La connaissance du vent sur le lieu de construction commence par une période d'observation sur site. Des instruments sont installés et mesurent les caractéristiques du vent pendant une durée suffisamment longue (plus d'un an dans ce cas). Ensuite la comparaison de ces données de terrain avec les valeurs enregistrées pendant la même période par la ou les stations météorologiques proches permet de transposer les statistiques climatiques issues de plusieurs dizaines d'années de mesures à la station météo sur le site de construction.
Pour le cas particulier du viaduc de Millau, la hauteur exceptionnelle des piles ne permettait pas l'utilisation unique d'anémomètres portés par des mâts de grande hauteur. Une méthode de sondage de l'atmosphère par ondes sonores (Sodar) a été adoptée.
Le principe du Sodar se rapproche de celui du sonar utilisé dans l’eau : une onde sonore est émise et se propage librement dans l'air jusqu'à ce qu'elle rencontre une différence de densité du fluide, généralement due à un cisaillement entre deux couches. Une partie de l'onde est alors réfléchie. Le temps de trajet et la fréquence sont enregistrés des détecteurs. Du temps de vol on déduit la distance de l'écho, du glissement en fréquence on déduit les vitesses des couches d'air par application de l'effet Doppler. On a pu ainsi à partir d'un émetteur récepteur situé au sol sonder l'atmosphère jusqu'à l'altitude du plus haut point du pont, 343 m.
L'utilisation combinée des techniques du Sodar et anémométriques a permis de définir les caractéristiques du vent en quelques points de la vallée. Un modèle numérique représentant l'ensemble du site et un modèle physique à échelle réduite du 1/1250e étudié en soufflerie ont parallèlement été mis en oeuvre pour corroborer et compléter ces mesures.
Vingt-neuf années de mesures météorologiques de la station de Millau (période 1965-1993) ont en outre été utilisées afin de déterminer le vent nominal de période de retour de cinquante ans au niveau du tablier.
La synthèse de ces études climatiques a permis de définir des "modèles" de vent, fonction de la direction du vent et de la position sur le viaduc. Ces modèles ne prédisent en aucun cas quelles seront les caractéristiques climatiques à une date future donnée; ils permettent par contre, à partir des statistiques issues de plusieurs dizaines d'années passées, d'extrapoler aux années à venir quelles seront les conditions de vent les plus sévères auxquelles le pont devra résister, ce sont ces modèles de vent qui sont utilisés pour le dimensionnement de l'ouvrage
Malgré la très grande hauteur des piles, les caractéristiques du vent au niveau du tablier du viaduc de Millau ne sont pas plus sévères qu'au pont de Normandie : la vitesse moyenne du vent est nettement plus faible mais les niveaux de turbulence sont plus élevés, ce qui conduit à des vitesses maximales équivalentes (55 m/s, vent de pointe cinquantenal). Les caractéristiques spatiales de la turbulence sont également globalement comparables; la différence essentielle entre le vent "Millau" et le vent "Normandie" est la nécessité de prendre en considération des vents moyens non horizontaux au-dessus du site de Millau. Les mesures par Sodar montrent qu'il faut tenir compte, pour l'inclinaison moyenne du vent, d'une fourchette de ± 2,5° à 270 m au-dessus du Tarn et de ± 5° à 130 m au-dessus du plateau.