On peut étendre les trois opérations arithmétiques de somme, produit et exponentiation à tous les ordinaux ; dans chaque cas il y a deux manières de définir l'opération.
Pour définir la somme de deux ordinaux α et β, on procède comme suit. En premier lieu on renomme les éléments de β de façon à ce qu'ils soient distincts de ceux de α, ensuite, les éléments de l'ordinal α dans l'ordre sont écrits à gauche des éléments de β, de sorte qu'on définit un ordre sur
Plus précisément on considère l'union disjointe
De cette façon, on définit un bon ordre sur
On peut également définir la somme par récurrence transfinie de la façon suivante :
On vérifie facilement (par induction transfinie) que les deux définitions coïncident.
Donnons quelques exemples.
Si α et β sont des ordinaux finis, c'est-à-dire des entiers naturels, alors leur somme au sens ordinal est égale à leur somme au sens arithmétique.
ω est le premier ordinal infini, correspondant à l'ensemble des entiers naturels. Essayons de visualiser ω + ω. Deux copies de ω sont placées l'une à la suite de l'autre. Si nous notons {0<1<2<...} la première copie et {0'<1'<2',...} la deuxième copie, alors ω + ω ressemble à ceci :
Cet ordinal est différent de ω car, dans ω, 0 est le seul élément à ne pas avoir de prédécesseur direct, alors que dans ω + ω, 0 et 0' n'ont pas de prédécesseurs directs.
Considérons maintenant 3 + ω et ω + 3
Après renommage, le premier est comparable à ω lui-même, mais pas le deuxième. On a donc 3 + ω = ω mais ω < ω + 3. On peut voir également, en utilisant la définition formelle, que ω + 3 est le successeur de ω + 2 alors que 3 + ω est un ordinal limite, à savoir l'ordinal limite réunion de 3 + 0,3 + 1,3 + 2,... qui n'est autre que ω lui-même.
Ainsi, l'addition n'est pas commutative, par contre, on peut montrer qu'elle est associative.
On a par exemple : (ω + 4) + ω = ω + (4 + ω) = ω + ω
On peut également montrer que :
Il y a donc une simplification à gauche. Par contre, il n'y a pas de simplification à droite, puisque :
De même, on a :
mais la relation analogue avec γ à droite est fausse. On a seulement :
Pour tout ordinal α inférieur ou égal à β, on montre qu'il existe un ordinal unique γ tel que α + γ = β. γ s'appelle la différence de β par α. Si α est strictement supérieur à β, on convient que cette différence est nulle.
Pour multiplier deux ordinaux α et β, on écrit dans l'ordre les éléments de β, et on remplace chacun d'eux par différentes copies de la liste ordonnée des éléments de α.
Plus précisément on considère le produit cartésien
On obtient un ensemble bien ordonné qui est isomorphe à un unique ordinal, noté αβ.
On peut également définir le produit par récurrence transfinie :
Comme pour la somme on montre facilement par induction transfinie que les deux définitions coïncident. Lorsque on les applique à des ordinaux finis on retrouve le produit usuel des entiers naturels.
Voici ω2 :
Et on voit que ω2 = ω + ω.
Par contre, 2ω ressemble à ceci :
et après renommage, on reconnaît ω, de sorte que 2ω = ω. La multiplication des ordinaux n'est donc pas commutative, par contre, on peut montrer qu'elle est associative.
Les principales propriétés du produit sont :
Passons maintenant à l'exponentiation des ordinaux.
Pour un exposant fini, on peut se ramener au produit. Par exemple, ω2 = ωω. Mais on peut visualiser cet ordinal comme l'ensemble des couples d'entiers, ordonné selon l'ordre lexicographique suivant, où l'ordre sur les entiers de droite a plus de poids que l'ordre sur les entiers de gauche :
et de même, pour un n fini, ωn peut-être vu comme l'ensemble des n-uplets d'entiers.
Si on tente d'étendre ce procédé à ωω, on obtient :
Chaque élément du tableau est une suite infinie d'entiers, mais si on prend des suites quelconques, l'ordre ainsi défini n'est pas un bon ordre. On obtient un tel bon ordre en se limitant aux suites d'entiers n'ayant qu'un nombre fini d'éléments non nuls.
Plus généralement étant donné deux ordinaux α et β, on considère l'ensemble α(β) des fonctions de β dans α dont le support est fini (le support de
On vérifie que α(β) est alors bien ordonné, donc isomorphe à un unique ordinal noté αβ. Dans le cas où α et β sont finis on voit immédiatement que cet ordinal est l'exponentielle des entiers naturels. Dans le cas où α = ω l'ordre que l'on a construit sur ω(β) est connu sous le nom d'ordre multi-ensemble.
Comme pour la somme et le produit on peut également définir αβ par récurrence transfinie de la façon suivante :
On trouve que 1ω = 1, 2ω = ω, 2ω + 1 = ω2 = ω + ω.
Voici quelques propriétés de l'exponentiation :
Remarque : on prendra garde que l'exponentiation des ordinaux n'a que peu de rapport avec l'exponentiation des cardinaux. Par exemple 2ω = ω est un ordinal dénombrable, alors que, dans les cardinaux,
La suite des ordinaux transfinis commence comme suit :
Il existe des nombres ordinaux transfinis qui ne peuvent pas être obtenus en effectuant un nombre fini d'opérations arithmétiques n'utilisant que les nombres ordinaux finis et ω. Le plus petit d'entre eux est appelé ε0 et vaut
On peut de même définir ε2, ε3, ..., εω, ...,
Tous ces ordinaux, construits en utilisant les opérations successeur et limite d'ordinaux déjà construits, sont dénombrables. On désigne par Ω le plus petit ordinal non dénombrable. Il contient tous les ordinaux dénombrables. Toute suite définie dans Ω admet un majorant dans Ω.
Pour manipuler les ordinaux, il est plus simple de recourir à une écriture unique. Pour les petits ordinaux, c'est possible : soit ε0 le plus petit ordinal tel que
sont des ordinaux (on autorise βk = 0).
Les βi sont eux aussi exprimés sous forme normale, ce qui donne des ordinaux du type :
L'ensemble des ordinaux définissables sous l'une ou l'autre de ces formes est donc ε0.
Les opérations sur les ordinaux deviennent simples :
On notera une variante de cette forme normale qui écrit :
en forçant