Un plan projectif (PP) est un ensemble de points et de droites (c'est-à-dire de groupements de points qu'on appellera droites). Un point est incident à cette droite s’il appartient à ce groupement. Une droite est incidente à un point si ce point fait partie de ce groupement. On dit aussi que cette droite passe par ce point ou que ce point est sur cette droite. Ce ne sont là que des questions de vocabulaire. Attention, une droite ne ressemble pas forcément aux bonnes vieilles droites de notre plan euclidien « naturel », ce n'est qu'un mot pour désigner des sous-ensembles de points. Une convention dans le dessin des figures, surtout lorsqu'elles dépassent le bord de page, est de « courber les droites ». Exemple :
C'est un exemple dans lequel pour certaines raisons les points A et B sont tels qu'apparemment leur droite (A-B) monte un peu trop, mais comme l'auteur veut exprimer que cette droite passe par OMEGA, il courbe cette droite sans aucun complexe. De même la droite m du plan de Fano ci-après ne peut être dessinée que courbée.
Un plan projectif (PPI) d’incidence est un PP qui vérifie les axiomes :
Par tout point passent au moins 3 droites.
Démonstration. Soit le point M ; j'ai au moins 2 points M et N, donc une droite MN, qui contient au moins un troisième point P ; mais il existe au moins un point W hors de cette droite. Donc j'ai une droite WN qui ne passe pas par M ; cette droite contient un troisième point Z. Considérons la droite WNZ et le point extérieur M. Alors il existe 3 droites incidentes à M : MW, MN et MZ, qui sont toutes distinctes, sinon, par exemple, M, W et N seraient alignés sur WN qui contient aussi Z et est donc WNZ qui n'est pas incidente à M.
En partant des axiomes 1, 2, 3, 4, 5 ci-dessus, on peut échanger le rôle des points et des droites et obtenir 5 théorèmes.
qui découle de nos maigres axiomes.
Démonstration: un PPI a au moins 1 point A. Par ce point A passent au moins 3 droites d e f; qui contiennent chacune au moins 2 autres points, à savoir D D' E E' F F', CQFD, il y a bien au moins 7 points. Une démonstration identique montre qu'il y a au moins 7 droites.
Remarque: Le plus petit plan d’incidence est le plan mnémotechnique de l'octonion de Fano : 7 points et 7 droites.
attention, (m) est la droite CDG, bien qu’elle n’ait pas l’allure d’une droite euclidienne ! m et r se coupent en l’unique point G, ce qui est signalé par le "petit pont" de BE sur DC. Chaque droite contient 3 points et chaque point est incident à trois droites.
On pourrait imaginer des PPI encore plus exotiques.
On dit qu'une figure, une formule, un théorème est autodual s'il est conservé quand on échange les rôles des points et des droites. Quelques exemples.
Enoncé: Étant donné un alignement ABCD, il existe une succession de perspectives unidimensionnelles qui le transforme en DCBA.
Démonstration: la séquence des perspectives donne
Pour y voir clair dans le foisonnement des axiomes et théorèmes géométriques, citons quelques grands concepts auxquels il est utile de se raccrocher:
Un quadruplet est dit harmonique s'il est formé de deux droites (d1 et d2) et de deux points (D2 et D3) tels que: il existe un quadrangle complet Q1 Q2 Q3 Q4 dont D2 et D3 sont des points diagonaux et dont d1 et d2 sont les côtés qui passent par l'autre point diagonal(D1).
Sur cette figure le quadrangle complet est Q1 Q2 Q3 Q4, les 6 côtés sont Q1Q2 Q3Q4 Q1Q3 Q2Q4 Q1Q4 Q2Q3, ils engendrent les 3 points diagonaux D1 D2 D3, et le quadruplet {Q1Q3, Q2Q4, D2, D3} est harmonique.
On remarquera que la figure d'incidence qui permet de définir le quadruplet harmonique {Q1Q3, Q2Q4, D2, D3} est la même que pour {Q1Q3, Q2Q4, D3, D2} ou {Q2Q4, Q1Q3, D2, D3} ou {Q2Q4, Q1Q3, D3, D2}. Ce qui signifie que cette notion est un quadruplet désordonné, l'essentiel étant de savoir qui sont les 2 droites et qui sont les 2 points
si nous sommes munis uniquement des axiomes d'incidence, il n'y a qu'un théorème sur l'harmonicité: Lorsqu'un quadruplet est harmonique, alors deux autres le sont aussi. Ceci s'obtient simplement en choisissant un autre couple de points diagonaux dans le quadrangle complet. {Q1Q2, Q3Q4, D3, D1} et {Q1Q4, Q2Q3, D1, D2} sont aussi harmoniques.
Pour obtenir d'autres propriétés harmoniques le plan arguésien sera nécessaire.
Le plan homogène est une création abstraite de géométrie analytique destinée à uniformiser les calculs d'intersections de droites sans se préoccuper de savoir si elles sont parallèles ou non. Dans un premier temps le plan homogène et les coordonnées homogènes ont un but simplement computationnel. Dans un deuxième temps si on approfondit les conséquences de la définition des coordonnées homogènes on s'aperçoit que ceci correspond à la définition d'un plan projectif; comme il existe plusieurs sortes de plans projectifs, on se demande duquel il s'agit et l'on peut démontrer que le plan projectif homogène répond au théorème fondamental de la géométrie projective.
La géométrie projective a permis de s'abstraire des impressions intuitives de la géométrie plane euclidienne. La géométrie projective ne travaille que sur les alignements et les intersections, elle ignore angles et longueurs. On part donc d'une base vraiment minimale à laquelle on ajoute des axiomes au compte-gouttes. Ainsi « tout univers possible dans l'imagination humaine » correspond à un ensemble d'axiomes qui définissent une structure d'Espace.
Les choses un peu compliquées commencent avec le théorème fondamental, les axiomes de Désargues et de Pappus, le théorème de Pascal ; tous ces concepts permettent de travailler sur des objets composites tels que les tripoints, tridroites, quadripoints, hexagrammes magiques pour aboutir à une théorie projective unifiée des coniques, théorie qui n'a pas besoin d'employer les notions de distance (point-point ou point-droite).