Fernand Pouillon | |
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Présentation | |
Naissance | 14 mai 1912 Cancon, Lot-et-Garonne |
Décès | 24 juillet 1986 (à 74 ans) Belcastel, Aveyron |
Nationalité | France |
Activité(s) | Architecte, écrivain, éditeur |
Formation | École des Beaux-arts de Marseille |
Œuvre | |
Agence | à Marseille, Alger, Paris, Téhéran |
Distinctions | officier de la Légion d'Honneur |
Publications | Les Pierres sauvages, Mémoires d'un architecte |
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L'architecte et urbaniste français Fernand Pouillon, né le 14 mai 1912 à Cancon (Lot-et-Garonne) et mort au château de Belcastel (Aveyron) le 24 juillet 1986, fut un des grands bâtisseurs des années de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale en France. Il a réalisé de nombreux équipements et bâtiments publics à Marseille, Aix-en-Provence, en région parisienne, en Algérie ainsi qu'en Iran. Ses réalisations se caractérisent par une insertion dans le site, un équilibre des masses né de proportions harmoniques rigoureuses, des matériaux nobles et la collaboration d'artistes sculpteurs, céramistes, paysagistes.
Fernand Pouillon passe sa jeunesse à Marseille où il fréquente l'école des beaux-arts. Il construit son premier immeuble à vingt-deux ans en 1934 à Aix-en-Provence, sans être diplômé d’architecture puisque jusqu’au gouvernement de Vichy, le diplôme d’architecte n’est pas obligatoire pour construire. Pendant cette première expérience Fernand Pouillon s’investit beaucoup dans les travaux et dans la commercialisation des appartements. Presque chaque année il renouvellera cette expérience jusqu’en 1938 et c’est seulement pendant les années de temps relativement libres de la guerre qu’il achèvera son diplôme d’architecte.
Cette pratique du métier à un jeune âge explique largement que Fernand Pouillon se soit senti différent de ses confrères. Aguerri bien plus jeune aux réalités du métier, rôdé aux problèmes du monde de l’entreprise, il sera toujours en décalage (en avance ?) avec ceux de sa profession (lui se définissait comme un homme de métier). Il y sera d’autant plus que, conscient de ses capacités, il va avoir l’ambition d’apporter sa contribution pour résoudre l’immense problème du logement. Très vite sa vie intime deviendra indissociable de son métier.
À la sortie de la guerre, la reconstruction donne beaucoup de travail aux architectes mais à Marseille les « opérations » ne sortent pas en raison du coût trop élevé des travaux. Pour l’ensemble de La Tourette qui jouxte le quartier du Panier à Marseille, F. Pouillon entreprend alors avec les entrepreneurs et les ingénieurs un travail de synthèse entre la conception du projet, son ingénierie (pour cette opération il met au point nombre de procédés économiques dont celui de la pierre banchée) et son coût de travaux. Il obtient des coûts suffisamment bas pour que les travaux puissent démarrer. Ce tour de force permettra à l’ensemble des travaux du Vieux-Port de démarrer enfin en 1949).
L’opération de La Tourette donnera à Fernand Pouillon d’autres commandes qui l’une après l’autre le mèneront toujours plus loin ; en Algérie, en Iran. Dans le même temps le ressentiment de ses confrères à son égard ne cessera de grandir jusqu’à devenir « haï par ses confrères ». Presque tout les sépare, même les matériaux. Aux qualités du béton, Fernand Pouillon oppose, à un prix très inférieur, les qualités de la pierre, de l’acier, du verre, de la céramique, du bois, de la végétation et même de l’eau qu’il fait couler dans nombre de bassins et de fontaines sculptées par des artistes comme Jean Amado ou Louis Arnaud. Précurseur du développement durable dans la mesure où il fera toujours appel à l'artisanat local, se servira de matériaux durables (comme les parois des murs de l'hôtel El Mountazah à Seraïdi remplis de terre prise sur le site), aux formes modernes il oppose l’attention à la qualité de vie, à la culture et aux coutumes des habitants, à l’insertion dans le paysage urbain ou naturel, aux justes rapports des proportions et au beau vieillissement de ces constructions.
Dans ces années d’après-guerre où l'effort public porte d'abord sur la reconstruction et le développement de l'appareil de production du pays, Fernand Pouillon entreprend un pari ambitieux à Aix-en-Provence : 200 logements à construire en 200 jours pour un budget de 200 millions de francs. Utilisant la pierre et des plans économiques mais de qualité, Pouillon gagne son pari. En 1953, il renouvelle la performance en réalisant à Alger les ensembles de Diar-es-Saada 800 logements et Diar-el-Mahçoul 1 800 logements réalisés en 365 jours dans un parfait respect du style architectural local et surtout de la notion d'espace urbain. À Alger suivra l’ensemble de Climat de France situé au-dessus de Bab-el-Oued.
Au milieu des années 1950, Fernand Pouillon décide de s’insérer dans le marché parisien. Fort de ses compétences, habitué à s’investir totalement dans l’acte de construire et à réussir, il ne perçoit pas qu’en investissant aussi dans les métiers de promoteur et d’entrepreneur il franchit une frontière et commet le faux-pas qui va anéantir ses ambitions. En effet, un architecte n'a le droit d'être ni promoteur, ni entrepreneur, ou lié à une activité commerciale en rapport avec le bâtiment. À sa décharge, pour la première fois depuis l’aube de l’humanité, il fallait depuis 1940 non seulement un diplôme pour concevoir un projet d’architecture, mais le concepteur ne pouvait plus financer et participer à sa construction (ce n’est de nos jours plus interdit), or il avait commencé sa carrière de bâtisseur avant cette époque[non neutre]. Fernand Pouillon qui construisait le moins cher possible les meilleures prestations possibles (une façade du Point du Jour à Boulogne-Billancourt était recouverte de feuilles d'or), avait besoin de maîtriser l'ensemble de la chaîne de « production » de ses réalisations. Ils réalisent ainsi quelques-uns des plus importants grands ensembles en périphérie de Paris, ensembles dans lesquels il démontre que le problème des grands ensembles ne sont pas les tours et les barres puisque ces réalisations sont justement réalisées avec des tours et des barres : Pantin, Montrouge, Meudon-la-Forêt, le Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt.
Le 5 mars 1961, Fernand Pouillon et quatre de ses collaborateurs sont arrêtés et écroués, accusés de faux bilan, détournement de fonds et abus de biens sociaux. Hospitalisé suite à des problèmes de santé, il s'évade de sa clinique et reste en cavale pendant plusieurs mois. Réapparu à l'occasion de son procès, il est condamné en 1963 à quatre années de prison. Il est libéré de prison en 1964. Radié à vie par l’ordre des architectes, il ne peut plus construire en France et est donc contraint à l'exile pour continuer sa carrière. Fernand Pouillon rejoint en 1966 l’Algérie où il exerce sa profession jusqu’en 1984. Il y réalise essentiellement des projets hoteliers et touristiques ainsi que des équipements publics et universitaire.
Amnistié en 1971 par le président de la république Georges Pompidou, réintègré à l'ordre des architectes français en 1978, il regagne la France en 1984. En 1985, le président de la République François Mitterrand l’élève au rang d’officier de la Légion d’Honneur. Fernand Pouillon meurt le 24 juillet 1986 dans le château de Belcastel situé en Aveyron.
À titre posthume, il reçoit le 11 février 2008 par M. Cherif Rahmani, ministre algérien de l'aménagement du territoire, de l'environnement et du tourisme une distinction en reconnaissance de l'ensemble de son œuvre en Algérie entre 1964 et 1984.
« Les calculs sont une preuve, ils ne seront jamais un moyen. Le premier bâtisseur savait-il compter ? Non. En revanche, il avait un but, une intention, celle de s’abriter. Dans l’écroulement du premier édifice, il y eut le premier échec et sans doute la première inquiétude, le premier calcul. Sanctifier le calcul reviendrait à reconnaître l’échec comme œuvre originale. »
— Extrait des Mémoires