Musique en réseau - Définition

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Objectifs

Les objectifs d'un concert en réseau pourraient être résumés ainsi :

  • Il devrait permettre aux musiciens et également aux auditeurs (et/ou chef d'orchestre) de pouvoir collaborer et interagir à distance
  • Il devrait créer et proposer un espace virtuel immersif et réaliste (c-a-d qui donne l'impression d'une situation réelle, ou dont les conditions n'empêchent pas la perception de la réalité de la situation) pour optimiser les interactions synchrones
  • Il devrait garantir l'attention et la conscience sensible collective des participants afin qu'ils soient conscients des actions des autres partenaires présents dans l'espace virtuel commun, et faciliter toutes les formes de communication entre eux.

Le contexte historique de la musique en réseau

La musique en réseau poursuit et participe à tout un cortège de problématiques qui animent l'histoire de la musique.

Il semble opportun de considérer et de bâtir aujourd’hui un historique de la télémusique, c’est-à-dire de mettre à jour un corpus, d'une part, de visions et d'anticipations littéraires, et, d'autre part, d’expériences et de réalisations artistiques qui ont exploré la prise en compte d’interconnexions d’espaces (par les transports de sons) et de l’écoute à distance au sein même du processus musical et de la réalisation sonore.

L'extension des matériaux sonores et de la lutherie

Le développement de nouveaux instruments est une question majeure dans la musique du XXIième siècle depuis la naissance de l'électroacoustique, mais aussi depuis l'exploration du timbre musical et de la microtonalité au début du siècle dernier qui a pu amené les compositeurs a intégré des modifications ou préparations d'instruments, voire la création d'instruments. Quelques exemples emblématiques sont ceux de John Cage avec le piano préparé (à la suite d'Henry Cowell), d'Harry Partch avec ses instruments fabriqués à partir d'accordages non tempérés, et de Conlon Nancarrow avec la musique mécanisée.

De même, les instrumentistes n'ont cessé durant la seconde moitié du XXième siècle d'explorer les modes techniques de jeux qui ont permis d'étendre la palette sonore acoustique (puis électroacoustique) des instruments à partir de leur facture historique. Chaque famille d'instruments a ainsi élargi son vocabulaire en se basant d'une part sur un prolongement des modes de jeux connus en leur offrant une variabilité plus fine et plurielle en termes de timbre et d'articulation de jeux (par exemple, les doigtés pour les instruments à vent), d'autre part en intégrant dans le jeu les registres autrefois délaissés ou écartés car considérés comme exogènes à la musique (les sons bruités, sons des mécaniques, etc.), et finalement en réinvestissant les connaissances physiques et organologiques des instruments (les multiphoniques, les sons transitoires, etc.). Ceci a pu se développer jusqu'à l'intégration de l'instrumentiste comme matériau sonore lui-même, ou parfois en tant qu'acteur (dans le sens du théâtre musical et parfois pour répondre et problématiser le concert en tant qu'événement audio-visuel); dans certains cas la voix de l'instrumentiste en tant qu'excitateur supplémentaire de l'instrument a été très souvent employée pour construire des sonorités plus complexes. La conjonction entre l'exploration des limites instrumentales par les compositeurs dans l'écriture et celle développée par les instrumentistes pour offrir des registres instrumentaux élargis, a permis l'invention de notations et de modes nouveaux d'écriture. Un peu plus tard, les découvertes et recherches en psycho-acoustique et en physique / acoustique instrumentale (notamment à l'IRCAM) ont poursuivi ces investigations menées par les compositeurs et les instrumentistes, et ont permis d'envisager la construction d'extensions d'instruments, voire d'articuler des parties virtuelles (ou prothèses) aux instruments existants (par exemple, la flûte virtuelle développée à l'IRCAM) et de midifier des instruments en les assemblant avec des processus de contrôle (« controllers ») et de captation (capteurs) — un des exemples notables est celui du Disklavier. Il s'agit en quelque sorte d'une nouvelle lutherie combinant électronique et acoustique (ainsi qu'informatique) à la fois sollicitant et répondant à un nouveau répertoire, accompagnant également l'arrivée des synthétiseurs et échantillonneurs dans l'instrumentarium de la musique contemporaine. Ceci prolonge la construction d'instruments depuis l'avènement de l'électricité dont quelques exemples sont notoires : Ondes Martenot, Theremin, etc. (à la suite du saxophone (1846), tuba Wagner (1875), sousaphone (1898), tubax (1999), etc.). L'évolution de la facture instrumentale et de la lutherie n'a jamais cessé et il est tout-à-fait légitime de penser que la musique en réseau peut mettre à jour à nouveau des questions de facture, d'organologie et de lutherie.

En parallèle, de nouveaux modes de composition liés à l'intégration de l'aléatoire et de processus de variabilité (des jeux, des matériaux, des combinatoires; comme chez John Cage, Cornelius Cardew ou Earle Brown, jusqu'aux partitions graphiques qu'ils ont réalisées) se sont développés; ce qui n'avait rien d'inédit si nous nous référons à la « Musikalisches Opfer » (L'Offrande Musicale) de J.S. Bach (1747), œuvre dans laquelle l'instrumentation n'est déterminée qu'en partie, ou encore au « Musikalisches Würfelspiel » (Jeu de dés musical) de W.A. Mozart (1787). Par ailleurs, la composition combinatoire a trouvé un de ses aboutissements dans la musique répétitive (« Vexations » de d'Erik Satie, les œuvres de Steve Reich) et dans la musique dodécaphonique (à l'exemple des œuvres d'Anton Webern) et sérielle.

L'électroacoustique (et la musique acousmatique), de son côté, a permis d'intégrer entre autres la manipulation des sons à partir de leur enregistrement et de leur diffusion dans des dimensions spatiales (par le biais de l'amplification et de la construction de systèmes voire d'orchestre de haut-parleurs), et le développement de la synthèse électronique des sons a élargi la palette des matériaux sonores et des timbres.

Á peu près à la même époque, l'apparition des techniques des télécommunications, notamment avec le téléphone, a donné la possibilité de développer des instruments pour jouer et écouter à distance la musique et d'envisager ainsi le développement actuel de la musique en réseau. Deux références historiques sont le « Telharmonium » de Thaddeus Cahill (en) en 1897, et l'« Aconcryptophone » (ou « Acoucryphone » ou encore « Enchanted Lyre) de Charles Wheatstone en 1821 (et son « Diaphonicon » en 1822); nous pourrions y associer aussi plusieurs références littéraires qui ont imaginé la musique en réseau et le transport des sons à distance par des techniques de transmission, dont, par exemple: la description d'un concert en réseau par Jules Verne dans « Une Ville Idéale » (1875) (en parallèle de sa description d'un concert acousmatique, qu'il appelle « concert électrique », dans son ouvrage « Paris au XXième siècle »); le globe terrestre sonore sur lequel le toucher d'un lieu permet d'entendre en direct les sons de l'environnement qui y est capté à distance par l'entremise de tuyaux, dans « Giphantie » de Tiphaigne de la Roche (ce qui rappelle la description des « sound-houses » de Francis Bacon dans « New Atlantis » en 1627); et à une époque plus récente, le piano microphonique décrit par Guillaume Apollinaire dans « Le Roi-Lune », chaque touche étant reliée à un microphone placé dans différents lieux du monde; deux dernières références peuvent être aussi associées, la première plus éloignée étant celle des « Paroles Gelées » citée par Rabelais, et la seconde au début du XXième siècle, étant le texte « La Conquête de l'Ubiquité » par Paul Valéry en 1928.

Nous retrouvons au XXième siècle quelques réalisations musicales qui avant l'Internet en font écho : « Credo in US (en) » de John Cage en 1942 avec l'utilisation de radios comme matériau musical, investigation qu'il a poursuivie dans « Imaginary Landscape No. 4 for Twelve Radios » créée en 1951 et dans d'autres œuvres dont notamment en 1966 avec les « Variations VII » qui intègrent des sons provenant en direct de téléphones décrochés dans certains lieux de la ville de New York (Variations (Cage) (en)); les « City Links » de Maryanne Amacher en 1967 constitués de prises de sons continues à l'aide de microphones placés dans des lieux disséminés, et transmises de manière permanente par téléphone ; « RadioNet » et surtout « Public Supply » de Max Neuhaus (en) en 1966 qui consistent en des sons envoyés par les auditeurs par téléphone, et mixés en direct à la radio par l'auteur; et, enfin, comme dernier exemple, la plupart des œuvres de Bill Fontana (en) utilisent la transmission en direct des sons de lieux à d'autres, à partir de « Kirribilli Wharf » en 1976, jusqu'à « Sound Island » réalisé à Paris en 1994 et « Cologne San Francisco Sound Bridge » en 1987. En novembre 1983, plusieurs musiciens et artistes participent à un événement de « telephone music » à partir de trois lieux (durant 20 minutes) : Artpool (Budapest), Blix/ÖKS (Vienne) et la galerie Aufbau-Abbau (Berlin).

Une des références majeures est le collectif « The Hub » (issu de The League of Automatic Composers) actif de 1976 à 1987, qui jouait sur des configurations informatiques et électroniques interconnectées. « The Hub » a expérimenté des concerts en réseau basés sur des communications MIDI sur Internet et distribués sur plusieurs lieux — toutefois, "il a été plus difficile que prévu de résoudre les problèmes logiciel sur chacun des ordinateurs placés dans chaque lieu à cause de la disparité des OS et des vitesses de CPU". Le CIRM à Nice organise un concert transatlantique avec l'Electronic Cafe à Santa Monica : Terry Riley improvise sur ses claviers en Californie et pilote en même temps un Disklavier à Nice, la liaison (MIDI) s'effectuant par modem et visiophone avec le logiciel MidiPhone. En 1993, l'University of Southern California Information Sciences Institute a commencé à réaliser des concerts en réseau sur Internet. Le collectif ResRocket (Willy Henshall, Tim Bran, Matt Moller et Canton Becker) a développé en 1995 une application permettant de faire des concerts MIDI en réseau, chaque musicien ayant son « studio virtuel » et à l'aide de ce programme, baptisé « DRGN » (Distributed Realtime Groove Network), participe à des jam sessions et compose ensemble simultanément sur le même morceau. Entre 1992 et 1998, le CIRM a réalisé plusieurs types de concert en réseau : au Festival Manca en 1995, concert durant lequel David Hykes chantait avec son ensemble vocal à New York (The Harmonic Choir), le son étant transporté via ISDN et diffusé dans l'espace acoustique réverbérant (12 sec.) de l'Abbaye du Thoronet dans le Sud de la France, et ainsi « traité », retransmis en temps réel dans la salle de concert de The Kitchen; en 1997, la voix d'une chanteuse à Nice est traitée en temps réel par Lawrence Casserley à Londres et rediffusée dans la salle de concert en France, la chanteuse jouant ainsi en direct avec sa propre voix traitée, filtrée et harmonisée à distance; en 1997, Jérôme Joy crée « Gestes » au Festival Manca, un œuvre instrumentale et électroacoustique en réseau (en ISDN) avec des musiciens à Nice et à Londres (d'où la combinaison avec le Festival Lust à I.C.A., les deux lieux accueillant un public. La communication visuelle était prévue mais malheureusement des problèmes de compatibilité avec les standards anglais (BBC) ont empêché son utilisation. Il avait réalisé l'année précédente en 1996, « Vocales », une œuvre d'hypermusique (ou télémusique) entièrement conçue sur des protocoles Internet (référence Libération)); la même année, Luc Martinez organise un concert en réseau pour la séance d'ouverture de l'Union_internationale_des_télécommunications à Genève : un percussionniste (Alex Grillo) joue sous terre sur les stalactites des grottes de Saint-Césaire dans les environs de Nice, les sons étant retransmis via des lignes ISDN en Suisse. Comme il est mentionné dans « From remote media immersion to Distributed Immersive Performance » de Sawchuk en 2003, un concert entre des musiciens répartis à Varsovie, Helsinki et Oslo, a été réalisé en 1998 sur un dispositif en réseau à partir de technologies RealMedia. Trois œuvres de ces musiciens répartis furent créées : « Mélange à Trois » (Shinji Kanki), « Nanawatai » (Håkon Berge) et « AV-Quintet plus many » (Maciej Walczak).

Ces premiers concerts en réseau ont tous fait face à des problèmes liés à des conditions de latence, de synchronisation des signaux, et d'écho et de feedback, rendant difficile la restitution de la dimension potentielle (audio et video) de tels concerts qui à l'époque n'étaient pas encore complètement immersifs.

L'espace et la distance comme paramètres dans la composition

Les questions de l'instrument et de la composition live (en direct) en tant que modes d'expérimentation parcourent tout un pan de la musique du XXième siècle. Ces dimensions expérimentales représentent une partie des conditions de la musique actuelle et définissent les enjeux d'un horizon musical : celui engagé par Karlheinz Stockhausen dans « Mikrophonie (I et II) » (1964/1965), œuvre dans laquelle expérimenter l'instrument fait œuvre (Mikrophonie (Stockhausen) (en)), par David Tudor dans « Rainforest » (1968/1976), par John Cage dans « Cartridge Music » (1960), à propos de l'intégration du direct dans la composition, ou encore les enjeux lancés par les initiatives permettant de prendre l'enregistrement comme support de création (comme par exemple avec la « GrammophonMusik » envisagée par Alexander Dillmann (en 1910) et Heinz Stuckenschmidt (en 1925), puis réalisée en 1929 par Paul Hindemith et Ernst Toch avant que Pierre Schaeffer ne lance l'aventure de la musique concrète, puis électroacoustique et acousmatique).

Ces expérimentations riches en formes et en contenus semblent rejoindre une autre question, celle concernant l'intention de jouer et de faire sonner le réel au sein d'une œuvre : à l'image de l'utilisation d'emprunts dans les œuvres de Charles Ives, de Gustav Mahler, voire de Bela Bartok (mais aussi, au travers d'exemples plus éloignés dans le temps, comme dans certaines œuvres de Jean-Philippe Rameau) jusqu'à celles, avant l'accès aux techniques d'échantillonnage (ou sampling), de John Cage (« Roaratorio » en 1979), Luciano Berio (« Sinfonia », 1968), Karlheinz Stockhausen (« Telemusik », 1966 , « Hymnen », 1967) et de la musique électroacoustique (Luc Ferrari avec ses « Presque-Rien », 1967-1998), pour arriver à des œuvres plus récentes liées aux techniques de sonification pour générer du matériau sonore et musical à partir de variations de données captées dans des environnements (Andrea Polli). De même la prise en compte de l'environnement dans une œuvre avait trouvé son apogée dans « 4'33" » de John Cage lorsque le 29 août 1952 cette œuvre (silencieuse) avait été créée par David Tudor dans une salle de concert (le Maverick Concert Hall) dont l'arrière était ouvert directement au plein air, laissant le mixage fortuit des sons environnants venant de l'extérieur et du public faire « œuvre ».

Quant aux expérimentations liées à l'espace et aux multi-dimensionnalités acoustiques qui peuvent se déployer dans une réalisation musicale, elles sont présentes dans la musique depuis de nombreux siècles — un seul exemple avec les «  Cori Spezzati (en) » de Giovanni Gabrieli (1557-1612) —, et le développement de dimensions instrumentales liées à l'espace trouve aujourd'hui son expression par l'appropriation et la musicalisation des techniques informatiques ainsi que de celles liées aux réseaux et au techniques de streaming. Concernant l'utilisation de la distance par le positionnement, le parcours ou le déplacement des musiciens au-delà des murs d'une salle de concert, afin de créer des effets acoustiques d'intensité et de relief, Hector Berlioz dans son livre « Les Soirées de L'Orchestre », et plus spécifiquement dans une fiction intitulée « Euphonia ou la Ville Musicale », décrit des concerts monumentaux de plus de dix mille musiciens répartis dans la ville. Un autre exemple est celui de Charles Ives et de sa « Universe Symphony » de 1911, restée inachevée, pour laquelle il imagine plusieurs orchestres et ensembles instrumentaux, chacun accordé sur des systèmes harmoniques différents et jouant simultanément tout en étant répartis dans les montagnes et les vallées. De son côté, Karlheinz Stockhausen avec ses œuvres « Sternklang — Parkmusic » pour 5 groupes d'instrumentistes pour une durée d'environ 3 heures (1971) et « Musik für ein Haus » (1968) consistant en des compositions collectives données simultanément dans quatre pièces d'une même maison, ou encore « Alphabet für Liège » (1972) une œuvre de 4 heures répartie dans quatorze salles ouvertes les unes sur les autres que les auditeurs traversaient et parcouraient (dans les sous-sols du Palais des Congrès de Liège qui était alors en chantier). D'autres œuvres déambulatoires (les musiciens et/ou les auditeurs) sont celles plus récentes de Rebecca Saunders dont la série des « Chroma » (2003), œuvre instrumentale « spatialisée » jouant sur la distribution des musiciens dans différents espaces acoustiques d'un même batiment. De son côté, le groupe de recherche « Locus Sonus » explore au travers des espaces sonores en réseau la notion de « field spatialization » (spatialisation de terrains, ou spatialisation ambulatoire) dans laquelle les sons peuvent traverser et être diffusés dans des espaces acoustiques de natures différentes (naturels ou synthétiques, en proximité ou à distance — de la diffusion sur haut-parleurs dans un espace local, dans des espaces « outdoor » parcourus, à la diffusion par streaming dans des espaces disjoints et distants, jusqu'à des intrications de diffusions et d'acoustiques entre espaces physiques et virtuels), chacun de ceux-ci donnant ses qualités propres de réverbération et d'ambiance selon la position des auditeurs qui peuvent être répartis également dans ces différents espaces (physiques, virtuels, mobiles, etc.).

Métaphores

Une variété de métaphores présentes dans la littérature sont utilisées pour les transports de sons à distance, enregistreurs, musiciens et musiques en réseau : les sons capturés et transportés d’un lieu à un autre par des éponges (Charles Sorel, 1632), et des paroles gelées (Mandeville, 1356 ; Balthasar de Castillon, 1528 ; Rabelais, 1552) — en ayant soin de bien choisir la saison —, ou encore dans une canne de bambou (légende de Chine) et conduits et tuyaux (Francis Bacon, 1627); il s’agit aussi d’inventer des interfaces tel que ce globe tissé de canaux imperceptibles (Tiphaigne de la Roche, 1760), et ce clavier ou orgue à microphones en multiplex, chaque touche déclenchant le fonctionnement de microphones distants autour de la planète, l’ensemble jouant la symphonie du monde (« Le Roi-Lune », Apollinaire, 1916), ou de les substituer par un cortège de machines et appareils inventés dont le « téléchromophotophonotétroscope » imaginé par Didier de Chousy dans « Ignis » (1883) et des capteurs microphoniques à distance, comme ceux installés par Télek (« Le Château des Carpathes », Jules Verne, 1892) et le « téléphonoscope », proposé en 1878 par George Daphné du Maurier, imaginé par Camille Flammarion en 1894 pour relier la Terre à la planète Mars (« La fin du monde ») ou permettant de suivre à distance et en direct les représentations musicales ou théâtrales (« Le Vingtième Siècle - La Vie Électrique », Albert Robida, 1883). Jules Verne décrit en 1875 un concert en réseau par le pianiste Pianowski jouant à Moscou sur des pianos à distance situés dans différentes salles de concert autour du globe (« Une Ville Idéale », Jules Verne, 1875). De son côté, Philip K. Dick imaginent des concerts « psychokinétiques » joués et transmis à distance, sans le toucher des instruments et la diffusion acoustique ou électroacoustique, par le pianiste Richard Kongrosian (« Simulacres », 1963).

Le développement de la téléphonie puis de la radio à la fin du XIXème siècle et au début du XXième siècle, techniques de communication qui ont été conçues pour la transmission du son, a permis de soulever les enjeux quasi-anthropologiques liés aux transports de son et à l'écoute à distance. Citons deux extraits de Paul Valéry, le premier relevant l'opposition de l'homme mobile et de l'homme enraciné dans un texte de 1937, et le second datant de 1928, s'appuyant sur l'avenir d'un monde tout-connecté :

« Un monde transformé par l’esprit n’offre plus à l’esprit les mêmes perspectives et les directions que jadis ; il lui impose des problèmes entièrement nouveaux, des énigmes innombrables. (…) Après votre dîner, et dans le même instant de votre perception ou de votre durée, vous pouvez être par l’oreille à New York (et bientôt, par la vue), tandis que votre cigarette fume et se consume à Paris. Au sens propre du terme, c’est là une dislocation, qui ne sera pas sans conséquence. »

« Je ne sais si jamais philosophe a rêvé d’une société pour la distribution de Réalité Sensible à domicile. (...) Cette circonstance, jointe aux récents progrès dans les moyens de transmission, suggérait deux problèmes techniques : I. – Faire entendre en tout point du globe, dans l’instant même, une œuvre musicale exécutée n’importe où. II. – En tout point du globe, et à tout moment, restituer à volonté une œuvre musicale. Ces problèmes sont résolus. Les solutions se font chaque jour plus parfaites. »

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