Depuis le milieu des années 1970, les pouvoirs publics français prennent conscience d’une rupture importante avec la dynamique économique antérieure de plein-emploi. On assiste ainsi progressivement à une montée spectaculaire du chômage de masse, et, corrélativement, à des formes spécifiques de chômage qui touchent particulièrement la France : Le chômage des jeunes et le chômage de longue durée. Ainsi, pour le chômage de masse, l’INSEE enregistre 3,7 % de chômeurs en 1975, plus de 6 % en 1980 et 10,5 % (plus de 2 500 000 chômeurs) en 1987. Mais ces données globales sont à compléter par des données plus spécifiques qui sont, depuis cette époque, encore plus préoccupantes : Le chômage des jeunes, qui atteint surtout les moins qualifiés, devient une caractéristique importante de la composition du chômage global : En 1986, un jeune à la recherche d’un emploi sur quatre est au chômage, soit un taux trois fois plus élevé que celui des actifs de plus de 25 ans. Le chômage de longue durée n’a cessé de progresser durant les années 1980, surtout chez les travailleurs non qualifiés, en nombre et en proportion de l’ensemble des chômeurs : l’ANPE enregistre 10 % de chômeurs de plus d’un an en 1974, plus de 23 % en 1980, et 32 % (800.0000 chômeurs) en 1987. Phénomène plus inquiétant, le chômage de longue durée semblait insensible aux variations de la conjoncture : La reprise économique notable dans la deuxième moitié des années 1980 n’a eu que très peu d’impact en termes de baisse du chômage de longue durée. Celui-ci apparaît alors comme un phénomène structurel, appelé à s’installer dans la durée en l’absence de politique appropriée d’intégration professionnelle de ces populations.
Face à cette dégradation de la situation de l’emploi, notamment celle des jeunes, les pouvoirs publics lancent trois pactes annuels successifs pour l’emploi (à partir de juillet 1977), afin de compléter le niveau de formation des jeunes sortis du système scolaire sans formation ou qualification reconnues.
Mais c’est avec la parution du rapport sur « l’insertion professionnelle et sociale des jeunes » dirigé par Bertrand Schwartz, qu’une politique d’insertion de plus grande envergure a été mise en place par le gouvernement de gauche en 1981. Suivant les préconisations du « rapport Schwartz », cette politique, centrée au début sur les jeunes en difficulté, intègre, d’une part, des mesures qui relèvent des Politiques de l'emploi (formation qualifiante, puis, ultérieurement, contrats d’insertion professionnelle en entreprise, etc.), et, d’autre part, des mesures d’action sociale au sens le plus large (allant du suivi social jusqu’aux domaines du logement ou de la culture). Par ailleurs, l’animation du dispositif d’insertion des jeunes se réalise à l’échelle décentralisée sous l’impulsion des missions locales « jeunes » - qui regroupent en leur sein les différents partenaires publics, privés ou associatifs et syndicaux concernés par ce problème - avec une co-responsabilité de l’État et des collectivités locales.
Robert Castel caractérise ainsi le sens du changement introduit par les politiques d’insertion par rapport aux politiques antérieures d’intégration : « Il marque le passage de politiques menées au nom de l’intégration à des politiques conduites au nom de l’insertion. Par politiques d’intégration, j’entends celles qui sont animées par la recherche de grands équilibres, l’homogénéisation de la société à partir du centre. Elles procèdent par directives générales dans un cadre national (…) J’interpréterai ici les politiques d’insertion à partir de leurs différences, et même, en forçant un peu le trait, de leur opposition par rapport aux politiques d’intégration. Elles obéissent à une logique de discrimination positive : elles ciblent des populations particulières et des zones singulières de l’espace social, et déploient à leur intention des stratégies spécifiques (…) Les politiques d’insertion peuvent être comprises comme un ensemble d’entreprises de mise à niveau pour rattraper cette distance par rapport à une intégration accomplie (un cadre de vie décent, une scolarité normale, un emploi stable, etc.) ».