Théorème de Banach-Steinhaus - Définition

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Introduction

Le théorème de Banach-Steinhaus (aussi appelé Principe de la borne uniforme) fait partie, au même titre que le théorème de Hahn-Banach et le théorème de Banach-Schauder, des résultats fondamentaux de l'analyse fonctionnelle. Il a été publié en 1927 par Stefan Banach et Hugo Steinhaus, mais il a aussi été prouvé indépendamment par Hans Hahn.

Il affirme qu'une famille d'applications linéaires continues définies sur un espace de Banach est uniformément bornée si et seulement si elle est ponctuellement bornée. C'est une conséquence très importante de la propriété de Baire, qui se généralise d'ailleurs aux espaces de Fréchet.

Le théorème

Énoncé

Soit E un espace de Banach et F un espace vectoriel normé. On considère une famille (f_i)_{i \in I} d'applications linéaires continues de E dans F. On suppose que cette famille est ponctuellement bornée, c'est-à-dire :

\forall x \in E, \sup_{i \in I} \|f_i(x)\| < + \infty

Alors (f_i)_{i \in I} est uniformément bornée, c'est-à-dire qu'il existe une constante K telle que :

\forall i \in I, \|f_i\| \leq K

Démonstration

La preuve repose sur le fait qu'un espace de Banach est un espace de Baire, c'est-à-dire que toute réunion dénombrable de fermés d'intérieur vide est d'intérieur vide.

Considérons An l'ensemble des éléments de E tels que \forall i \in I, \|f_i(x)\| \leq n .

A_n = \bigcap_{i \in I} \{x \in E : \|f_i(x)\| \leq n\}

An est une intersection de fermés, c'est donc un fermé. La famille (f_i)_{i \in I} est ponctuellement bornée, cette hypothèse se traduit par l'égalité ensembliste :

E = \bigcup_{n \in \mathbb{N}} A_n

Comme E n'est pas d'intérieur vide, il existe n_0 \in \mathbb{N} tel que A_{n_0} ne soit pas d'intérieur vide : il contient une boule fermée de centre a et de rayon r > 0.

Prenons un point x de E situé dans la boule unité fermée :

 \forall i \in I, \|f_i(x)\| = \tfrac 1r \|f_i(rx)\| \leq \tfrac 1r \|f_i(a)\| + \tfrac 1r \|f_i(a + rx)\| \leq \frac{n_0}r+\frac{n_0}r

c'est-à-dire : (f_i)_{i \in I} est uniformément bornée (par \tfrac{2n_0}r ).

Variante "forte" de l'énoncé

On a en fait démontré le résultat suivant. Avec les mêmes notations que ci-dessus, l'alternative est :

ou bien \sup_{i \in I} \Vert f_i \Vert <+\infty
ou bien il existe un résiduel U (c’est-à-dire une intersection dénombrable d'ouverts denses ; une telle partie est dense d'après le théorème de Baire) tel que
 \forall x\in U, \sup_{i \in I}\Vert f_i(x)\Vert=+\infty

En effet, la démonstration précédente montre que, si \sup_{i \in I} \Vert f_i \Vert =+\infty , alors nécessairement, chaque A_n~ est un fermé d'intérieur vide. Il suffit alors de prendre pour U~ le complémentaire de \bigcup_{n \in \mathbb{N}} A_n .

Exemples d'applications

Limite d'une suite d'applications linéaires continues

Mentionnons un corollaire très important du théorème de Banach-Steinhaus : si (fn) est une suite d'applications linéaires continues de l'espace de Banach E dans l'espace vectoriel normé F qui converge simplement vers une fonction f, alors f est également une application linéaire continue.

En effet, la linéarité provient d'un simple passage à la limite. Et pour tout x \in E , (fn(x)) converge, c'est donc une suite bornée, et le théorème de Banach-Steinhaus affirme que (fn) est uniformément bornée. (fn) est bornée en norme subordonnée par une constante C, et par passage à la limite des inégalités f est bornée de norme subordonnée inférieure à C.

Application aux sommes de Riemann

Soit E~ l'espace des fonctions continues sur [0,1]~ à valeurs réelles, muni de la norme \| f \|_\infty = \sup_{t \in [0,1]~} |f(t)| , de sorte que E est bien un espace de Banach, et F = \mathbb R . Pour chaque entier n\in\mathbb{N} , soit u_n~ l'opérateur défini par :

u_n(f) = n \int_0^1 f(t) dt - \sum_{k=1}^n f(k/n) .

Pour toute fonction f~ , {u_n(f) \over n} n'est autre que l'erreur commise dans le calcul de l'intégrale de f~ lorsque l'on prend une somme de Riemann correspondant à une subdivision régulière de [0,1]~ en n~ intervalles égaux. Cette erreur est un O(\tfrac1n) pour les fonctions de classe C^1~ ou lipschitziennes, mais il n'en est pas de même pour les fonctions continues en général. En effet, on montre que  \| u_n \| = 2n , de sorte que  \sup_{n\in \mathbb N} \| u_n \| = + \infty  et donc que le complémentaire de A~ est dense. Une fonction f~ appartenant à ce complémentaire vérifie donc  \sup_{n\in \mathbb N} \|u_n(f)\| = + \infty , ce qui signifie que l'ensemble u_n(f)~ n'est pas borné et donc que l'erreur commise {u_n(f) \over n} n'est pas un O(\tfrac1n) .

Le théorème de Banach-Steinhaus donne une preuve de l'existence d'objets vérifiant telle ou telle propriété, mais cette preuve n'est pas constructive.

Application aux séries de Fourier

Si f est une fonction (disons continue) de période 2\pi\, , on vérifie que la somme partielle n-ième de sa série de Fourier est

S_n(f)(x)=\frac{1}{2\pi}\int_{-\pi}^\pi f(t)D_n(x-t)dt , avec D_n(t)=\frac{\sin (2n+1)\frac{t}{2}}{\sin\frac{t}{2}} (noyau de Dirichlet)

Pour n fixé, la norme de l'application f\mapsto S_n(f)(x) , vue comme forme linéaire sur l'espace des fonctions continues et de période , muni de la norme sup, est égale à \frac{1}{2\pi}\int_{-\pi}^\pi \vert D_n(t)\vert dt

On vérifie que le nombre L_n=\int_{-\pi}^\pi \vert D_n(t)\vert dt appelé constante de Lebesgue, tend vers l'infini comme log(n).

D'après le théorème de Banach-Steinhaus, il existe donc une fonction f\, telle que \vert S_n(f)(x)\vert tende vers l'infini quand n\, tend vers l'infini. Ainsi, la série de Fourier de f\, diverge en x\, .

Si on utilise la version forte du théorème de Banach-Steinhaus, on voit même que l'ensemble des fonctions continues de période 2\pi\, dont la série de Fourier diverge en x\, est dense pour la topologie de la convergence uniforme.


Cet argument est d'autant plus remarquable qu'il n'est pas très facile de trouver des exemples explicites.

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