10 000 unités des cuisines de Francfort conçues par Schütte-Lihotzky furent installées à Francfort, et comme tel ce fut un succès commercial. Le coût d'une seule cuisine, toute équipée, était abordable (quelques centaines de reichsmarks) ; le coût était mis sur le loyer (ce qui l'augmentait de un reichmark par mois).
Cependant les usagers de cette cuisine avaient souvent quelques difficultés avec. Peu habitués au design ergonomique de Schütte-Lihotzky pour lequel la cuisine avait été optimisée, ils ne surent souvent pas comment s'en servir. La cuisine fut souvent décrite comme pas assez flexible ; les boîtes de rangements spécifiques à un produit furent souvent utilisées pour un autre, donc l'inscription sur la boîte ne correspondait plus. Un autre problème avec ces boîtes était que les petits enfants pouvaient facilement les atteindre. Schütte-Lihotzky avait conçu la cuisine seulement pour un adulte, un enfant ou deux adultes en même temps venait démolir sa belle ordonnance. En fait elle était trop petite pour que deux adultes s'y affairent en même temps. Une seule personne était même souvent entravée par les portes de placard restées ouvertes.
La critique de l'époque se concentrait plutôt sur des aspects techniques. Cependant la cuisine de Francfort devint un modèle pour une cuisine laboratoire moderne. La petite cuisine laboratoire rationalisée allait devenir tout au long du XXe siècle un standard des appartements de location à travers l'Europe.
Les aspect sociologiques de la « cuisine laboratoire » furent critiqués bien plus tard, dans les années 1970 et 1980, quand les critiques féministes trouvèrent que les intentions émancipatrices qui avaient en partie motivé le développement de la cuisine laboratoire s'étaient retournées contre elles : précisément à cause de la rationalité spécialisatrice et de la petitesse de ces cuisines impliquant qu'une seule personne puisse y cuisiner avec aisance, les femmes au foyer tendaient à être tenues isolées du reste de la vie domestique. Ce qui avait été impulsé au début comme une tentative d'émancipation (quoique tous les protagonistes comme Beecher, Frederick ou Meyer, avaient déjà implicitement reconnu que la cuisine était le domaine exclusif des femmes) pour professionnaliser et réévaluer le travail domestique était maintenant vu comme un confinement de la femme dans sa cuisine.
La cuisine de Francfort type était une cuisine laboratoire étroite mesurant 1,9 X 3,4 mètres. L'entrée se faisait par une porte dans le sens de la largeur, avec en face la fenêtre. Le long du côté gauche (par rapport à l'entrée) se trouvait la cuisinière, suivie d'une porte coulissante permettant d'amener les plats vers la salle à manger et le salon. Sur le mur droit il y avait des placards et l'évier, et devant la fenêtre était réservé un espace de travail. Il n'y avait pas de réfrigérateur, mais une table à repasser pliante (sur l'image on la voit rabattue le long du mur gauche).
La disposition en longueur de la cuisine n'était pas seulement due aux contraintes d'espace, c'était aussi une disposition voulue dans une tentative de taylorisation et de rationalisation pour minimiser le nombre de pas à faire lorsque l'on s'affairait dans la cuisine. La porte coulissante cherchait aussi à minimiser les distances entre la cuisine et la table dans la pièce adjacente.
![]() Reconstruction (Vienne) | Les tiroirs caractéristiques en aluminium | ||
Cuisinière et four | ![]() Four |
Des bocaux sur lesquels était inscrit le nom des ingrédients auxquels ils étaient dédiés, comme la farine, le sucre, le riz et autres, avaient pour but de garder la cuisine rangée et bien organisée ; la plage de travail avait un « tiroir à ordures » intégré et escamotable, ainsi les restes d'épluchures pouvaient être évacués dedans pendant qu'on cuisinait, puis on retirait le tiroir pour le vider à la fin.
Parce que les éléments de cuisine conventionnels de l'époque ne convenaient ni au travail ménager ni aux espaces étroits, la cuisine de Francfort était installée toute équipée, avec mobilier et électroménager comme la cuisinière, une nouveauté à l'époque en Allemagne. Ce fut la première cuisine équipée. Les tiroirs et portes de placard en bois étaient peints en bleu parce que les chercheurs avaient découvert que les mouches fuyaient les surfaces bleues. Lihotzky utilisa du bois de chêne pour les bocaux à farine parce que cette essence éloigne les vers de la farine, et le hêtre pour le plateau des tables parce qu'il est résistant aux taches, aux acides et au tranchant des couteaux. On pouvait s'asseoir sur des chaises pivotantes montées sur roulettes pour un maximum de flexibilité.