Paul Vidal de La Blache - Définition

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Critique de la géographie vidalienne

Les tenants de la géographie moderne, science qui étudie les dimensions sociales du spatial, critiquent la géographie de Vidal, qui est une « science naturelle des genres de vie ». Les idées de Vidal font de la nature le moteur extérieur des sociétés et servent à valider l'équation nation/territoire/souveraineté ; c'est-à-dire les notions de base dans la France de la IIIe République, qui affichait le patriotisme comme une valeur première. Le raisonnement qui fait de la nature le moteur des sociétés n'est tenable que dans des sociétés rurales qui peuvent sembler immobiles. Vidal doit donc faire de gros efforts pour ne pas voir l'industrialisation, la colonisation, l'urbanisation. Il appelle ces concepts le « vent de l'histoire », qui serait comme un coup de vent sur la surface d'un étang. Comme il l'écrivait lui-même à la fin de son Tableau de la géographie de la France : « L'étude attentive de ce qui est fixe et permanent dans les conditions géographiques de la France, doit être ou devenir plus que jamais notre guide. »

Pourquoi triomphe-t-il de manière aussi prononcée jusqu'en 1950 en France ? Notamment parce que la pensée intellectuelle française de la IIIe République est dominée par le nationalisme, qui est un moyen de contrôler les populations. L'histoire se voit donc assigner le rôle de démontrer l'émergence de la nation et la géographie de ne pas se référer au politique. On explique une société presque immobile par une nature immobile. De plus, les idées de Vidal forment le principal paradigme de la science géographique de l'époque. Ce penseur tient les universités, les centres de recherche et le jury de l'agrégation. Les penseurs urbains n'auront pas leur place en France jusqu'en 1950, ce qui explique que des géographes comme Jean Gottmann aillent faire leur carrière aux États-Unis.

Portée de l’œuvre « vidalienne »

Véritable manifeste dont la rédaction lui demande une bonne dizaine d'années et qu'il livre avec trois années de retard, le "Tableau" est un résumé de la méthode de travail de Vidal. Il parcourt tout le pays, note tout ce qu’il observe dans des dizaines de carnets. Il s'intéresse aux aspects humains et politiques, à la géologie (science balbutiante à l'époque, peu liée à la géographie), aux transports et à l’histoire. Pour autant, il est le premier à relier tous ces domaines dans une approche plutôt qualitative, avare de chiffres, essentiellement narrative voire descriptive, non éloignée, par certains aspects, d’un guide ou d'un manuel de peinture, celle des paysages.

Influencé par la pensée allemande, en particulier par Friedrich Ratzel qu'il a rencontré en Allemagne, Vidal est à l'origine du terme de possibilisme qu'il n'a certes jamais prononcé mais qui résume de manière commode son opposition au déterminisme de la nature défendue par certains géographes du XIXe siècle. Ce concept a été utilisé par les historiens pour évoquer le flou épistémologique qui, pour eux, caractérisait la démarche de l'école vidalienne. Qualifiée "d'idiographique" car découlant d'une observation, sans doute magistrale mais unique, cette approche empêche une évolution "nomothétique" de la discipline qui serait le fruit d'une expérimentation permettant de dégager des lois ou des démonstrations scientifiques.

Vidal qui n'a jamais visé cet objectif, a cependant publié en 1910 un article visionnaire sur « les Régions françaises ». Il avait été sollicité par le président du Conseil Aristide Briand en vue de créer des groupements régionaux dotés d’organes représentatifs. Vidal de La Blache propose un découpage de la France en régions organisées par une métropole. Les réalités économiques du monde moderne, avec la concurrence mondiale et le rétrécissement de la Terre imputables à une circulation accélérée, lui font pressentir que des modes d’organisation moins centralisés et moins étatiques doivent être promus.

La géographie « vidalienne » se fonde sur une cartographie variée, des monographies, et plusieurs concepts célèbres dont les "paysages", les "milieux", les "régions", les "genres de vie", la "densité". Beaucoup des élèves du maître ont produit, notamment dans leur thèse, de la géographie régionale qui pouvait à la fois être physique, humaine voire économique, le cadre choisi pour ces descriptions étant une région dont les contours ne sont pas toujours très fermes au plan scientifique. Pour autant, sans doute parce que cette approche était plus structurante, beaucoup des continuateurs de Vidal - plus encore de Martonne - se sont spécialisés dans une géomorphologie devenue peu à peu la force mais aussi, par le rétrécissement du regard qu'elle a donné, la faiblesse de la géographie nationale.

Entre les deux guerres la "géographie classique" reste dans le cadre fixé par la tradition vidalienne. Elle est défendue par un establishment qui marginalise toutes les tentatives de renouveau épistémologique au point qu'au sortir de la 2e Guerre mondiale, la discipline est dans l'état où l'a laissée la mort de Vidal. Les disciples se sont arrimés à un aspect particulier de la pensée du maître et n'ont pas su en saisir la complexité et le foisonnement, avec comme conséquence la contraction du champ de la discipline. Une trilogie immuable s'est imposée dans la recherche et les études universitaires : géographie physique (Martonne, Baulig), géographie régionale (Blanchard, Cholley) et géographie humaine (Brunhes, Demangeon, Sorre), déclinée à une échelle inférieure par ordre de fréquence et d'importance, en géomorphologie, puis géographie rurale, régionale et enfin tropicale.

Naturaliste, monographique, morphologique, littéraire et didactique, la géographie classique allait connaître, avec la révolution des années 1960 et 1970 et la montée des études urbaines et industrielles, un renouvellement rapide par sa radicale transformation en science sociale.

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