La Valeur de la Science est un ouvrage du mathématicien, physicien et philosophe français Henri Poincaré (publié en 1905). Poincaré y traite de questions de philosophie des sciences et apporte des précisions sur des sujets abordés dans son précédent livre, La Science et l'Hypothèse (1902).
La première partie du livre concerne exclusivement les sciences mathématiques, et plus particulièrement, la relation entre intuition et logique en mathématique. Il examine tout d'abord quelle part de sciences revient à chacune de ces deux catégories de pensée scientifique, et en dégage quelques principes :
Cette intuition historique est donc l'intuition mathématique. Pour Poincaré, elle est tributaire du principe de moindre effort, c'est-à-dire d'un attachement à la convention scientifique fondée sur l'expérience. La convention ainsi contextualisée permet de considérer diverses théories sur un même problème, et par la suite de faire un choix selon le degré de simplicité et de commodité des explications avancées par chacune des théories. L'exemple choisi par Poincaré est celui de l'espace à trois dimensions. Il montre comment la représentation de cet espace n'est qu'une convention, choisie pour sa commodité parmi plusieurs modèles que l'esprit peut développer sur ce problème. Sa démonstration repose sur la théorie du Continu mathématique (1893).
Finalement, Poincaré avance l'idée d'une interdépendance fondatrice de la science entre géomètres et analystes. Selon lui, l'intuition a deux rôles majeurs : elle permet de choisir quelle voie suivre dans la recherche de la vérité scientifique, et elle est un outil de compréhension indispensable du cheminement logique (« La logique qui peut seule donner la certitude est l'instrument de la démonstration : l'intuition est l'instrument de l'invention »). De plus, cette relation lui semble indissociable du progrès scientifique, qu'il présente comme une dilatation du cadre de la science — les nouvelles théories englobant les précédentes, même dans les ruptures de pensées.
« À quoi sert la science ? » est la question sous-jacente à l'ensemble du livre de Poincaré. À ce problème téléologique, Poincaré répond en prenant le contre-pied d'Édouard Le Roy, philosophe et mathématicien qui avance dans un article paru en 1905 (Sur la logique de l'invention) la thèse d'une science intrinsèquement anti-intellectualiste (au sens de Bergson) et nominaliste. À travers Le Roy, c'est la pensée de Pierre Duhem qui est visée. Poincaré explique que l'anti-intellectualisme est contradictoire pour la science, et que le nominalisme est fortement critiquable, parce que reposant sur des confusions de pensées et de définitions. Il défend l'idée de Principes conventionnels, et par là l'idée que l'action scientifique n'est pas une convention établie arbitrairement autour des faits bruts de l'expérience. Il veut plutôt montrer que l'objectivité de la science vient précisément de ce que le scientifique ne fait que traduire dans un langage particulier les faits bruts : « (...) tout ce que crée le savant dans un fait, c'est le langage dans lequel il l'énonce ». Le seul apport de la science serait le développement de ce langage de plus en plus mathématisé, un langage cohérent parce qu'offrant la prévision utile — mais non certaine : sous le joug irrévocable de son adéquation au réel et toujours faillible.