L’essentiel de l’impact philosophique qu’ont eu les théories de René Quinton est synthétisé par la loi de constance générale.
La publication, en 1904, de L’Eau de mer, milieu organique est largement commentée dans la presse du monde (Le mot monde peut désigner :) entier, beaucoup de journalistes voyant en René Quinton (René Quinton, né le 15 décembre 1866 à Chaumes-en-Brie et mort le...) un « Darwin français ».
Les théories de Quinton semblent d’abord s’opposer à celles de Lamarck et de Darwin. Alors que le transformisme traduit la variation de la vie (La vie est le nom donné :) au cours des âges, dans un rapport de soumission ou de domination de l’environnement dans un cadre strictement évolutionniste, les théories de René Quinton traduisent la constance essentielle de la vie, la variation animale ayant pour but de protéger cette constance vitale des variations du monde extérieur. Henri Bergson déclare cependant dans son Evolution créatrice que les deux conceptions ne sont pas inconciliables. Elles peuvent même être complémentaires comme le synthétisa Albert Dastre : « Darwin nous apprend que l’obéissance à la loi d’adaptation régit les formes animales. Quinton nous apprend que la résistance à l’adaptation régit la vie animale. »
« La cellule vit dans l’organisme animal (Un animal (du latin animus, esprit, ou principe vital) est, selon la classification classique, un...) comme le poisson (Dans la classification classique, les poissons sont des animaux vertébrés aquatiques...) dans les eaux, elle se trouve dans un véritable aquarium à l’intérieur de notre corps. Mais là où les travaux de Quinton parachevaient ceux de Claude Bernard (Claude Bernard, né le 12 juillet 1813 à Saint-Julien (Rhône) et mort le...), c’est en démontrant la nature de ce milieu intérieur, en prouvant qu’il était littéralement de l’eau de mer (Le terme de mer recouvre plusieurs réalités.), que cet aquarium était donc un aquarium marin, où continuent à vivre, dans les conditions des origines, les colonies cellulaires. » (André Mahé)
René Quinton découvrit par une série d’expériences que le milieu intérieur, c’est-à-dire l’ensemble des composants liquidiens extra-cellulaires (et notamment le liquide (La phase liquide est un état de la matière. Sous cette forme, la matière est...) interstitiel dans lequel « baignent » les cellules), tend, dans sa composition chimique et biologique, à s’approcher de celui de l’eau de mer (Le terme de mer recouvre plusieurs réalités.) dans laquelle est apparue la vie. Il existerait donc une constante de cette composition à travers les âges, qui pourrait traduire le caractère optimal de ce liquide marin pour une activité (Le terme d'activité peut désigner une profession.) cellulaire maximale. René Quinton préféra le terme « milieu vital » à celui de « milieu intérieur ».
C’est lorsqu’une vipère, animal à sang (Le sang est un tissu conjonctif liquide formé de populations cellulaires libres, dont le...) froid (Le froid est la sensation contraire du chaud, associé aux températures basses.), se glissa transie par le froid automnal dans le salon familial, que René Quinton ébaucha la première de ses théories de la constance. Léthargique, le serpent recouvrit rapidement son activité sous l’effet de la chaleur (Dans le langage courant, les mots chaleur et température ont souvent un sens équivalent :...) ambiante. Le savant eut alors l’idée qu’il devait exister une température (La température est une grandeur physique mesurée à l'aide d'un thermomètre et...) optimale, pour laquelle l’activité vitale cellulaire pourrait s’exprimer de manière maximale. En approfondissant sa pensée par des recherches, il se rend compte que les reptiles ont apparu à une époque où la température du globe était élevée et constante, leur caractère poïkilotherme semblant alors adapté à une température extérieure appropriée au fonctionnement cellulaire. Il émet alors l’hypothèse qu’avec le refroidissement progressif du globe terrestre à partir de ses pôles, de nouveaux animaux ont développé un pouvoir calorifique (Le pouvoir calorifique ou chaleur de combustion (noté ΔcH0, en anglais Heating Value)...) qui permet d’augmenter et de réguler la température de l’organisme face à ces nouvelles conditions environnementales plus hostiles. Ses expériences lui montrent que, pour n’importe quel type de cellule animale, la vie est impossible au-dessus de 44° ou 45°. Il estima donc que la vie animale n’est apparue dans les mers que lorsque leur température s’est abaissée à ce niveau. Il constate d’autre part que cette température est celle où tout (Le tout compris comme ensemble de ce qui existe est souvent interprété comme le monde ou...) type de cellule animale voit réaliser son activité optimum (y compris donc les organismes animaux dont la température est inférieure). Enfin, il constate la concordance entre phylogénie (La phylogénie est l'étude des parentés entre différents êtres vivants en...) et température chez les organismes animaux : les plus récents sont ceux dont la température s’approche des 44° optimaux. Au cours des âges, de nouvelles espèces se créent à partir d’anciennes, capables, par combustion (La combustion est une réaction chimique exothermique d'oxydoréduction. Lorsque la...), d’augmenter sensiblement leur température afin de lutter contre le refroidissement de l’environnement.
« L’observation des températures spécifiques montrera qu’elles échelonnent justement les espèces selon l’ordre de leur apparition, les plus anciennement apparues (Monotrèmes, Marsupiaux, Edentés, etc.), à température spécifique très basse [exemples : températures spécifiques. Ornithorynque (L'Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus) est une espèce de mammifère semi-aquatique...) (Monotrème), 25° ; Echidné (Monotrème), 30,7° ; Sarigue (Marsupial), 33° ; Aï (Edenté), 31° ; Tatou (Edenté), 34° ; etc.], – Les espèces les plus récentes, à température spécifique déjà plus élevées [Mammifère (Les Mammifères (classe des Mammalia) forment un taxon inclus dans les vertébrés,...) de presque tous les ordres de la classe, mais limités comme habitat aux régions chaudes de la Terre (La Terre est la troisième planète du Système solaire par ordre de distance...), températures spécifique 33° à 37° environ ; exemples : Hippopotame, 35,3° ; Myopotame, 35,5° ; Vampire, 35,5° ; Eléphant, 35,9° ; etc. – Premiers Oiseaux, Ratites, Aptéryx, 37° ; – Primates : Homme (Un homme est un individu de sexe masculin adulte de l'espèce appelée Homme moderne (Homo...), 37,2°], – les dernières apparues enfin, aux températures spécifiques les plus hautes, en même temps (Le temps est un concept développé par l'être humain pour appréhender le...) qu’à l’habitat le plus froid [Mammifères carnivores et ruminants, 39 à 41° ; Oiseaux Carinates, 40 à 44°]. »
« En face du refroidissement du globe, la vie apparue à l’état de cellule par une température déterminée tend à maintenir pour son haut fonctionnement cellulaire, chez des organismes indéfiniment suscités à cet effet, cette température des origines. »
À la suite de ses théories concernant la constance thermique, Quinton se dit que si les dernières espèces d’oiseaux présentent une condition thermique semblable à celle des origines, alors il se pourrait que le liquide du milieu intérieur, dans sa composition chimique, soit lui aussi identique à celui des origines, c’est-à-dire l’eau de mer. L’analyse chimique lui permet de confirmer ses hypothèses : le liquide de notre milieu intérieur est semblable à celui de l’eau de mer à la seule exception de la concentration saline. Un doute plane (La plane est un outil pour le travail du bois. Elle est composée d'une lame semblable à celle...) cependant sur la présence dans le milieu intérieur de l’ensemble des éléments atomiques de l’eau de mer à des doses infinitésimales (Quinton n’avait alors pu répertorier formellement que 17 des 92 éléments connus). À cette époque, il est admis que l’organisme animal ne possède pas plus d’une quinzaine d’éléments constitutifs. René Quinton soutient alors le contraire et accorde même une importance primordiale à ces éléments :
« Le fait que la plupart de ces corps ne s’y trouvent qu’à l’état impondérable ou à peine pondérable n’importe aucunement, au point (Graphie) de vue (La vue est le sens qui permet d'observer et d'analyser l'environnement par la réception et...) qui nous occupe. On n’est nullement en droit de dire qu’un élément, si faible soit sa proportion, ne joue (La joue est la partie du visage qui recouvre la cavité buccale, fermée par les...) qu’un rôle de second ordre dans une dissolution. »
En 1897, dans le laboratoire de physiologie (La physiologie (du grec φύσις, phusis, la nature, et...) pathologique de Marey au Collège de France (Le Collège de France, situé au no 11 place Marcelin-Berthelot dans le quartier latin...), Quinton cherche à confirmer expérimentalement sa théorie. Il souhaite substituer le milieu intérieur d’un chien (Le chien (Canis lupus familiaris) est un mammifère domestique de la famille des canidés,...) par de l’eau de mer ramenée à l’isotonie (concentration saline supposée des origines). Le chien de 10 kg est vidé par saignée de 485 g de son sang (jusqu’à tarissement) sans précautions d’asepsie. Le réflexe (Le réflexe d'une façon générale fait intervenir des propriétés intégratrices d'un centre...) cornéen est aussitôt aboli. Une injection (Le mot injection peut avoir plusieurs significations :) de 532 cc d’eau de mer à 23° est effectuée en 11 minutes ( Forme première d'un document : Droit : une minute est l'original d'un acte. ...). L’animal détaché présente un abattement considérable. Le taux de globules rouges chute de plus de moitié, celui d’hémoglobine de plus d’un tiers. Trois jours après la saignée, l’animal présente une tristesse et un abattement extrêmes, l’état apparaît comme grave, la fièvre (La fièvre est l'élévation de la température corporelle chez un être à...) prend. Au quatrième jour (Le jour ou la journée est l'intervalle qui sépare le lever du coucher du Soleil ; c'est la...), les taux de globules rouges, de globules blancs et d’hémoglobine remontent considérablement, l’animal se remet à manger. Le rétablissement est ensuite rapide. Au huitième jour (Le jour ou la journée est l'intervalle qui sépare le lever du coucher du Soleil ; c'est la...), l’exubérance devient exagérée. Cet excès de vivacité s’accentue encore les jours suivants. Le chien, baptisé Sodium, vécut encore cinq ans après l’expérience avant de mourir par accident.
André Mahé souligne que la « survitalité », toujours retrouvée dans les expériences du même type, laisse à penser que l’organisme trouve dans l’eau de mer, un apport vitalement supérieur au milieu intérieur dont on l’a soustrait.
Une autre expérience de Quinton consista à injecter directement de l’eau de mer dans l’organisme pour voir comment celui-ci gérait un apport excessif. Le biologiste (Sur les autres projets Wikimédia :) injecta ainsi en 12 heures (L'heure est une unité de mesure :) 6,6 kg d’eau de mer à un chien de 10 kg. Les reins ont filtré sans aucun problème un volume (Le volume, en sciences physiques ou mathématiques, est une grandeur qui mesure l'extension...) d’eau 60 fois supérieur à l’habitude (10 kg d’urine en 12 heures). Cette expérience fut reprise par le docteur Hallion, membre de l’Académie de médecine (La médecine (du latin medicus, « qui guérit ») est la science et la...), qui administra en 11h40, 10,4 kg d’eau de mer à un chien de 10 kg (soit 104 % de son poids). Le déroulement de l’expérience se déroule sans aucun trouble et le chien présente le lendemain un comportement « remarquablement vif et gai ». Quinton cherche alors à injecter brutalement (en 90 minutes) 3,5 kg d’eau de mer à un chien de 5 kg. L’animal présente alors des troubles fonctionnels, un ralentissement (Le signal de ralentissement (de type SNCF) annonce une aiguille (ou plusieurs) en position déviée...) cardiaque, une abolition du réflexe cornéen. Mais, au onzième jour, l’animal rétabli de lui-même présente la même gaieté et la même exubérance constatées lors des expériences précédentes.
Pour terminer de prouver expérimentalement sa théorie marine, René Quinton cherche à tester la survie d’un globule blanc (Le blanc est la couleur d'un corps chauffé à environ 5 000 °C (voir...) en milieu marin. Cette cellule, réputée fragile, ne survit dans aucun milieu artificiel : les liquides de l’organisme sont les seuls à pouvoir les maintenir en vie. Il constate alors, en diluant les globules blancs de nombreux organismes animaux dans de l’eau de mer, que l’ensemble de ces cellules présentent tous les signes d’une vie normale dans le liquide marin.
« La vie animale, apparue à l’état de cellule dans les mers, tend à maintenir, pour son haut fonctionnement cellulaire, à travers la série zoologique, les cellules constitutives des organismes dans le milieu marin des origines. »
Quinton a montré que les espèces les plus récentes dans l’échelle de l’évolution et celles qui présentaient une activité cellulaire des plus intenses étaient celles dont la constitution et les conditions thermiques du milieu intérieur étaient au plus proche de celles de l’eau de mer des origines. Il existe cependant une différence importante : la concentration saline. Le milieu intérieur de l’oiseau présente une concentration de 7,2 g de chlorure de sodium (Le chlorure de sodium est un composé chimique de formule NaCl. On l'appelle plus...) pour 1000, alors que l’eau de mer actuelle présente une concentration de 33 g pour 1000. Quinton croit que la vie animale est apparue lorsque la mer présentait une concentration de 7 à 8 g pour 1000. En conséquence, plus les organismes animaux sont proches de la concentration saline actuelle, plus ils sont anciens (et ont subi les variations environnementales). Aujourd’hui, rien ne permet d’affirmer scientifiquement que la concentration saline des mers a augmenté durant ces 600 derniers millions d’années. L’analyse des sédiments montre qu’elle n’a pas changé ces derniers 200 millions d’années
« La vie animale, apparue à l’état de cellule dans des mers d’une concentration saline déterminée, a tendu à maintenir, pour son haut fonctionnement cellulaire, à travers la série zoologique, cette concentration des origines. »
La loi de constance générale, qui est une synthèse des trois lois qui la précèdent (lois de constance thermique, marine et osmotique) s’énonce ainsi par René Quinton :
« En face des variations de tout ordre que peuvent subir, au cours des âges, ses différents habitats, la vie animale, apparue à l’état de cellule dans des conditions physiques et chimiques déterminées, tend à maintenir, pour son haut fonctionnement cellulaire, à travers la série zoologique, ces conditions des origines. »