Space Opera est un roman de l'auteur américain Jack Vance paru en 1965. Composé de 14 chapitres, il ne fait partie d'aucun cycle particulier, mais nombre de ses éléments narratifs sont typiques de l'imaginaire de l'auteur.
Le titre du roman, qui définit traditionnellement un sous-genre particulier de la science-fiction, le space opera, est pris par Jack Vance au pied de la lettre et conduit l'auteur à décrire les aventures d'une troupe d'opéra à travers la galaxie.
Jack Vance a déclaré que ce roman était le résultat d'une commande et que le titre lui avait été imposé dès le départ. Il choisit donc d'honorer la commande sur le mode humoristique, créant ainsi un sous-genre particulier, le « space opéra comique ».
Vance s'amuse à décrire les aventures burlesques de personnages issus d'un milieu mondain, confrontés à la dure réalité d'un univers peuplé d'êtres parfaitement incultes. Ce milieu mondain s'exprime dans un style soutenu et utilise un lexique choisi pour lequel l'auteur fait de nombreux emprunts au français.
Le récit suit une progression linéaire qui alterne entre des chapitres de voyage dans l'espace (où se règlent les tensions entre les personnages) et des chapitres qui se passent sur les différentes planètes du roman (consacrés aux représentations d'opéra). Ce rythme binaire semble imiter l'alternance des récitatifs et des airs, typique de l'opéra classique jusqu'à la moitié du XIXe siècle.
Le schéma narratif du roman est le suivant :
Si Space Opera ne fait partie d'aucun grand cycle littéraire de Jack Vance, sa thématique et sa structure le rapprochent pourtant d'un autre roman de l'auteur intitulé Les Baladins de la planète géante. Cette œuvre, parue en 1975, raconte en effet l'histoire d'une troupe de théâtre qui doit jouer une pièce de William Shakespeare devant des publics variés tout en parcourant la planète géante. L'auteur troque ainsi l'opéra pour le théâtre, passe du space opera au planet opera, mais conserve le schéma narratif et la veine comique de l'original.
Jack Vance prend un malin plaisir à faire de son roman la satire du milieu musical classique et mondain. Les critiques musicaux émettent des jugements vagues et ampoulés, les chanteurs d'opéra font leurs caprices, tandis que leurs riches mécènes envisagent leur action comme une mission culturelle de toute première importance.
Le monde de la musique classique est largement présenté comme condescendant envers les autres formes d'expression musicale, comme le jazz, et envers la frange de la population qui n'y est pas réceptive. Les personnages du roman considèrent que la musique d'opéra est le sommet musical de la culture humaine : ne pas y être sensible n'est que le signe d'un cruel manque de culture et d'ouverture d'esprit. Jack Vance ironise ainsi sur une certaine bourgesoie ou aristocratie argentée qui utilise la musique classique - et l'opéra en particulier - comme critère de distinction sociale.
La satire culmine dans la description d'un personnage mondain haut en couleurs, Dame Isabel Grayce, une dame-patronesse autoritaire et idéaliste qui croit en sa mission : répandre le langage universel qu'est la musique dans tout l'univers. Son entêtement à croire en l'universalité de la musique, malgré les dénégations de l'ethno-musicologue Bernard Bickel et les expériences désastreuses faites sur les différentes planètes, en fait un personnage à la fois singulier et attachant.
Roger Wool, le neveu de Dame Isabel Grayce, est de son côté présenté par l'auteur comme un dandy inapte au travail et très inquiet du devenir de son héritage. Ironiquement, ce personnage qui vit aux crochets de sa richissime tante est le premier à traiter les musiciens et les artistes de « parasites » de la société.
C'est le personnage de Bernard Bickel, l'ethnomusicologue du roman, qui prend en charge la dimension théorique de la problématique musicale que Jack Vance esquisse au début du récit. La musique est-elle un langage universel, comme le croit Dame Grayce ? L'ethnomusicologue répond à cette question en plusieurs points. La musique est universelle du point de vue objectif en tant qu'ensemble de grandeurs et de rapports mathématiques entre des sons compris comme des vibrations physiques. Elle est également universelle du point de vue subjectif quant à l'effet que produisent les sons sur les êtres sensibles : sentiment d'apaisement avec des sons tenus et doux, sentiment d'excitation avec des sons aigus et claironnés. Mais son langage, c'est-à-dire son organisation mélodique, rythmique et harmonique, est le fruit d'une convention culturelle. Si cette dimension conventionnelle n'exclut pas de rencontrer des races extra-terrestres qui utilisent comme les humains l'échelle diatonique, la découverte dans l'univers d'un langage musical équivalent à celui des Terriens est présentée comme très improbable. C'est justement ce défi que souhaite relever le personnage de Dame Isabel Grayce avec sa troupe d'opéra en partance pour les étoiles : rencontrer des êtres qui partageraient une même conception noble et sophistiquée de la musique.