaître naturellement et spontanément du fait de processus chimiques auto-organisés. Ils affirment également que les systèmes biochimiques et moléculaires évolués présentent en fait une « complexité redondante » – ils jugent que Behe surestime l'importance de la complexité irréductible à cause d'une vision simpliste et linéaire des réactions biochimiques, prenant des instantanés des caractérististiques de systèmes, structures et processus biologiques et ignorant la complexité redondante du contexte dans lequel s'insèrent ces caractéristiques. En outre, des simulations informatiques ont montré qu'il était possible pour des systèmes de complexité irréductible d'évoluer naturellement.

Le professeur Marc W. Kirschner, directeur du département de biologie des systèmes de la Harvard Medical School, et John C. Gerhart, professeur en biologie moléculaire et cellulaire à University of California, Berkeley ont proposé en 2005 la théorie de la variation facilitée, qui explique comment certaines mutations ou changement peuvent engendrer une apparente complexité irréductible.

Les échafaudages de l'évolution

Le fait que retirer un élément d'un système organique entraîne le non-fonctionnement ne prouve pas que le système ne peut avoir été formé par un processus évolutif progressif. En 1985, Graham Cairns-Smith se demande à propos de l'« intrication » des systèmes biologiques « Comment une collaboration complexe entre des éléments peut-elle évoluer par petites étapes ? », et répond en utilisant l'analogie de l'échafaudage dans la construction d'une arche de pierre ; si on retire n'importe quelle pierre d'une arche, elle s'effondre (en ce sens elle est de « complexité irréductible ») ; pourtant elle peut être construite sans problème, une pierre après l'autre, à l'aide d'un échafaudage (ou cintre) que l'on retire après : « Clairement il y a eu des échafaudages. Avant que les multiples éléments de la biochimie actuelle ne puissent s'appuyer les uns sur les autres, ils ont dû s'appuyer sur quelque chose d'autre ».

L'évolution n'agit pas nécessairement linéairement vers la complexification ; elle peut simplifier tout autant que complexifier. De ce fait des systèmes biologiques apparemment de complexité irréductible peuvent être le résultat d'une phase de complexification suivie d'une phase de simplification.

Pour l'exemple des anticorps, présenté par Behe, on a la substance « marqueur » et la substance « tueur », qui, pour la première, repère et marque les « envahisseurs », et, pour la seconde, tue ce qui a été marqué. Selon Behe, le marqueur et le tueur sont, par eux-mêmes, inutiles, et doivent donc avoir été créés en même temps. Le tueur ne peut tuer ce qu'il ne peut trouver, et le marqueur ne peut tuer même s'il trouve une cible.

Cependant, avec un remplacement progressif, un marqueur différent peut avoir commencé comme tueur et marqueur à la fois. Puis un aide-tueur rejoint cette armée du fait de ses particularités intéressantes. Ce second tueur dépend toujours du premier pour trouver la cible. Il est possible qu'au cours du temps le premier tueur-marqueur se spécialise en marquage et soit remplacé par une substance similaire uniquement marqueur (éventuellement plus adaptée que la première à double usage).

Ainsi chaque étape apporte un avantage sélectif, et le résultat final est une paire interdépendante qui ne ressemble pas à la substance initiale. Cet exemple peut être représenté ainsi :

A = tueur-marqueur original
K = deuxième tueur
M = marqueur de remplacement
  1. A
  2. A K
  3. A M K
  4. M K

Ce qu'on observe aujourd'hui est « M K ». Selon les opposants au concept de complexité, Behe se trompe en postulant que si la structure actuelle est M K, elle a dû commencer soit par M soit par K.

Adaptation progressive à de nouvelles fonctions : l'exaptation

Les arguments pour l'irréductibilité présupposent généralement que les choses ont commencé de la même façon qu'elles ont fini – c'est-à-dire comme on les observe actuellement. Mais ce n'est pas nécessairement le cas.

Les précurseurs de systèmes complexes quand ils ne sont pas utiles en eux-mêmes, peuvent être utiles à d'autres fonctions sans rapport. L'évolution se fait de façon aveugle et désordonnée, dans laquelle la fonction d'une forme initiale n'est pas nécessairement la même que celle de la forme finale : c'est le phénomène d'exaptation (par opposition à l'adaptation). L'enclume dans l'oreille des mammifères (dérivée de l'os carré dans la mâchoire), et le pouce du panda (dérivé d'une excroissance osseuse du poignet) sont des exemples classiques.

Sophismes

Les critiques voient la complexité irréductible comme un cas particulier de la thèse « la complexité est la preuve d'un dessein » (argument du grand Horloger), et la voient donc comme un argument d'ignorance (sophisme dans lequel on considère comme faux ce qui n'a pas été prouvé), un argument du « dieu bouche-trous » (« God of the gaps ») et un argument de manque d'imagination.

Les critiques considèrent également que l'idée que la complexité irréductible, en tant fondamentalement qu'argument contre la théorie de l'évolution, impliquerait celle du dessein intelligent comme un faux dilemme, supposant qu'il n'y a que deux modèles valides.

Behe lui même reconnaît que même si les scientifiques n'imaginent pas actuellement comment un système a évolué vers un état de complexité irréductible, ceci ne prouve pas qu'une évolution n'ait pas pu le produire. Le scientifique Steve Mirsky l'a décrit comme une « stratégie de reddition intellectuelle totale ».

La complexité irréductible au procès de Dover

Le prononcé du jugement précise que « le dessein intelligent n'est pas de la science et est essentiellement de nature religieuse ».

Lors de ses témoignages au procès, Behe a admis qu'aucun article publié dans une revue scientifique à comité de lecture ne soutenait sa thèse selon laquelle des systèmes moléculaires complexes, comme le flagelle bactérien, la coagulation en cascade et le système immunitaire sont le résultat d'une cause intelligente, ni que certaines structures moléculaires complexes sont de complexité irréductible. Dans les attendus du jugement, le juge Jones a spécifiquement cité Behe et la complexité irréductible (Memorandum Opinion) :

  • « Le professeur Behe a admis dans « Reply to My Critics » (Réponse à mes critiques) qu'il y avait un défaut dans sa thèse de la complexité irréductible, car elle se présente comme un défi à la sélection naturelle, alors qu'en fait elle ne cherche pas à répondre à l'objectif auquel doit faire face la sélection naturelle ». Le Professeur Behe a écrit qu'« il espérait résoudre ce défaut dans ses travaux futurs » (p. 73)
  • « Comme le témoignage d'expert l'a mis en évidence, la définition de la « complexité irréductible » la rend sans signification en tant que critique de l'évolution (3:40 (Miller)). En fait, la théorie de l'évolution propose l'exaptation comme une explication largement reconnue et bien documentée de la façon dont les systèmes composés de plusieurs éléments peuvent avoir évolué de façon naturelle. »(p. 74)
  • « Par sa définition de la complexité irréductible, le professeur Behe exclut a priori le phénomène d'exaptation, ignorant de ce fait de nombreux éléments qui réfutent sa thèse. En particulier, l'académie des sciences des États-Unis a rejeté la thèse de la complexité irréductible du Professeur Behe... » (p. 75)
  • « Comme la complexité irréductible est uniquement un argument négatif contre l'évolution, il est réfutable et de ce fait vérifiable, à la différence du dessein intelligent, en montrant des structures intermédiaires avec des fonctions sélectionnables qui peuvent avoir évolué vers les systèmes de prétendue complexité irréductible (2:15-16 (Miller)). Cependant, il faut souligner que le fait que l'argument négatif de la complexité irréductible soit vérifiable ne rend pas vérifiable la thèse du dessein intelligent (2:15 (Miller); 5:39 (Pennock)). Le professeur Behe n'a appliqué le concept de complexité irréductible qu'à quelques systèmes choisis : (1) the flagelle bactérien ; (2) la coagulation en cascade ; et (3) le système immunitaire. Contrairement aux assertions du professeur Behe sur ces quelques systèmes biochimiques parmi la myriade existant dans la nature, le Dr. Miller a présenté des travaux publiés dans des revues à comité de lecture, montrant qu'ils ne sont pas en fait de complexité irréductible. » (p. 76)
  • « ...lors des débats contradictoires, le professeur Behe a été interrogé au sujet de ses déclarations de 1996 qu'une explication évolutionniste du système immunitaire ne serait jamais trouvée. Il lui a été présenté 58 publications dans des revues à comité de lecture, 9 livres, et plusieurs chapitres d'ouvrages d'immunologie au sujet de l'évolution du système immunitaire ; cependant, il a simplement insisté sur le fait que cela ne constituait pas une preuve suffisante de l'évolution, et que cela n'était pas « assez bon » (23:19 (Behe)). » (p. 78)
  • « Nous concluons donc que la thèse du professeur Behe sur la complexité irréductible a été réfutée dans des publications scientifiques à comité de lecture et rejetée par la communauté scientifique dans son ensemble (17:45-46 (Padian); 3:99 (Miller)). En outre, même si la complexité irréductible n'avait pas été rejetée, elle ne soutiendrait pas la thèse du Dessein intelligent, car elle constitue seulement un test de l'évolution, non d'un « dessein ». (2:15, 2:35-40 (Miller); 28:63-66 (Fuller)).
    Considérons maintenant le prétendu « argument en faveur » d'un dessein, impliqué dans l'expression utilisée à de nombreuses reprises par les professeurs Behe et Minnich lors de leur témoignage d'expert comme : « un arrangement d'éléments dans un but ». Le professeur Behe a résumé l'argument comme suit : Nous concluons à un dessein quand nous observons des éléments qui semblent avoir été arrangés dans un but. La force de la conclusion est quantitative ; plus le nombre d'éléments est important, plus ils interagissent de façon intriquée, plus notre confiance dans un dessein est grande. L'évidence d'un dessein dans certains domaines de la biologie est indéniable. Comme rien, sinon une cause intelligente, n'a été démontré capable de conduire à une telle évidence de dessein, en dépit des thèses darwiniennes, la conclusion que la structure observée dans le vivant est un réel dessein est rationnellement justifiée (18:90-91, 18:109-10 (Behe); 37:50 (Minnich)). Comme indiqué précédemment, cet argument est simplement une reprise de l'argument du révérend William Paley appliqué à l'échelle cellulaire. Minnich, Behe, et Paley arrivent à la même conclusion, à savoir que les organismes compliqués doivent avoir été conçus, en utilisant le même raisonnement, avec la différence que les professeurs Behe et Minnich refusent d'identifier le concepteur, alors que Paley déduit de l'existence d'une conception qu'il s'agit de Dieu (1:6- 7 (Miller); 38:44, 57 (Minnich)). Le témoignage d'experts a révélé que cet argument inductif n'est pas scientifique, et comme l'a admis le professeur Behe, ne pourra jamais être exclu (2:40 (Miller); 22:101 (Behe); 3:99 (Miller)). » (p. 79-80)
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