Fils du président du grenier à sel de Champagne-sur-Vingeanne, dom François Trouvé nait en ce lieu en 1711. Après avoir quitté Cîteaux, François Trouvé se retire chez son neveu Barthélemy Trouvé à Vosne-Romanée. C’est là qu’il trouve la mort le 26 avril 1797. Ancien moine de Cîteaux et alors qu’il était prieur de l’abbaye de la Clarté Dieu, il est élu le 25 novembre 1748, à l’âge de trente-sept ans, abbé de Cîteaux par les religieux de l’abbaye ayant droit au vote, et 45 prieurs ou abbés de l’Ordre.
Martine Plouvier dans le chapitre « Un chantier permanent » nous livre des témoignages de contemporains de François Trouvé, repris ci-après, qui laissent entrevoir un personnage contrasté. Parmi les qualités reconnues par ses proches et les anciens de Vosne-Romanée, l’abbé dom F. Trouvé était décrit comme un homme charmant et d’une grande bonté. Mais, comme L.B. Baudot l’a écrit, reprenant les propos de Dom Deprenier, gouverneur du Petit-Cîteaux, s'il « avait de l’esprit et beaucoup de facilités pour faire un abbé illustre », « ces qualités n’avaient aucun effet à cause de son amour pour l’intérêt et le despotisme ». Selon l’abbé Piot, curé de Corcelles-lès-Cîteaux, c’était « un homme au port noble, au jugement exquis, maniant bien la parole, […] économe jusqu’à la lésinerie dans sa maison, grand dans l’appareil, soit dans les repas publics qu’il a donnés au prince de Condé lors des États tenus à Dijon, lors des chapitres ou dans d’autres occasions. »
Un religieux de la maison rapporte qu’après son élection, F. Trouvé sera pris de la crainte d’être empoisonné, comme cela arriva en 1671 à dom Jean Petit, l’un de ses prédécesseurs, au moment des querelles de la réforme, et qu’il prendra longtemps du contrepoison.
D’autres propos ou témoignages dévoilent une facette plus inquiétante du personnage. Une lettre du nonce à Rome du 4 novembre 1771 parle de lui en ces termes :
« Il conviendrait de réprimer l’insolence de l’abbé Dom Trouvé que tous regardent comme un mauvais sujet, dilapidateur des biens de l’Ordre. Il en a été plusieurs fois question comme je l’ai appris et dans le conseil on a fait des vœux ardents mais l’argent qu’il a semé et le vin excellent dont il a régalé, lui ont procuré à la Cour des protecteurs suffisants. »
Les journaux révolutionnaires de l’époque qui révélèrent qu’il fit enfermer en 1783 Dom Patouillot pendant 18 mois dans une cage de bois de 2,60 m nous le montrent sous un jour impitoyable et cruel.
Les mauvais traitements de moines à la forte personnalité pouvant menacer l’autorité de l’abbé ne sont pas des cas si isolés.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il y eut Dom Duchemin enlevé, Dom Larcher mis en prison, et Dom Cotheret exilé.
Enfin, l’abbé Piot reconnait qu’il avait du mal à gouverner une communauté très indisciplinée qui comptait à cette époque 51 religieux, dont 27 prêtres, 13 non prêtres et 11 convers.
Les enfants Boullongne conservent quelques bâtiments. Il leur faut tenir une noble vie à Cîteaux et comme l’abbatiale construite par Dom Trouvé répondait à ce besoin, elle échappe au marteau destructeur. Elle devient le château d'Herminie de Boullongne. Mariée en 1792 à Bernard-François de Chauvelin, ce dernier se retrouve, par sa femme, propriétaire de cet imposant complexe qu’il convertit en une demeure prestigieuse appelée le château de Cîteaux. À côté du château, Chauvelin fait encore construire en 1814 une grande orangerie.
La bibliothèque du XVIe siècle perd la moitié de ses voûtes lors de sa transformation en 1804 en un théâtre de 500 places. Le bâtiment du définitoire, édifié sous l’abbatiat de Dom Jean Petit (1685) et achevé en 1699, est transformé en sucrerie entre 1824 et 1839 ; elle reçoit les honneurs d’une visite de Casimir Périer en 1829.
L’entente entre les trois enfants Boullongne ne durera pas. L’an VI (1797-1798), un premier partage met la fille cadette, émigrée, hors de la propriété. En l’An X (1801-1802), Auguste et Herminie Tavernier, malgré la signature d’accords concernant l’indivision, se mettent à se faire des procès qui s’étireront sur plus de trente années. Après 1832, elle parvient à se défaire de l’indivision et son frère doit se contenter du domaine séparé de La Forgeotte. Après la mort sans postérité de Chauvelin, son mari, devenue seule propriétaire du domaine, elle décide en 1841 de s’en séparer et cherche un acheteur.
Le 7 septembre 1841 Herminie Félicianne Tavernier de Boullongne remet les clés de sa propriété de Cîteaux à Arthur Young, un commerçant anglais. Le nouveau propriétaire doit débourser la somme de 1 500 000 francs. Riche idéaliste, converti à la doctrine de Charles Fourier et aux idées sociales et généreuses qu’elle développe, il n'acquiert Cîteaux que dans l’intention de mettre en application, en grandeur nature, une communauté sociétaire qu’il dirigera et qui fonctionnera selon les principes fouriéristes.
Malgré le scepticisme, la méfiance, l’inquiétude, les difficultés rencontrées, et la surveillance dont il fait l’objet, Young parvient toutefois à donner vie à son projet et à « créer une société dans la société », qui porte le nom de phalanstère. Sa réalisation n’emportera pas le succès escompté, loin s’en faut : sur les 600 personnes qu’il attend, il n’en accueille tout au plus 167 au début de 1843.
Le modèle économique de sa société, tel qu’il l’envisage — selon les idées de Fourier — s’avère non viable, et les difficultés financières ne tardent pas à se faire sentir. Fin 1845, Young est menacé d’une licitation judiciaire. En mai 1846, la débâcle prononcée amène la mise en vente sur saisie du domaine à la demande de deux débiteurs, dont Herminie Tavernier de Boullongne, qui n’avait pas dû recevoir le produit de la vente de 1841.
Le 25 juin 1846, Joseph Rey, supérieur des Frères de Saint-Joseph, devient le nouveau propriétaire de 300 hectares de Cîteaux et des bâtiments. Le retour d’une vie ecclésiastique à Cîteaux fait la joie du curé du village voisin de Prémeaux, qui ne s’en est pas caché.
L’abbé, confronté à Lyon aux problèmes sociaux de pauvreté et à l’état d’abandon dans lequel se trouvaient certains enfants, se sentait investi de la mission de leur venir en aide, de reprendre leur éducation pour en faire des « citoyens utiles ».
Trop heureux de trouver dans la formule proposée par le père Rey une solution médiane entre le tout répressif et une coupable mansuétude devant la délinquance des enfants, les pouvoirs publics choisissent d’aider le père Rey dans son entreprise de création d’une colonie agricole pénitentiaire pour enfants. Ils lui accordent une aide financière pour chacun des jeunes gens recueillis, qui permit à la colonie de subsister. Délinquants, orphelins vagabonds y trouvent leur place. Le nombre des pensionnaires accueillis, bien que variable selon les années, atteint le nombre de 863 en 1874, l’année de la mort du père Rey.
Les méthodes éducatives s’apparentent aux méthodes militaires : discipline, ordre, travail, mais respect des jeunes, reconnaissance et récompense.
Bâtiments et autres constructions nécessaires à leurs activités sont construits ou adaptés avec les moyens limités dont ils disposent. Le plus gros chantier auquel le père Rey décide de s’atteler est l'élévation d'une nouvelle église, qui prend sa place au sein de la colonie en 1861.
Puis le contexte politique change et devient défavorable à la cause cléricale. Des articles paraissent en 1888 dans un journal lyonnais anticlérical et créent un climat lourdement hostile, provoquant en septembre 1888 le retrait de la reconnaissance d’utilité publique à la Société des frères de Saint-Joseph, ce qui entraîne le rapide déclin, puis la chute de la colonie. Le domaine de Cîteaux, abandonné de ses occupants, passe donc aux mains de l’État.