Exploiter la diversité des cépages pour s'adapter au changement climatique

Publié par Isabelle le 09/01/2018 à 12:00
Source: INRA
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© INRA
A l'échelle mondiale, seulement 12 cépages (soit 1 % des cépages cultivés) occupent jusqu'à 80 % des vignobles de certains pays. Des chercheurs de l'Inra et de l'Université de Harvard aux États-Unis suggèrent que l'un des leviers pour adapter la viticulture au changement climatique est d'exploiter la diversité des autres cépages cultivés, en plantant des cépages moins connus et en encourageant de nouvelles pratiques chez les viticulteurs et les consommateurs. Leur étude est publiée dans la revue Nature Climate Change le 2 janvier 2018.

Avancées des dates de vendanges, déficits hydriques accentués pour la vigne, vins plus alcoolisés, moins acides, nouveaux profils aromatiques... la viticulture est déjà affectée par le changement climatique et les scientifiques étudient différentes stratégies d'adaptation. Les chercheurs de l'Inra et de l'université d'Harvard se sont intéressés à la possibilité d'exploiter la diversité des cépages (ou variétés de vigne) qui sont cultivés mais peu utilisés par les viticulteurs pour s'adapter aux nouveaux climats dans les régions viticoles.

Pour cela, les chercheurs ont d'abord utilisé les connaissances sur la diversité génétique de la vigne issues de la littérature scientifique. Ils ont notamment analysé les données du centre Inra de ressources biologiques de la vigne de Vassal-Montpellier qui constitue une collection ampélographique* unique au monde. Ce conservatoire de référence au niveau international est composé de vignes provenant de 54 pays viticoles (2 700 cépages, 350 lambrusques ou vignes sauvages, 1 100 hybrides interspécifiques, 400 porte-greffes et 60 espèces de Vitacées).

Par ailleurs, les scientifiques ont croisé ces connaissances avec une base de données publiée par des chercheurs australiens qui décrit la distribution mondiale des cépages effectivement plantés dans tous les vignobles. L'analyse globale de ces données a permis de constater que les viticulteurs n'utilisent aujourd'hui qu'une très faible proportion de la diversité génétique existante de la vigne, à l'échelle mondiale (ce qui est également le cas pour de nombreuses autres espèces telles que la banane, le cacao, le café, le kiwi). En effet, 1 % des cépages (12 cépages sur 1 100 variétés de raisin de cuve cultivées) occupent environ 45 % des vignobles dans le monde. Et dans certains pays comme en Chine, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, ce pourcentage augmente jusqu'à plus du 80 % de leur vignoble. Plus extrême encore, en Chine, 75 % des surfaces sont cultivés uniquement avec un seul cépage, le Cabernet-Sauvignon.

Or, parmi les 1 100 cépages cultivés, certains d'entre eux sont mieux adaptés à des climats plus chauds et ont de meilleurs comportements face à la sécheresse que ces 12 cépages les plus connus et utilisés dans le monde. Il est donc important de mieux connaître et d'expérimenter des cépages venus d'ailleurs dans les différentes zones de production pour évaluer leur potentiel face aux changements futures. C'est notamment ce qui est déjà réalisé dans le dispositif expérimental de la parcelle VitAdapt porté par l'Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) qui décrit le comportement et l'adaptation à long terme d'une cinquantaine de cépages en climat bordelais.

Cette étude suggère la nécessité d'impliquer davantage les viticulteurs dans le test et l'évaluation de nouveaux cépages. Il s'agit également d'inciter les viticulteurs à partager leurs données avec les scientifiques, à travers par exemple des expériences de sciences participatives afin de construire ensemble des stratégies pour s'adapter au climat de demain et d'éviter de pâtir des effets négatifs du climat sur leurs productions. Dans certaines régions, notamment en Europe, il faudra également lever un certain nombre de verrous, notamment règlementaires (par exemple, les règlementations relatives aux appellations d'origine protégée ou AOP, en France). Mais c'est également le consommateur qui doit s'adapter et changer ses habitudes en étant prêt à déguster de nouveaux vins issus des cépages moins connus.

Note:
* L'ampélographie constitue la branche de la taxonomie appliquée à la vigne et qui comporte trois volets complémentaires: la description et l'identification des cépages ; l'étude de l'évolution des cépages et des relations qui existent entre eux et l'appréciation de leurs aptitudes et de leurs potentialités agronomiques, technologiques, génétiques.


Pour plus d'information voir:
From Pinot to Xinomavro in the world's future winegrowing regions. E. M. Wolkovich, I. Garcia de Cortazar-Atauri, I. Morales-Castilla, K. A. Nicholas & T. Lacombe. Nature Climate Change.2 janvier 2018 doi:10.1038/s41558-017-0016-6

Contact chercheur:
- Iñaki Garcia De Cortazar Unité Agroclim
- Thierry Lacombe Unité mixte de recherche Amélioration génétique et adaptation des plantes méditerranéennes et Tropicales (Inra, Cirad, Montpellier SupAgro)
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