L'ethnopsychiatrie est un domaine de recherche partageant objets et méthodes tant avec la psychologie clinique qu'avec l'anthropologie. L'ethnopsychiatrie s'est intéressée aux désordres psychologiques en rapport à leur contexte culturel d'une part, aux systèmes culturels d'interprétation et de traitement du mal, du malheur et de la maladie d'autre part. Cette discipline a connu une extension dans les vingt dernières années, engendrant des dispositifs originaux de prise en charge des souffrances psychologiques des populations migrantes.
Georges Devereux (1908-1985) est considéré comme le père fondateur de la discipline. Si l'anthropologue et psychanalyste hongrois Géza Róheim (1891-1953) a été successivement anthropologue et psychanalyste, s'il a souvent appliqué des grilles psychanalytiques aux phénomènes anthropologiques et quelquefois des interprétations anthropologiques à certaines problématiques psychiatriques,il n'a jamais fait d'ethnopsychanalyse.
Devereux appelait ethnopsychiatrie le domaine de recherche et ethnopsychanalyse la méthodologie afférente. Il a toujours affirmé que la culture prescrivait à ses membres "la bonne façon d'être fou". C'est comme si la société énonçait : vous ne devez pas être fou, mais si toutefois vous le devenez, voici la bonne manière de l'être.
Georges Devereux a toujours affirmé que ce n’était pas lui, mais Louis Mars, un psychopédagogue haïtien qui s'intéressait tant au Vaudou qu'à la décolonisation, qui a créé le mot « ethnopsychiatrie ». Louis Mars est devenu diplomate, longtemps ambassadeur d’Haïti, mais, lorsqu’il était psychiatre, il préconisait de faire de « l’ethnopsychiatrie » plutôt que de la psychiatrie.
Lié à l'anti-colonialisme, « l'ethnopsychiatrie » comme bien d’autres disciplines à préfixe « ethno » (ethnobotanique, ethnomathématiques) admet comme prémisses que des peuples n'ayant pas de tradition écrite possèdent tout de même des savoirs. Malgré leur caractère populaire, ces ethnosciences, constituent de vrais savoirs qui, en tant que tels, concernent l'humanité entière. « Ethnopsychiatrie » implique par conséquent que ce que nous nommons « psychiatrie » possède son équivalent dans chaque culture humaine. C’est ainsi que Devereux a pu écrire qu'il n'existait pas de peuple sans « ethnopsychiatrie » — c'est-à-dire de peuple qui ne possède un système de repérage et de prise en charge d'un certain type de négativité. L’ethnopsychiatrie postule que ces ethnosciences, savoirs réels, techniques efficaces, méritent d'être étudiés pour eux-mêmes et non comme des simples coutumes ou traditions archaïques.
Parmi ses nombreux champs de recherche, l'ethnopsychiatrie étudie tous les systèmes nosologiques, à travers les cultures, ainsi que les thérapeutiques qui leur correspondent. Cette étude systématique, à l'écoute des systèmes les plus singuliers, a conduit certains chercheurs à rejeter le privilège ethnocentrique habituellement accordé à la psychiatrie occidentale, alors envisagée, en toute logique, comme une ethnopsychiatrie parmi d'autres.
L'ethnopsychiatrie se heurte cependant aux critiques des tenants de l'universalité de la psychiatrie ou de la psychanalyse, qui affirment la supériorité de ce qu'ils tiennent pour des savoirs scientifiques sur ces savoirs traditionnels.
L'intérêt de l'ethnopsychiatrie pour les systèmes thérapeutiques des autres mondes l'a conduite à développer des analyses fines de types d'intelligibilité ou de causalité populaires tels que : l'infraction d'un tabou, l'envoûtement, l'action des génies, des esprits des morts et bien d'autres entités.