Un manchon à incandescence, ou manchon Auer, est une gaine de tissu incombustible imprégnée d'oxydes de terres rares et/ou thorium, dont on entoure la flamme d'un bec de gaz afin d'en accroître l'éclat.
Les manchons à incandescence ont été utilisés à partir de la dernière décennie du XIXe siècle pour éclairer les rues des villes, principalement en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que les phares maritimes. Ils sont toujours utilisés dans les lampes de camping ou de chantier à essence, à pétrole (lampes à pression) ou à gaz (méthane, butane, propane ou mélange de ces gaz).
Par sa forte puissance lumineuse, le manchon incandescent est, aujourd'hui encore, seul à pouvoir concurrencer l'éclairage électrique lorsque le réseau est inexistant ou défaillant.
Le manchon à incandescence est fait d'oxydes, qui, lorsqu'ils sont chauffés, brillent fortement dans le spectre visible, tout en émettant peu de rayonnements infrarouges. Les oxydes de cérium et thorium entrant dans la fabrication des manchons à incandescence ont une faible émissivité dans l'infrarouge (en comparaison avec un corps noir), mais une forte émissivité dans le spectre visible. En conséquence, lorsqu'il est chauffé par une flamme de pétrole ou de gaz, le manchon à incandescence émet une radiation qui est moins élevée dans l'infrarouge et plus élevée dans le spectre visible, ce qui a pour résultat un meilleur apport de lumière utile.
Les manchons à incandescence modernes sont fabriqués en saturant un textile, soie artificielle ou viscose, avec des oxydes de cérium et/ou thorium. Le manchon ressemble à un petit filet souple, composé d'une texture de coton, soie ou matière synthétique imbibée de sels, qui doit être brûlé à la première utilisation et laisse alors un fin réseau d'oxydes réfractaires (incombustibles) propres à briller fortement par incandescence sans toutefois se consumer. Le manchon ainsi brûlé devient très fragile : on ne doit alors ni le toucher, ni le secouer trop fortement.
Selon la Loi du rayonnement de Kirchhoff, les flammes à gaz éclairent très peu parce qu'elles ont un degré d'émission en lumière visible à peu près nul. Les lampes à gaz à fonction d'éclairage ont donc d'abord été alimentées par des gaz charbonneux tels que le benzol qui produisent, comme le fait une bougie, une lumière rougeoyante jaunâtre générée par l'incandescence des particules de fumée de carbone (suie) mis en suspension.
On obtient une lumière plus blanche si l'on chauffe de manière permanente certains composés chimiques résistants à l'oxygène. Le chimiste autrichien Carl Auer von Welsbach eut l'idée d'imbiber un réseau de coton avec des solutions de sels de cérium et thorium qu'il brûlait avec précaution de manière à obtenir un résidu de coton combiné avec des oxydes. Il déposa le brevet de ce procédé en Allemagne le 23 septembre 1885 sous le nom de « manchon à incandescence Auer » (Auer-Glühstrumpf).
Les manchons étaient alors fabriqués en tissu trempé dans une solution de 99% de nitrate de thorium et de 1% de nitrate de cérium, qu'on enflammait ensuite. Par la chaleur, le nitrate de thorium se décomposait en oxyde de thorium et gaz nitreux. Il en subsistait une structure fragile qui, soumise à la flamme du gaz, émettait une lumière blanche. Cette lumière n'a rien à voir avec la faible radioactivité du thorium, il s'agit d'une incandescence tout à fait ordinaire produite par la chaleur de la flamme à gaz.
Carl Auer von Welsbach a tout d'abord procédé à des essais avec l'oxyde de magnésium, puis le dioxyde de zirconium, puis des combinaisons de lanthane, yttrium et praséodyme. Ils ont tous une capacité d'absorption modérée dans la zone visible du spectre et produisent une lumière d'un brun blanchâtre. La percée eut lieu pour lui avec l'oxyde de cérium et le dioxyde de thorium, qui s'avérèrent d'une bien meilleure stabilité. La composition de 1% de CeO2 pour 99% de ThO2 fut donc retenue pour la fabrication des manchons, mais elle a été remplacée il y a quelques décennies par un mélange d'oxyde d'yttrium et d'oxyde de cérium, de manière à éviter les manipulations de ThO2, produit légèrement radioactif.
Il existe de nombreux modèles de manchons à incandescence, les plus connus étant probablement ceux à double fixation des lanternes de camping à gaz butane/propane ou ceux à simple fixation des « Petromax » et autres lampes à pression, que l'utilisateur doit lui-même brûler avant de les mettre en service. On a abandonné la fabrication des anciens manchons pour réverbères à gaz verticaux ou suspendus, qui étaient déjà préconsumés en usine et imprégnés d'un vernis de nitrate de cellulose pour une plus grande solidité durant le transport. Cette couche de vernis brûlait très rapidement à la première mise en service. La plupart des manchons sont suspendus, en forme de sachets piriformes, mais il en existe aussi en forme de tube pour certaines lampes à essence ou à gaz (« Coleman ») ou de forme ogivale, destinés aux anciennes lampes à essence ou à alcool (« Tito-Landi »), ou bien coniques, pour les lampes atmosphériques à pétrole américaines (« Aladdin »), encore en fabrication et fournissant une lumière plus généreuse que les simples lampes à pétrole classiques. Dans ce dernier cas, la suspension du manchon ou sa fixation sur le brûleur de la lampe sont souvent facilitées par une ossature faite de pièces formées en oxyde de magnésium.
L'émission thermique d'un manchon Auer (ligne pointillée sur le diagramme), est nettement inférieure à celle d'un corps noir (ligne bleue). Le rayonnement se concentre sur les ondes courtes du domaine visible. En conséquence, l'éclairage par manchon à incandescence nécessite une température plus élevée que celui dont il aurait besoin si son rayonnement était continu. Le rouge est ainsi réduit, et la lumière apparaît plus blanche.
Le rendement lumineux des manchons à incandescence est encore accru par les échanges importants d'énergie chimique entre la flamme et le réseau textile garni de cérium : pour preuve, des manchons simplement chauffés dans un four ne deviennent jamais aussi lumineux que lorsqu'ils sont placés au contact direct d'une flamme.