Construction des nombres réels - Définition

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Construction par les coupures de Dedekind

Définition en tant qu'ensemble

C'est la construction imaginée par Richard Dedekind qui remarque que tout rationnel r coupe \mathbb Q en deux ensembles : l'ensemble Ar des rationnels a tels a < r et l'ensemble Br des rationnels b tels b \geq r . Il appelle alors (Ar;Br) une coupure de \mathbb Q . Il remarque ensuite que \sqrt 2 peut aussi partager \mathbb Q en deux ensembles : l'ensemble A des rationnels a tels que a < \sqrt 2 et l'ensemble B des rationnels b tels que b > \sqrt 2. L'idée lui vient donc de définir l'ensemble des réels comme l'ensemble des coupures de \mathbb Q . Reste maintenant à définir une coupure sans se servir de la notion intuitive de nombre réel. Dedekind propose la définition suivante :

Une coupure de Dedekind dans le corps \mathbb Q des rationnels est un couple de 2 sous-ensembles non-vides A et B tels que
  • A\cap B = \empty
  • A\cup B = \mathbb{Q}
  • \forall a\in A, \forall b\in B, a < b

On voit ainsi que tout nombre rationnel r définit deux coupures :

  • (A, B) telle que A est l'ensemble des rationnels strictement inférieurs à r et B l'ensemble des rationnels supérieurs ou égaux à r
  • (A', B') telle que A' est l'ensemble des rationnels inférieurs ou égaux à r et B' l'ensemble des rationnels strictement supérieurs à r.

Pour lever cette ambiguïté, on utilise alors la définition suivante d'une coupure :

Une coupure de \mathbb Q est une partie A de \mathbb Q telle que
  • A est non vide et différente de \mathbb Q
  • pour tout a de A, si a' < a alors a' appartient à A
  • A ne possède pas de plus grand élément.

On définit alors \R comme l'ensemble de ces coupures (pour une généralisation, voir plus bas la section "À l'aide des nombres surréels"). On peut remarquer que cette seconde définition permet d'assurer une correspondance univoque entre chaque rationnel r et la coupure Ar définie comme l'ensemble de tous les rationnels a tels que a < r. On remarque alors que \R se divise en deux ensembles, l'un comprenant les coupures dont le complémentaire admet un plus petit élément, coupure de la forme Ar, et l'autre comprenant les coupures dont le complémentaire ne possède pas de plus petit élément.

Par exemple l'irrationnel \sqrt2 est représenté par la coupure \{a \in \mathbb Q \mbox{ t.q. } a < 0 \mbox{ ou  } a^2 < 2\} .

On plonge naturellement \mathbb Q dans \R par l'application injective qui, à tout rationnel r associe la coupure Ar

Ordre et opérations

Relation d'ordre : L'ensemble des coupures, muni de la relation d'inclusion est alors un ensemble totalement ordonné.

Addition : On peut alors construire une addition sur \R de la manière suivante :

c \in A + B \Leftrightarrow il existe a dans A et b dans B tels que c = a + b.

Cette addition confère à \R une structure de groupe commutatif. La seule difficulté consiste en la définition de l'opposé de A : A r (si A = Ar) ou - \overline A (si A \ne A_r )

Multiplication : La construction de la multiplication est plus subtile. Elle est définie sur tous les réels positifs de la manière suivante :

c \in A \times B \Leftrightarrow il existe a dans A \cap \mathbb Q^+ et b dans B\cap \mathbb Q^+ tels que c \leq ab .

La règle des signes permettant alors de construire la multiplication sur tout \R

Propriétés

L'ensemble \R des coupures, muni de cet ordre et ces deux lois est alors un corps totalement ordonné, vérifiant de plus la propriété de la borne supérieure (tout ensemble non vide majoré possède une borne supérieure).

Autres constructions

D'autres constructions rigoureuses ont été proposées, mais elles ne présentent généralement qu'un intérêt de curiosité, car se prêtant moins à des généralisations, ou demandant en fait des connaissances préalables approfondies pour pouvoir être justifiées.

À l'aide des nombres hyperréels

Contrairement à ce que leur nom pourrait laisser croire, il n'y a pas là de cercle vicieux : il est en effet possible de définir directement les hyperrationnels *Q (par ultraproduit, c'est-à-dire en quotientant QN par un ultrafiltre non trivial sur N) ; l'anneau B des éléments "finis" de *Q (l'ensemble des éléments majorés par un entier standard) a pour idéal maximal I l'ensemble des infinitésimaux, et le quotient B/I est isomorphe à R. Outre son caractère assez artificiel, cette construction nécessite l'axiome du choix, ce qui peut paraître inutilement restrictif.

À l'aide des nombres surréels

La construction par les coupures de Dedekind semble difficile à généraliser, et les lois (tout particulièrement la multiplication) paraissent un peu artificielles. Cependant, en 1974, John H. Conway a pu montrer qu'une construction analogue pouvait s'étendre à une classe de nouveaux nombres, appelés nombres surréels, généralisant à la fois les réels et les ordinaux, et pour lesquels la définition des opérations peut se faire de manière complètement naturelle.

On sait que le Corps On des nombres surréels ("Corps" écrit avec une majuscule, car il s'agit d'une classe propre) contient tous les corps ordonnés (à isomorphisme près) ; on peut donc définir R comme le plus grand sous-corps archimédien de On. Conway donne une construction intrinsèque plus compliquée et fait également remarquer que les nombres créés le jour ω contiennent R, \pm \omega , et les nombres de la forme p/2^n\ \pm\ 1/\omega , et qu'il suffit donc pour retrouver R de retirer ces derniers ; cette dernière construction, bien que rigoureuse, semble hautement artificielle, ce que son auteur reconnait lui-même.

Par quasi-morphismes

La construction suivante semble peu connue ; publiée en 1975, elle utilise uniquement le groupe additif des entiers relatifs Z et s'appuie sur la notion de quasi-morphisme. On en trouve plusieurs versions, par exemple à [2], [3] et [4] (en), ainsi qu'une description précise dans une note de Xavier Caruso ; cette construction a été vérifiée rigoureusement(en) (et automatiquement) par le projet IsarMathLib (en). Un de ses avantages est qu'elle n'utilise pas l'axiome du choix.

On dit qu'une application f:\mathbb{Z}\to\mathbb{Z} est un quasi-morphisme si l'ensemble \{f(n+m)-f(m)-f(n): n,m\in\mathbb{Z}\} est fini, ou encore si la fonction g(n,m) = f(n + m) − f(n) − f(m) est bornée. La fonction g mesure le défaut à ce que f soit un morphisme de groupes. L'ensemble des quasi-morphismes est stable par addition et composition. Deux quasi-morphismes sont dits presque égaux si l'ensemble \{f(n)-g(n): n\in \mathbb{Z}\} est fini. Cette relation est une relation d'équivalence sur l'ensemble des quasi-morphismes, compatible avec l'addition et la composition ; l'ensemble quotient, muni de l'addition et de la multiplication correspondante, est un corps isomorphe à R ; pour définir l'ordre, on dit que [f]\leq [g] (où [f] représente la classe d'équivalence de f) si g-f est bornée ou prend une infinité de valeurs positives sur N, et on peut démontrer que le corps est alors ordonné complet, ce qui prouve l'isomorphisme. Il est en fait possible de l'expliciter : si on admet a priori l'existence de R (construit par l'une des méthodes précédentes), alors pour tout quasi-morphisme f:\mathbf{Z}\rightarrow \mathbf{Z} , la suite f(n) / n converge dans R vers une limite c(f), et la fonction n\mapsto f(n)-c(f)n est bornée sur Z. De la seconde affirmation, il découle que la limite c(f) ne dépend que de la classe d'équivalence [f] de f ; la notant encore c([f]), c est l'isomorphisme cherché.

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