Synagogue de Goppingen (1881-1938) - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Destruction de la synagogue

Les ordres venant de la direction de la SA

Le déroulement précis des évènements qui se sont déroulés à Göppingen pendant la nuit de Cristal, nous est connu par le récit fait par un des membres du commando lors de son jugement en 1949 par la grande chambre correctionnelle du tribunal régional d'Ulm, pour la destruction de la synagogue.

Le 9 novembre n'est pas un jour comme les autres pour les nazis. C'est l'anniversaire du coup d'état avorté d'Hitler à Munich le 9 novembre 1923. Comme chaque année, les SA de Göppingen commémorent cet anniversaire et en 1938, ils se réunissent dans une salle de la Stadtgarten, une auberge située au bord du Schockensee, un parc de Göppingen. Après le discours du chef du district, les membres des Jeunesses hitlériennes de plus de 18 ans sont accueillis dans le parti. Vers minuit, plusieurs membres des SA ont déjà quitté la réunion. Le Kreisleiter (chef du district), Imanuel Baptist, se trouve chez lui quand il reçoit un appel téléphonique de la direction de la propagande du NSDAP (Parti nazi) pour le Gau de Stuttgart avec le message suivant: « Vom Rath est mort, la rage du peuple a éclaté, dans le pays, les synagogues brulent, les gens de Hanns ont des instructions spéciales ». Les "gens de Hanns" signifie les SA. "Hanns" est le prénom de Hanns Ludin, le général des SA (Obergruppenführer). Cet appel d'Adolf Mauer, le Gaupropagandaleiter (Chef de la propagande du Gau) de Stuttgart et chef du Bureau régional du ministère de la propagande du Reich, ne contient aucune déclaration claire ou instruction précise. Baptist appelle donc Otto Schraag, l'officier de liaison avec la SA, et lui demande de l'attendre en bas de chez lui en civil puis le Sturmbannführer (commandant) de SA, Friedrich Fenchel, qui habite la ville voisine de Eislingen afin qu'il se joignent à eux devant la maison de Schraag. Compte tenu de l'heure tardive, la discussion se déroule devant la maison afin de ne pas inquiéter la femme de Schraag. Friedrich Fenchel signale qu'il a reçu un message du bureau de la SA de Geislingen an der Steige, ville située à 17 km à l'est de Göppingen.

Le Brigadeführer (général de brigade) de la SA 56 d'Ulm, Erich Hagenmeyer, a reçu des instructions du Stabsführer (chef-d'état-major) SA du groupe sud-ouest que: «  Toutes les synagogues doivent être immédiatement entièrement incendiées ». Hagenmeyer téléphone donc aussitôt aux unités SA d'Ulm, de Ravensbourg, d'Ochsenhausen, de Tübingen et de Geislingen pour leur transmettre ses ordres. A Geislingen, il contacte la brasserie Kreuz, lieu de rassemblement des SA, et demande à parler au Standartenführer (colonel) Bischof, que l'on va immédiatement chercher. Un témoin affirmera que la discussion entre les deux hommes s'est déroulée très calmement. Tout de suite après la conversation, Bischof donne comme instruction à tous les membres du parti et tous les membres de la SA présents à la brasserie, d'alerter tous les membres de la SA possibles et de se rendre à Göppingen afin d'incendier la synagogue. Il doit alors être peu avant minuit. Les SA présents chargent un camion avec de la paille prise dans la grange de l'auberge, et avec une voiture privée et deux véhicules de l'unité, foncent vers Göppingen.

Entre temps, les trois hauts fonctionnaires de Göppingen qui s'étaient réunis devant la maison Schraag, ne perdent pas leur temps. Avec la voiture du Kreisleiter Baptist, ils se rendent à l'entrepôt des pompiers, situé à proximité immédiate de la synagogue et de la maison du rabbin. Là, les tâches sont distribuées: Fenchel et Schraag attendent les SA de Geislingen, tandis que le Kreisleiter Baptist se rend au poste de police pour donner deux directives: les officiers de police en patrouille doivent être localisés et ramenés le plus rapidement possible au poste, et aucun autre officier ne doit quitter le poste. Baptist désire ainsi s'assurer qu'aucun fonctionnaire zélé n'arrête les incendiaires ou ne combatte l'incendie, l'incendie volontaire étant toujours considéré comme un délit sous le régime nazi. Puis Baptist fait débrancher l'alarme incendie, afin qu'aucune alarme ne se déclenche automatiquement dans la caserne des pompiers et dans la maison du commandant des pompiers. Puis Baptist envoie une estafette de la police avertir chez lui le chef de section (Amtsrat) de la police, que dans une demi-heure, la synagogue sera en feu. Puis il avertit de même le sous-préfet (Landrat) Nagel.

L'incendie de la synagogue

La troupe de SA de Geislingen arrive vers 2 heures à la synagogue dont ils enfoncent la porte. Ils pénètrent dans le bâtiment, répandent la paille sur le tapis roulé et versent dessus de l'essence. La synagogue brûle entièrement, la coupole recouverte de cuivre s'écrase à l'intérieur et seuls restent debout les murs de briques noircis de suie. L'un des premiers à s'apercevoir du feu, est le concierge de l'école voisine. Pendant sa déclaration faite à la police, il dira: «  je suis sorti immédiatement dans la rue et j'ai observé les évènements. Je persiste à penser que si le feu s'était propagé à l'école, cela aurait certainement été très dangereux. Et comme je restais à observer, quatre hommes ont sauté d'une voiture particulière, et l'un d'entre eux m'a dit de disparaitre immédiatement sinon je serais fusillé. Quand Otto Schraag est arrivé, j'ai émis plusieurs objections. »

Le chef des pompiers de service, qui habite le sud de la ville, est contacté et sommé de se rendre au poste de police. En chemin, voyant les lueurs de l'incendie, il envisage d'alerter sa brigade, mais ne le fait pas, et indiquera plus tard dans son procès-verbal: « Ce n'était pas clair pour moi. Quelque chose dans cet événement ne collait pas. » Arrivé au poste, il demande à parler au sous-préfet Nagel. Après une discussion très animée, on l'autorise à déployer une autopompe pour éviter que l'incendie se propage aux bâtiments voisins, mais avec interdiction formelle d'éteindre le feu qui ravage la synagogue.

Pendant l'incendie 50 à 80 curieux se sont rassemblés. Beaucoup d'entre eux observent le spectacle avec satisfaction. Un des pompiers rapportera les paroles de l'officier de liaison de la SA, Otto Schraag, dire: « Et bien, ce soir, nous avons fait du bon travail. » Mais il y a eu aussi d'autres réactions comme témoignera un agent de police. Vers 4 heures du matin, le président du Tribunal de première instance, Gebhard Müller, exprime son horreur de l'acte et lui a dit: « Ce n'est quand même pas une façon, ni un procédé d'agir ainsi. » Puis certains SA s'en prennent alors au juge Müller et le menacent jusqu'à ce qu'il quitte la scène. Plus tard, le juge Müller écrira que le commandant des pompiers, Karl Keuler, lui a fait part ouvertement de son dégout pour l'action entreprise par les SA. Müller rédigera un rapport au parquet et portera des accusations contre cette violation de la paix civile et pour incendie criminel. Aucune enquête ne sera diligentée et Müller sera muté immédiatement à Stuttgart dans un service écarté. Après guerre, en 1953, Gebhard Müller sera nommé ministre-président du Land de Bade-Wurtemberg.

Les ruines de la synagogue sont dynamitées, et le terrain nivelé. Les quelques Juifs qui vivent encore à Göppingen se rencontrent et prient dans une maison de la Frühlingstraße

Les suites de l'incendie

Le 11 novembre, le journal local Hohenstaufen publie un commentaire exprimant la position officielle et la justification de la violence. Il reprend à son compte la thèse du ministère de la propagande que le pogrom a été spontané et provient du peuple lui-même. Sous le titre La patience est à bout, le journal écrit:

« L'énorme colère du peuple allemand suite à la mort d'Ernst vom Rath a conduit à des manifestations spontanées contre les Juifs, et dans beaucoup de ville les vitrines des magasins de camelotes juifs ont été détruits par les masses indignées…et aussi plusieurs temples juifs sont partis en fumée…Ces violences sont justifiées comme l'expression de la juste indignation des plus larges couches du peuple allemand. »

Une semaine plus tard, le chef de district Baptist déclare en terme lapidaire, lors d'une réunion de SA de Göppingen-Est: « Nous, en tant que peuple, avons donné la réponse aux conséquences des coups de feu criminels de ce fils du désert, Grynspan. » Son discours se termine par des menaces réelles contre des personnes non précisées qui trouveraient que cette forme de persécution des Juifs va trop loin.

Le maire Dr Pack dira devant la cour en 1949, qu'il n'a été averti de l'incendie que le matin, et qu'il ignore pourquoi on ne l'a pas mis au courant plus tôt. Il ajoutera qu'il s'est renseigné auprès de l'assurance des communes du Wurtemberg, si celle-ci prenait à sa charge le coût de la démolition des ruines de la synagogue et de l'enlèvement des gravats dont le montant s'élevait à 3 858 Reichsmarks et 85 pfennigs; Cependant, ce n'était pas le cas.

Dans les décombres de la synagogue, on retrouve la pièce de cinq marks or, placée dans une boîte métallique scellée en 1880 dans une pierre cornière, lors de la cérémonie de la pose de la première pierre. Cette pièce est remise officiellement par le maire au directeur de la branche régionale de la Reichsbank.

Pour les entreprises de transport de Göppingen, chargées du déblaiement et du transport des ruines de la synagogue, cette affaire profitable s'est terminée lamentablement. Leur contrat prévoit une somme de 4,5 Reichsmarks par camionnage, sous réserve expresse que les pierres, y compris les briques éventuellement réutilisables, soient amenées à une zone à remblayer, située rue du Stade et rue Ulmer, car nul n'est autorisé à tirer profit des biens des Juifs. Malgré les conditions strictes d'attribution du marché, les entreprises de camionnage vendent une partie des briques et des carreaux de sol. Pour déterminer l'étendue de la fraude, qui sera estimée à environ 93 camions, chaque entreprise dut répondre par écrit à un questionnaire:

« 1/: Avez-vous transporté les pierres à un autre lieu que la zone de remblayage définie par nous?
2/: A qui avez-vous fourni des pierres et en quelle quantité?
3/: Combien avez-vous demandé pour cela?
4/: Combien avez-vous touché, en détail et en totalité?
5/: Avez-vous utilisé des pierres pour votre propre usage, et en quelle quantité?
6/: Avez-vous aussi emporté de la ferraille, du cuivre, de l'étain provenant du bâtiment incendié? A qui avez-vous livré ces matériaux et combien avez-vous obtenu pour cela? …
Quiconque omettra sciemment quelque chose, ou fera une fausse déclaration sera tenu pour coupable.  »

Suite au questionnaire, 34 acheteurs sont identifiés et eux-mêmes questionnés par écrit sur leurs achats qu'ils doivent restituer.

La ville achète le terrain de la synagogue non pas à se valeur réelle, mais à un prix très modique, pour y réaliser un espace public. Ceci est conforme aux lois raciales nazies qui, à cette époque, interdisent de confisquer ou d'accepter des biens des Juifs. Le ministre de l'intérieur du Wurtemberg rappelle même la loi dans une circulaire envoyée aux maires, dont le Dr Erich Pack de Göppingen, en janvier 1939: « L'acceptation par les municipalités de dons faits par les Juifs est incompatible avec les principes racistes de l'État national-socialiste. »

Page générée en 0.155 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise