Musique en réseau - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Définitions et approches

Nous sommes certainement au début d’une ère musicale marquant le développement des formes musicales de collaboration et de participation en ligne et en réseau. Simultanément à cette exploration nous devons continuer à interroger les notions historiques musicales et à élucider les nouveaux problèmes et problématiques qui progressivement apparaissent au sein de ces pratiques, d’auteur et d’auditeur, impliquées dans les relations et les intrications entre musique et technologies, tout autant que les modifications et corrélations sociales qu’elles décèlent ou prolongent.

Depuis 2000, des publications et articles importants ont été publiés sur cette question de la musique en réseau, et dans le même temps plusieurs approches d’une définition de la musique en réseau ont été énoncées :

  • une performance en réseau a lieu lorsque le comportement de l’instrument du performeur reçoit en entrée une source autre que le performeur lui-même, ou lorsque ce comportement est modifié par une influence extérieure (Stephan Moore & Timothy A. Place)
  • la musique en réseau est une situation musicale dans laquelle les connexions traditionnelles orales et visuelles entre les musiciens sont augmentées, médiatées, relayées ou remplacées par des connexions contrôlées électroniquement (Jason Freeman)
  • dans l’art audio et la musique, l’expression « en réseau » implique communément une distribution spatiale multi-sites de points de transmission et de réception, et d’interactions simultanées entre ces sites distants : captures sonores à distance, acoustiques à distance, interconnexions entre lieux physiques et virtuels, et émergences au travers de ce dispositif de collectifs distribués de “joueurs” (Locus Sonus);
  • Dans la même veine que l’approche précédente, la notion d’ensembles ou de groupes distribués peut être un point d’entrée : un ensemble musical distribué consiste en un groupe de musiciens qui est distribué entre deux lieux ou plus. Quand la performance d’un ensemble musical traditionnel repose sur un espace acoustique commun entre le musicien et les auditeurs, les performances d’un ensemble musical distribué a besoin de prendre en compte la superposition d’espaces acoustiques différents et distants : acoustiques à distance, paysages sonores distants, improvisation laptop en réseau (Alain Renaud & Pedro Rebelo)


Ceci peut comprendre une palette de nombreux aspects :

  • concernant le public : audiences partagées et distribuées, pratiques en réseau d’écoute
  • les réseaux en tant qu’instrument et source musicale
  • les interconnexions d’espaces
  • les conditions techniques et contraintes internes des réseaux : temps réel, synchronicité, latence, délais et retards, bande passante, qualité sonore, feedbacks et échos, ...
  • créativité sociale, interactions, collaborations et facilitateurs impliqués dans les systèmes collectifs d’attention


Ces transports de sons, ou de données relatives du son, amènent plusieurs types de dispositif et d’action : déplacements, transmissions, contrôles de dispositifs sonores distants, captations à distance, interactions, etc.

La nature d’un contenu en flux continu permet d’emblée son utilisation comme élément de variabilité entre deux dispositifs :

  • un flux variable de données à distance peut nourrir et contrôler le comportement d’un processus local,
  • des interactions de variables respectivement localisées créent de l’empathie et de la sympathie entre des processus et leurs comportements,
  • des déplacements et transmissions sonores entre différents lieux contrôlés et joués collectivement en direct et en temps réel (streaming, duplex, unicast, multiplex, multicast), etc. : les contenus sonores, émis et reçus, sont diffusés d’un lieu à l’autre.

Afin d’illustrer cette approche et pour commencer une typologie d’états et de natures d’espace modifié par la transmission du son à distance, voici quelques repères et catégories d’utilisation d’espaces distants en tant que lieux sonores génératifs et diffusés, dans les domaines de la musique en réseau et également de l'art sonore et audio.

Acoustiques à distance

  • acoustiques entrelacées : des envois et transferts de son via Internet viennent exciter l’acoustique d’espaces distants avec la possibilité de retour d’écoute des résultantes dans un autre espace, en l’occurrence, personnel (« Silophone » du collectif The User, « Netrooms — The Long Feedback » de Pedro Rebelo)
  • espace virtuel et acoustique : à partir d’un instrument « étendu » entre deux lieux connectés, des capteurs manipulés par le public excitent et activent l’acoustique et les résonances virtuelles des réseaux (« Global String » de Atau Tanaka et Kasper Toeplitz, « Le Poulpe » d’Apo33
  • transmission entre des milieux sonores non-aériens : enregistrement et diffusion sonores dans des milieux différents, comme par exemple en milieu aquatique (« Water Whistle » de Max Neuhaus, « Underwater Music » de Michel Redolfi)

Transmissions à distance

  • matériaux sonores distants : avant l’Internet, l’utilisation de téléphones ouverts pour capter et transmettre à distance des ambiances et du matériau sonore, qui sont ainsi mixés dans un travail musical (« Variations VII » de John Cage, durant l’événement “Nine Evenings” produit par E.A.T.), ou qui sont mixés à l’antenne à la radio (« Public Supply », « RadioNet » de Max Neuhaus), ou encore mis à disposition via Internet sur une interface en ligne comme ressources publiques disponibles à l’utilisation (« SoundExplorer » de Yoshihiro Kawasaki, « Resonance fm London Soundscape » de Tom Wallace, « Locustream SoundMap » de Locus Sonus)
  • transmissions sonores continues en direct et insérées dans des lieux distants : un ou des réseaux ou dispositifs de microphones localisés captent des ambiances et environnements sonores et ces captations sont transférées d’un lieu à un autre et diffusées dans ce dernier par des haut-parleurs (« Sound Field Insertion » de Bill Viola, « Oscillating Steel Grids along the Cincinnati-Covington Suspension Bridge » et « Landscape Sculpture with Fog Horns » de Bill Fontana, « City Links » de Maryanne Amacher, et par extension « Hole in Space » de Kit Galloway & Sherrie Rabinowitz, « Locustream » de Locus Sonus)
  • performances en direct à l’aide de systèmes multipartites de téléconférence et de transmissions via satellite (« The Last 9 minutes » à la Documenta 6 de Douglas Davis, Nam June Paik, Charlotte Moorman et Joseph Beuys) et concerts « at home » (à domicile) diffusés en direct par streaming vers un réseau d’auditeurs et de radios (« ISDN » de FSOL, « Festival X », « Arenas », « Tournaments » et « Battles » organisés par nomusic.org).

composition et interactions à distance

  • composition en direct et jeu en inter-communication en réseau, distant et local : interactions de flux de données sonores entre performeurs en local, puis plus tard à distance, pour créer une musique réactive basée sur des principes de décision partagés et distribués (concerts et performances de The League of Automatic Composers et de The Hub)
  • écoute distribuée et jeu distribué en streaming : construction d’interfaces en ligne de mixage en direct de sources streamées simultanées, soient captées soient jouées, et d’écoute partagée par des contrôles multi-utilisateurs (« RadioMatic » de radiostudio.org & Jérôme Joy, « userradio » de August Black)
  • performance en direct distribuée et collaborative : interactions entre des performeurs disséminés dans différents lieux en utilisant une interface en ligne commune (« Brain Opera » de Tod Machover, « FMOL » de Sergi Jorda, « mp3q » de Atau Tanaka, « Auracle » de Max Neuhaus)
  • écoute en direct distribuée basée sur la structure des réseaux utilisée en tant que système de synthèse sonore et de support de composition, à l’image d’un “studio étendu” et d’un système distribué de diffusion : composition à l’aide de programmations de processus sonores en direct, génératifs, infinis et continus, en utilisant les protocoles web et de relais d’information (serveurs, machines clientes), les contraintes techniques des réseaux (latences et retards dus au trafic) et les ordinateurs personnels et les espaces acoustiques locaux des auditeurs (audience “à la maison”) (« Hypermusic — Vocales » de Jérôme Joy)
  • envoi et échanges de fichiers son en vue d’une composition collaborative : corollaire au peer-to-peer, échanger des fichiers sonores via les réseaux électroniques et ainsi composer à plusieurs à partir de fichiers et de matériaux communs, à l’image de palimpsestes, a permis de joindre la dimension collective (liée généralement à l’improvisation) dans les pratiques de composition (« Phonographic Migrations » de Yannick Dauby), et par extension de considérer le peer-to-peer et le streaming comme des pratiques collectives de l’écoute (« Collective JukeBox » et « RadioMatic » de Jérôme Joy, The Thing et RadioStudio.org), qualifiée dans ce cas, d'écoute partagée (Yannick Dauby)

Spatialisation sonore à distance et sons localisés

  • extension de la spatialisation sonore dans des espaces articulés et interactifs, du local au distant (et vice-versa) par l’amplification électroacoustique, la téléphonie mobile et l’Internet, jusqu’aux espaces virtuels (field spatialization, Locus Sonus) : des espaces synthétiques et acoustiques peuvent être joints ensembles et réagir les uns aux autres par la navigation de l’auditeur et le jeu avec des objets sonores mobiles, déplacés, qui excitent ces espaces, afin de les faire résonner selon leurs propriétés naturelles ou calculées, et selon la position de l’auditeur (« New Atlantis » de Locus Sonus et SAIC Sound Department Chicago)
  • organisation de sources sonores et de diffusions dans des espaces publics, éloignés des studios et des salles d’exposition et de concert : campagne et scénario d’enregistrement et de prise de son à partir de trajets géographiques (« A Dip in the Lake » de John Cage), diffusé en direct sur des fréquences radio FM que les auditeurs peuvent captées dans des périmètres définis (« Drive-in Music » de Max Neuhaus)
  • transmissions spatialisées de sons entre deux lieux : prise de son mobile et contrôlée, transmise en direct et simultanément dans un autre lieu (« Virtual acoustic-space system » de Ron William, « Wimicam » de Locus Sonus), ou captations microphoniques en direct basées sur plusieurs lieux contrôlées et traitées par des processus sur un serveur qui les fait utilise comme matériaux de composition sonore et d’installation dans les espaces de ces lieux (« Le Poulpe » d’Apo33)
  • re-création de points d’écoute multi-sites : enregistrements microphoniques simultanés en plusieurs points, plus ou moins éloignés, d’un même site ou environnement (« Kirribilli Wharf » de Bill Fontana)

Cartographie sonore et son géo-taggé et géo-localisé

  • en construisant des représentations visuelles de localisations sonores, le plus généralement situées dans des environnements extérieurs, à l’aide de cartes géographiques ou auditives à partir desquelles les auditeurs peuvent accéder aux séquences sonores enregistrées or aux streams sonores captés sur les lieux indiqués (« Acoustic World Atlas » de Thomas Gerwin, « SoundBum » par un collectif japonais, « H|U|M|B|O|T » durant net_condition ZKM, « fmwalks » d’Udo Noll, « Soinu Mapa » d’Audiolab Arteleku, « Phonographic Migrations / Paysages Sonores Partagés » de Yannick Dauby, « SoundTransit » de Derek Holzer et al., « Radio Aporee » d’Udo Noll, « NY SoundMap Seeker » de NYSAE, « World Listening Project » basé à Chicago, « Locustream SoundMap » de Locus Sonus)
  • en représentant le procédé d’une campagne d’enregistrement de prises de son (« A Sound Map of the Hudson River » d’Annea Lockwood), en reliant et en associant une production sonore à des lieux spécifiques celle-ci étant enregistrée (les soundwalks de Janett Cardiff), ou en streaming à l’aide de techniques satellitaires ou de géo-localisation, tel que le GPS - Global Positioning System (disponible depuis 2000) -, les réseaux de téléphonie et de smart phones (« Audio Nomad » de Nick Mariette, « Aura » de Steve Symons , « SIGNAL_SEVER! - TRANSIGNAL 1 » du Projekt Atol, Makrolab et Pact Systems, « Net_dérive » d’Atau Tanaka)

Détournements et sonification de données à distance

La sonification de données peut être considérée comme la contrepartie acoustique de la visualisation graphique des données, c'est-à-dire la traduction de données dans le domaine sonore. Ce terme désigne toute diffusion d’un son – qui ne contient pas de paroles – ayant pour but de traduire en son une donnée qui n’est a priori pas sonore.

  • lorsque le son est généré ou contrôlé par des fluctuations de sources distantes non-sonores, telles que des variations électriques, électromagnétiques, d’ondes courtes et d’ondes HF/ELF/VLF (« Natural VLF Radio Phenomena » de Stephen McGreevy, « Pygmy Gamelan » de Paul DeMarinis, « Electrical Walks » de Christina Kubisch, « Radio Astronomy » d’Adam Hyde, « The Bio-Kinetic Sonusphere Interrogator » de Robin McGinley, « Sky Ear » d’Usman Haque, « xxxxx » de Martin Howse), des mouvements visuels et des captures vidéo de déplacements de corps dans l’espace (« VNS » de David Rokeby), ou encore de variations de flux de données provenant d’activités robotisées ou d’interfaces visuelles et tactiles manipulées (« Space Bodies » de Mia Zabelka, « Piano-as image media » de Toshiro Iwai), ou de flux d’information sur Internet (« The Messenger » de Paul DeMarinis, « Ping » de Chris Chafe, « Ping Melody » de Pawel Janicki), ou finalement tout autre flux d’information qui peut être capté et numérisé.
  • lorsque le son capté à partir de sources en direct de communication privée ou publique, devient un matériau dans un processus musical ou sonore (les performances de l'artiste et musicien anglais Scanner qui capte et syntonise (illicitement) les conversations sur les téléphones cellulaires à partir d’un scanner, « AudioTrace » de NoMusic par la captation des fréquences radio de la police, des radars et de la CB).
Page générée en 0.169 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise