Protection des chatons pendant la période d'allaitement
Les chatons nés d’une mère excrétant du FECV ne développent aucune infection pendant leurs premières semaines de vie (jusqu'à leur sevrage alimentaire). Pendant toute cette période ils sont comme résistants au coronavirus. Le Dr. Addie [2] préconise un sevrage précoce et une séparation des chatons de leur mère avant que ces derniers ne perdent cette résistance et ne se contaminent (vers 5 à 6 semaines). Les chatons échappent alors à la contamination (mais sont privés du contact de leur mère durant leur 2° mois de vie : importante période éducative).
Cette absence d'infection des nouveau-nés est si efficace qu'elle nous donne à réfléchir. Est ce une protection transmise par la mère? Est ce une résistance due à un facteur dépendant des chatons?
Facteurs de protection du colostrum et du lait?
Le colostrum et le lait de chatte contiennent 22 g de résidu sec / 100 ml de lait.
Composition : tableau [3]
Les immunoglobulines du colostrum et du lait
Chez les primates (dont l'homme), les anticorps (ou immunoglobulines) sont transmis au cours de la grossesse par le placenta. Chez le chat (et le chien) la placentation est différente et le passage d'anticorps pendant la grossesse est minime. C'est le colostrum de la chatte qui va transmettre les anticorps aux nouveau-nés. Elle confère à ses chatons les anticorps qu'elle possède. Il existe un phénomène particulier appelé "perméabilité intestinale" permettant au chaton d'absorber les anticorps du colostrum. Pendant 16 à 24 heures après la naissance, le taux d'enzymes digestives digérant les protéines (dont les anticorps) est faible et les entérocytes permettent directement le passage des anticorps maternels dans le sang du chaton. Puis ce phénomène cesse et les anticorps absorbés seront alors digérés ou exerceront une action locale.
Il est communément admis que cette protection passive anti-coronavirus est supportée par les immunoglobulines maternelles (les anticorps) transmises par le colostrum et le lait de la chatte.
Plusieurs questions se posent :
- Si cette protection n'est supportée que pas les anticorps maternels alors pourquoi ces mêmes anticorps ne protègent-ils pas mieux la mère?
- Les chatons privés du colostrum pendant leur premier jour de vie n'ont quasiment pas de passage d'anticorps maternels dans leur sang (c'est ce que l'on fait à des chatons nés d'une mère de groupe sanguin B pour prévenir la maladie hémolytique du nouveau-né. Pourquoi n'est il pas décrit d'infection à FCoV chez ces chatons dès leurs premiers jours de vie?
Les autres actifs "classiques" du colostrum et du lait
D’autres molécules du colostrum et du lait de la chatte, pourraient supporter également cette protection :
- La Lactoferrine : elle présente de nombreuses propriétés qui en font un très bon candidat à cette protection anti-coronavirus :
- Elle présente déjà une activité anti-virale connue contre des virus utilisant "la voie du mannose" comme le HIV, l'hépatite C, mais aussi contre le rotavirus, le calicivrus, l'herpès ...
- Comme les CoV du groupe I, elle se lie aux APN,
- Elle se lie aux enzymes de conversions de l'angiotensine,
- Elle se lie au récepteur au mannose des macrophages (le DC-sign), et inhibe efficacement la liaison du HIV au macrophage (Schéma [4]),
- La lactoferrine présente une affinité de liaison pour des lectines,
- Son activité anti-virale est dépendante de l'acide sialique.
La structure de la chaîne glyco-polypeptidique de la lactoferrine (bovine) est bien établie. Elle se compose d'un polypeptide de 689 acides aminés, chaîne à laquelle se complexent des glycan riche en mannose (Pierce et al., 1991). Sa concentration dans le colostrum humain est de 5,3 +/- 1.9 mg/ml et de 1 mg/ml après 1 mois de lactation. Sa concentration est plus basse dans le lait de vache (1.5 mg/ml pour le colostrum et moins dans le lait). Il est déterminé que son taux diminue au cours de la lactation de la chatte. Un chaton âgé d'une semaine de 150 g tétant 7 repas de 5 ml pourrait ingérer 175 mg de lactoferrine / jour.
- Lactoperoxidase,
- Lysozyme,
- Polypeptide riche en Proline – PRP,
- alpha-lactalbumine,
- .../...
Les autres composants du colostrum et du lait
Le colostrum et le lait maternelle contiennent également :
- différents types d'oligosaccharides (glycans) responsables d’une protection anti-virale, (majoritairement des oligosaccharides fucosylés (fucosyloligosaccharides), c'est-à-dire des polymères de fucose, un sucre à 6 carbonnes). Certains de ces glycans (dont le sucre Lewis X) sont donnés pour responsable de la protection anti-virale des nouveau-nés humains allaités par des mères séropositives HIV. La majorité des nourrissons allaités ne sont pas infectés par le VIH, malgré une exposition continue au virus par le biais de leur lait maternel pendant de nombreux mois. La gp 120 du VIH-1 est une glycoprotéine de surface qui se fixe aux macrophages par les DC-SIGN, en utilisant cette fameuse voie du mannose. Il est démontré que ces oligosaccharides du lait maternel inhibe de 80% la fixation du HIV aux DC-SIGN.
- des composés glycosylés ayant déjà été étudiée (chez l'homme) pour leur rôle anti-viral, notamment : une glycoprotéine (la lactadherine), un glycopeptide mannosylé (glycosylé avec du mannose), un glycosaminoglycane, une mucine, un ganglioside (GM1), un glycosphingolipid (Gb3) ...
- des cellules immunitaires maternelles,
- des cytokines (interferon ...); dont le rôle par voie oro-mucosale semble très important.
- de l'Acide sialique (AS). L'AS du colostrum et du lait n'est pas libre mais lié à d'autre molécules dites "sialocionguées" (oligosaccharides, glycoprotéines ...). Au cours de la lactation, il apparait que le taux d'oligosaccharides sialoconjugés diminuent alors que le taux de glycoprotéines sialoconjugées augmente. Ces sialoconjugués jouent un rôle d'inhibiteur de fusion des agents infectieux. La lactoferrine est inhibée par l'AS libre, l'absence d'AS libre dans le lait n'inhibe donc pas l'effet anti-viral de la lactoferrine du lait.
- des lectines liant le mannose (MBL : mannan binding lectin).
- .../...
Facteurs de résistance des chatons ?
D'autres hypothèses pourraient participer à cette résistance des chatons au FCoV.
- Dans les premières semaines de vie, les ANP pourraient être immatures car hautement manno-glycosylée. Les spikes du CoV ne pourraient alors pas s'y lier.
- Des facteurs du lait maternel pourraient inhiber la synthèse de l'fANP par les entérocytes, comme cela est déjà décrit avec le fructose ou le sucrose.