La dissertation n'est pas un exercice réservé à la philosophie, elle s'est exporté et généralisé aux autres matières littéraires et de sciences humaines.
Qu'elle soit littéraire, historique, géographique, économique ou philosophique, une dissertation reste composée de trois grands moments : l'introduction (avec exposition du sujet, contextualisation et déroulement d'une problématique), d'un développement (en deux ou trois parties) et d'une conclusion. Cette structure reste stable.
Enfin, certaines conventions sont spécifiques aux matières (il est autorisé d'écrire les titres et sous-titres des parties en dissertation d'économie ; il est recommandé de faire trois parties en dissertation de lettres dans le supérieur ; le plan d'un sujet d'histoire doit la plupart du temps être chronologique ou chrono-thématique plutôt qu'exclusivement thématique, etc.)
La dissertation incite à s'interroger systématiquement sur le sens d'un sujet qui, par-delà son apparence « bien connue » pose un problème à la pensée. Il est généralement admis qu'une bonne dissertation philosophique devra
Mais finalement ce type de plan trop classique tend à ne plus convenir puisque l'on ne peut admettre une chose et son contraire de manière valable. Une bonne dissertation doit prendre position et étayer la thèse soutenue. Un plan "thèse antithèse synthèse" n'aboutit pas à cela mais laisse une réponse mitigée "oui/non/peut-être" insuffisante dans l'enseignement d'aujourd'hui.
Le rôle de l'introduction est d'exposer et de contextualiser (concrètement) tous les sens du sujet proposé, afin d'amener une contradiction en son sein à résoudre.
L’introduction est rédigée sur la base du plan. Par conséquent, elle ne pourra être rédigée que si le plan est bâti au préalable. L'introduction se décompose en cinq temps – parfois regroupés dans un seul et même paragraphe, selon les enseignants et les disciplines :
En philosophie : la dernière partie de l'introduction doit permettre à l'élève de dessiner globalement les 2,3 ou éventuellement 4 grandes articulations ou parties de sa dissertation, en résumant chacune par une thèse.
Voici un exemple d'introduction pour le sujet « En quel sens pouvons-nous dire que notre histoire nous appartient ? ». En italique, les paragraphes qui doivent impérativement figurer dans l'introduction :
Annonciation et énonciation du sujet:
« Notre vie, c’est toujours nous qui la vivons, qui y agissons, qui la ressentons au plus proche. Il n’y a nul parfum que je n’ai pas senti, souvenir que je n’ai pas vécu ou paysage que je n’ai pas vu. » Notre histoire nous appartient donc, et à personne d’autre, au sens où elle nous est propre (elle nous appartient) et que nous sommes les seuls à pouvoir la vivre et la raconter fidèlement. (§1 : Présentation de la thèse) « Étrange est donc l’idée qu’on soit pourtant toujours mené dans la vie par nos désirs, nos pulsions, notre aveuglément… toutes ces chose qui conduiraient notre histoire, et qui nous échapperaient, en faisant que notre histoire nous appartiendrait seulement en idéal – et pas dans la réalité. Elle appartiendrait à ces objets (même s’ils peuvent être en nous, ces objets restent "autrui") ». Notre histoire serait l’histoire de ces objets. (§2 : Présentation de l'antithèse) « En quel sens pouvons-nous dire que notre histoire nous appartient ? ».
La problématique:
« Ainsi, tout ce que nous faisons, nous le faisons, indubitablement. En ce sens notre histoire nous est propre, car c’est toujours à travers nous qu’elle prend vie (dans nos actions effectives). Mais qu’est-ce qui nous dit que les raisons pour lesquelles nous agissons nous soient pour autant propres ? Nous pourrions aussi bien être les héros d’une histoire que nous ne faisons que jouer, mais qui n’est pas la nôtre. Dans un cas nous serions les héros de notre propre histoire, pleinement responsables et propriétaires de l’histoire que nous écrivons, dans l’autre notre histoire ne serait qu’un jouet de déterminants qui nous dépassent. » Aussi, bien qu’elle nous soit propre, notre histoire ne nous appartiendrait pas. Comment expliquer ce paradoxe ? (§3 : Présentation de la contradiction + Question problématique).
Le but du développement sera de décrire minutieusement les deux thèses, tour à tour, pour résoudre cette contradiction (montrer que notre histoire nous est vraiment propre, mais qu'elle ne nous appartient quand même pas). L'introduction ne contient aucun nom de philosophe ou aucune référence proprement philosophique. Toutes les références philosophiques doivent être gardées pour le développement.
Le plan doit dérouler l'intuition contenue et décrite dans l'introduction autour de deux, trois (dans l'idéal) ou quatre thèses en construisant un raisonnement logique, formel et explicite autour de deux ou trois sous-parties.
Une dissertation de philosophie doit donner une impression d'unité et se dérouler logiquement, terme à terme, pour résoudre la contradiction initialement posée par la problématique, jusqu'à arriver à une conclusion.
Passage important (c’est le dernier avant la notation !). Elle doit vous permettre : - de mettre en évidence la ou les idées essentielles de votre devoir, - d’apporter des réponses aux questions posées en introduction, - d’esquisser la suite des évènements si cela s’y prète, mais n’annoncez jamais comme évident ce qui va suivre : nous le savons, nous, avec le recul, mais les contemporains ne peuvent le prévoir. Ne donnez pas l’impression que vous avez une vision déterministe de l’histoire qui serait, de toutes façons, erronée.
Il convient de préciser avant de commencer qu'il n'existe pas une seule manière de rédiger une dissertation. La première année de droit est l'occasion de se familiariser avec des attentes un peu nouvelles, un vocabulaire spécial et des notions parfois complexes. La bonne compréhension du cours est bien souvent une victoire en elle même, et les étudiants ont des difficultés à se concentrer sur un exercice pour la construction duquel le cours ne devrait être qu'un support. Entre hors-sujet extrajuridique, et récitation de cours, il existe un équilibre fragile. Nous allons reprendre quelques indications permettant de trouver ce point d'harmonie d'esthétique juridique tant recherché. L'exercice de la dissertation juridique doit être compris avant tout comme une démonstration. Au cours de votre devoir, vous devrez prendre position, répondant à la question posée par le sujet. L'argumentation est classiquement articulée autour de deux parties, découpée en deux paragraphes, eux mêmes subdivisés en deux points. Dès la fin de l'introduction, le lecteur doit savoir quel point de vue sera défendu par l'étudiant. Le lecteur doit ensuite retrouver ce point de vue dans chacun des paragraphes, rédigés comme des élèments de justification de ce point de vue. Un exemple simple illustre cette perspective : un avocat dans sa plaidoirie adopte dès le début un point de vue. Mon client est innocent. Les développements ne feront par la suite que justifier cette affirmation.
Un sujet de dissertation est toujours donné en fonction d'un ou de plusieurs points du cours. Vous devez identifier le sujet en fonction du cours sur votre feuille de brouillon. Cela nécessite une parfaite connaissance du plan du cours et de son contenu. En effet, certains sujets peuvent parfois faire appel à des notions situées à plusieurs endroits. Les élèments indispensables doivent être repris de manière rapide sur la feuille de brouillon afin de donner un aperçu global du thème dans lequel est compris le sujet. Quelle partie du cours, quel chapitre, section et paragraphe ? Le cas échéant, il faudra peut être rajouter des notions vues en td, des arrêts, des exemples traités en cas pratique. Cette première étape ne doit durer que quelques minutes. Elle va vous permettre de préparer le fil conducteur de votre introduction.
Elle est destinée à définir les termes utilisés lors du devoir, à présenter le sujet, à le remettre dans son contexte, à en justifier la pertinence. L'objectif de l'introduction est d'éclairer le lecteur sur la démonstration à venir. Elle est généralement présentée en trois étapes que nous allons détailler ici.
Première étape : De quoi ?
"Pour définir et expliquer, vous utilisez des c'est-à-dire"
Vous devez présenter le sujet dans tous ses aspects. Il faudra le faire de manière logique et cohérente. Souvent il est recommandé de suivre une sorte d'entonnoir ou de double entonnoir. La représentation géométrique est juste, mais il est parfois difficile de comprendre ce qu'elle signifie. Le bas de l'entonnoir est l'objectif à atteindre : c'est-à-dire le vif du sujet. Mais le haut ? La feuille de brouillon va être ici très utile. Les informations reportées vont servir à trouver où commencer l'introduction. Vous devez en premier lieu chercher un fil conducteur. Il est très probable que l'enseignant dans la construction de son cours ait suivi une logique spéciale dans l'agencement de ses idées. Le plus simple pour l'étudiant sera alors de faire de même.
Par exemple : un sujet concernant les effets du divorce. Le cours traite du droit de la famille, du mariage, des cas de divorce et enfin des effets du divorce.
Trop souvent les introductions commencent par une définition dite "des termes du sujet" trop proche du sujet. La conséquence est d'obliger ensuite l'étudiant à évoquer d'autre termes indispensables à la compréhension du sujet ou de commencer à traiter le sujet dans l'introduction. Manque de lien entre les idées. Absence de certaines définitions. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre le conseil "définir les termes du sujet", et définir chaque mot dès le début de l'introduction. Au contraire, il faut toujours commencer par "ce que n'est pas le sujet", pour en venir ensuite à "ce qu'est le sujet".
Par exemple : donner une large définition du droit de la famille. En arriver au mariage. Et enfin au divorce. Chaque étape commence loin du sujet, mais permet de s'en approcher un peu plus. Il est évident que plus vous êtes loin du sujet, et moins vous devez développer vos connaissances, et qu'au contraire plus vous vous en approchez et plus vous devez soigner vos définitions. Vous serez bref à propos du droit de la famille, mais en revanche vous définirez plus le mariage et surtout vous détaillerez raisonnablement les cas de divorce. Attention de ne pas commencer à traiter le sujet dès l'introduction en évoquant trop les effets du divorce dans vos définitions.
L'introduction doit présenter dans certains cas une dimension historique. Il est même parfois vivement recommandé de vous en servir de fil conducteur pour construire votre introduction. Cela évitera encore une fois le manque de cohérence. Evoquer le XXIe siècle, puis le XIXe siècle, puis les romains et enfin revenir au XXe siècle est maladroit.
Par exempleLes exemples ne sont que des indications. Il est évident que vous devez toujours justifier et argumenter ce que vous avancez dans votre devoir. Une phrase ne suffit pas : Commencez par une définition de la famille en 1804. Puis le mariage à cette époque. Servez vous de l'évolution du mariage pour amener la définition du divorce.
Deuxième étape : Pourquoi ?
Il s'agit de l'objectif de votre entonnoir : présenter la raison pour laquelle vous allez traiter votre sujet. A ce stade de votre devoir, il serait particulièrement candide d'écrire "le sujet est intéressant ...". Il l'est forcément, sinon vous ne le traiteriez pas. Vous devez établir un constat de départ. Comme dans tout échange humain, pour discuter, il faut en premier lieu être d'accord sur un minimum de choses. Cette étape de l'introduction est justement destinée à établir ce consensus avant ensuite d'affirmer votre position dans l'idée générale. Le sujet est très très intéressant parce que tout le monde a remarqué la même chose !
Par exemple : "Le mariage, modèle du droit de la famille ?". Votre constat de départ peut exposer l'idée suivant laquelle le droit des couples a subit des modifications importantes depuis quelques années. Votre devoir démontrera ensuite en quoi ces modifications font ou non, selon vous, du mariage un modèle. Que l'on soit d'accord ou pas avec vous, tout le monde peut constater cette évolution.
Le constat de départ a pour objectif essentiel d'amener la problématique. La problématique n'est pas une suite de questions plus ou moins en rapport avec le sujet. La problématique est une question et une seule question, appelant une réponse positive ou négative.
Par exemple : Constat de départ, Le droit de la famille a subit d'importantes modifications depuis une dizaine d'années. Problématique, "Dès lors la question peut se poser de savoir si le mariage est toujours un modèle en droit de la famille".
Troisième étape : Comment ?
"La différence entre la récitation de cours et la démonstration est la même qui existe entre le c'est-à-dire et le c'est pourquoi"
Vous devez maintenant répondre à la question posée par le sujet. Nous l'avons déjà dit, la problématique nécessite une réponse positive ou négative. Votre idée générale est cette réponse. Elle est surtout la justification de votre plan. Il n'est donc pas utile de chercher à construire plus loin votre introduction si vous n'avez pas de plan pour votre démonstration. L'idée générale est construite en quelques phrases destinées à présenter de manière claire et synthétique le cheminement de votre devoir.
Par exemple : Problématique, "Le PACS est-il plus qu'un contrat ?". Idée générale, Le PACS est plus qu'un contrat, dans la mesure où l'on trouve tant dans ses conditions de formation que dans ses effets des éléments de nature à engager les partenaires plus que ne le ferait un simple contrat. En effet ...
Après avoir exposé votre idée générale, vous devez annoncer votre plan. "C'est pourquoi nous verrons d'une part -titre de la première partie- (I) et nous verrons d'autre part -titre de la seconde partie- (II)". Utiliser le "C'est pourquoi" vous permet de vérifier la cohérence qui existe entre votre idée générale et votre plan. Trop souvent dans les introductions l'idée générale et le plan ne sont que partiellement liés.
La construction du plan est une étape très importante de votre devoir. Vous devez dépasser l'exposé de vos connaissances pour prendre position sur un point de droit et argumenter. Le départ de cette étape est encore une fois votre feuille de brouillon et votre cours. A partir du problème posé par le sujet, que vous avez formulé en problématique, vous réalisez une démonstration. Vous allez trouver l'idée forte de votre réflexion en fonction du cours. Cette idée sera ensuite votre idée générale. Utiliser le cours est le meilleur moyen d'éviter le hors-sujet, mais c'est encore prendre le risque de ne faire que réciter. L'enseignant a certainement évoqué les arguments intéressants du débat en même temps qu'il décrivait l'institution étudiée. Vous devrez donc trier les informations suivant qu'elles vous permettent de classer vos idées (plan du cours) ou qu'elles vous permettent de justifier votre démonstration (arguments vus en cours ou en td et souvent non classés).
Par exemple : "être mère". Le cours évoque d'une part la manière dont on devient mère, et d'autre part les effets de la maternité. Statique. L'idée au centre de ce sujet est la comparaison entre la filiation juridique et la filiation biologique. Etre la mère biologique doit-il toujours avoir pour conséquence d'être la mère juridique ? Soit vous démontrez que notre époque n'invente rien et que l'on ne fait que reformuler des principes déjà existants, soit au contraire vous démontrez qu'il y a une mutation du droit et que l'on va vers un phénomène nouveau. Dans un cas comme dans l'autre vous pourrez utiliser le cours pour construire votre plan, mais vous devrez mettre en avant votre idée dans vos intitulés.
L'idée forte de votre devoir doit figurer dans les intitulés de votre dissertation, de sorte que le lecteur puisse suivre les différentes étapes de votre raisonnement sans se perdre. Il ne faut pas attendre la dernière ligne de votre paragraphe pour exposer cette idée forte. La dissertation doit pouvoir se comprendre sans lire les justifications de vos paragraphes, de même que vous pouvez faire confiance à la table des matière de vos livres pour trouver les pages qui vous intéressent.
Dans la construction de votre plan, vous devez soigner les degrés hiérarchiques de vos titres. Lorsqu'une idée forte figure en titre d'une partie, elle ne doit pas ensuite être reprise dans l'intitulé d'un seul paragraphe. Vous donneriez l'impression de faire un hors-sujet dans l'autre paragraphe.
Par exemple :
I- L'autorité parentale limitée par la CIDE
A- Les origines de la limitation
B- Une limitation réaffirmée de l'autorité parentale
II- L'autorité parentale contrainte par la CIDE
A- Une contrainte sur les droits propres des parents
B- Une contrainte sur les droits exercés en représentation de l'enfant
Le plan est ici articulé autour de deux idées fortes, d'une part la limitation de l'autorité parentale par la Convention internationale des droits de l'enfant, et d'autre part sa contrainte par cette même CIDE. La première partie est mal construite. Le -A- est sans lien direct avec le titre (I). En revanche le -B- semble concentré sur le sujet "limitation réaffirmée". Le -A- est descriptif alors que le -B- prend position. Ce qui est exposé dans le -A- n'est pas la limitation, comme le (I) le laisse penser, mais les "origines de" la limitation. Très différent. Sans doute que le -A- pourrait servir de constat de départ à la démonstration contenue dans le -B-. La seconde partie en revanche est bien construite. Elle montre dans les deux cas en quoi l'autorité parentale est contrainte (idée forte apportée par l'étudiant), distinguant pour se faire les deux composantes de cette dernière (classement statique utilisé pour la construction du cours).