Abbaye de Cîteaux - Définition

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Le temporel de Cîteaux

Abbaye de Cîteaux : Galerie de la Bibliothèque du XVIe siècle. Bâtiment classé monument historique. (Restauré)

Déployant de grands efforts, les premiers Cisterciens prouvent leur capacité à affronter un milieu naturel hostile, à apprivoiser l’eau et à modeler le paysage afin d’assurer leur subsistance. Le concours de généreux donateurs (des princes, des seigneurs, des bourgeois, mais aussi des hommes plus simples qui prennent l’habit de convers) est précieux. L’idéal de la Carta caritatis les privant des revenus classiques, (cens, dîme…), le bénéfice des dons qu’ils reçoivent leur permettent de constituer un vaste espace territorial nécessaire à la solidité de leur économie.

Les granges du monastère

L’éloignement de certains domaines — indispensables à l’obtention d’une diversité des productions : vignobles, terres céréalières, pâturages, bois — étant un obstacle à une exploitation directe, les moines créent de petites unités territoriales dispersées, appelées granges, dont la mise en valeur est confiée aux frères convers. Il s'agit de domaines ruraux cohérents avec bâtiments d'exploitation et d'habitations, regroupant des équipes de convers spécialisés dans une tâche et dépendants d'une abbaye mère. Cîteaux en est l’illustration. Les moines ont créé une première couronne d’exploitations à proximité immédiate de l’abbaye : les granges de La Forgeotte, Saule, la Grange Neuve, La Borde, La Loge, Bretigny, Folchétif, Tarsul ; puis plus éloignées, se trouvent les granges de Rosey, Gergueil, Crépey, Meursault, Moisey, Aloxe, Détrain, Gilly-lès-Cîteaux, Ouges, Tontenans. Certaines sont à vocation purement viticole dont le célèbre Clos de Vougeot, fondé avant 1110 sur un terrain en friche donné par les chevaliers de Vergy.

« Bonum vinum ». Un secteur de l’agriculture où les moines ont particulièrement brillé est celui de la viticulture. Elle est l’une des réussites les plus importantes qui n'appartient pas seulement aux cisterciens mais à toutes les communautés monastiques. Portés par un intérêt particulier à la vigne qui s’inscrit naturellement dans la doctrine spirituelle de l’Église pour différentes raisons dont les plus évidentes sont que la communion exige le vin et que saint Benoît lui-même donna son accord, agrémenté, il est vrai, de quelques réserves : « une hémine de vin par jour peut suffire », les moines sont les maitres incontestés de la viticulture pendant des siècles et la diffusent partout où ils s’installent. Leur rôle est dominant dans la sélection des cépages et le perfectionnement de la vinification.

La vigne de Meursault, reçue au moment de leur établissement en 1098 de leur donateur, Eudes Ier de Bourgogne, ne couvrant pas leurs besoins, les moines de Cîteaux ont recours à de nombreuses acquisitions et reçoivent d’autres donations de vignes sur la Côte.

Abbaye de Cîteaux : le définitoire du XVIIe siècle, classé monument historique.

La production est à l'époque très différente des standards actuels en œnologie. Ainsi, le vin produit par les vignes que possèdent les moniales cisterciennes de l'abbaye de Tart sur la Côte, à Morey à Dijon à Beaune et peut-être à Bouze, est « pour l'essentiel du vin blanc, acide et vert, faible en degré alcoolique, aidant à la digestion des viandes rôties et faisandées consommées alors par les riches. Ces vins qui ne tiraient sans doute pas plus de 6° ou 7° ne se conservaient pas longtemps et voyageaient difficilement».

Les granges cisterciennes optimisent les capacités de production agricole et viticole en introduisant une spécialisation de la main-d'œuvre. Chaque grange est exploitée par cinq à vingt frères convers, au besoin aidés d'ouvriers agricoles salariés et saisonniers. Les phases de développement se succédant, le temporel de Cîteaux devient un ensemble aux dimensions exceptionnelles et confèrera à l’abbaye une réelle puissance économique. Un siècle après la fondation de Cîteaux, l'ordre compte plus de mille abbayes, plus de six mille granges réparties dans toute l'Europe et jusqu'en Palestine.

Le génie hydraulique à Cîteaux

Le pont-aqueduc des Arvaux, commune de Noiron-sous-Gevrey. La Varaude coule sous les deux arches, la Sansfond canalisée coule au-dessus

La règle bénédictine veut que chaque monastère doit disposer d'eau et d'un moulin. L'eau permet de boire, de se laver et d'évacuer ses déchets. C'est pourquoi les monastères sont en général placés le long d'un cours d'eau. Quelquefois établis en des points où le précieux liquide fait défaut ou n'existe pas en quantité suffisante, ils doivent se spécialiser dans le génie hydraulique et construisent barrages et chenaux pour amener l'eau jusqu'à leurs moulins.

Les moines de Cîteaux se sont initialement installés près du ru du Coindon, insuffisant pour couvrir leurs besoins. Sous l'abbatiat d'Albéric, ou Aubry, (1099-1108), cette difficulté d'approvisionnement en eau oblige à déplacer l'abbaye de 2,5 km pour s'établir au confluent du Coindon et de la Vouge. En 1206, il faut encore augmenter le débit hydraulique et un bief long de 4 km est creusé sur la Vouge, mais cette dérivation se révèle toujours insuffisante. Les moines, après avoir négocié le passage au duc de Bourgogne et au chapitre de Langres, s'attaquent alors, non sans difficultés, au chantier du détournement de la Sansfond (ou Cent-Fonts), qui leur assurera un débit régulier de 320 litres par seconde. Le chantier est considérable : en plus de creuser un canal long de 10 km à partir du village de Saulon-la-Chapelle, les moines doivent réaliser le pont des Arvaux, un pont-aqueduc de 5 m de haut, permettant le passage du canal au-dessus de la rivière Varaude. Vers 1221, l'eau du canal arrive dans le monastère, et le résultat est à la hauteur des efforts engagés. Les travaux augmentent considérablement le potentiel énergétique de l'abbaye : avec une chute d'eau de 9 mètres, au moins un moulin et une forge sont installés sur le nouveau bief. Ces eaux, renforcées par les eaux du bief de la Vouge et du ru du Coindon circulent au moyen de canalisations souterraines sous l’ensemble des bâtiments : logis ducal, bâtiment des convers, réfectoire, cuisine, et noviciat pour alimenter ensuite un canal à ciel ouvert.

L’économie du monastère

L’économie du monastère n'est pas toujours florissante et connait des périodes difficiles. En 1235, l’abbaye est couverte de dettes. En 1262, le monastère fait à nouveau face à une grave crise financière, la tenue des réunions annuelles du Chapitre général étant source de grandes dépenses. Le Chapitre général autorisera l’abbé de Cîteaux à mettre à contribution les autres monastères de l’Ordre.

À la fin du XIIe siècle, les cisterciens, à la tête d’un domaine de quelque 5 000 hectares, ont jeté les bases du temporel. Le grand atlas de Cîteaux, conservé aux archives départementales de Dijon (11H138), permet de connaitre le détail des propriétés de Cîteaux en 1718. Elles se décomposaient alors comme suit :

  • enclos de Cîteaux : 20 hectares ;
  • étangs 150 hectares ;
  • vignes 120 hectares ;
  • prés : 700 hectares ;
  • terres de labour : 4 000 hectares ;
  • bois : 4 200 hectares dont 2 000 hectares autour de l’abbaye.

Soit au total 9 190 hectares.

En 1726 l’abbaye de Cîteaux comptait 120 000 livres de revenu.

Cette expansion assurera aux Cisterciens une place prépondérante, non seulement au sein du monachisme européen, mais aussi dans la vie culturelle, politique et économique.

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