La répression soulève une vive émotion et des arrêts de travail sont largement suivis le lendemain. Le 13 février, toute activité est interrompue en région parisienne et une foule évaluée à plusieurs centaines de milliers de personnes (un million, selon l'Humanité et Libération, 400 000 selon le Times, 300 à 500 000 selon le Monde et Paris-Jour, ce dernier pourtant favorable au gouvernement, 150 000 selon le Figaro, 125 à 150 000 selon la Préfecture), dans une grande et imposante manifestation de la République au cimetière du Père-Lachaise, rend hommage aux victimes et assiste à leurs obsèques.
Le 12 février 1962, le Premier ministre Michel Debré se rend dans les locaux de la police parisienne, pour « apporter le témoignage de sa confiance et de son admiration » ; puis, le 13 avril de la même année, il écrit une lettre à Maurice Papon, rendant « un particulier hommage à [ses] qualités de chef et d’organisateur, ainsi qu’à la façon dont [il a] su exécuter une mission souvent délicate et difficile ».
Les historiens, comme les contemporains, se sont interrogés sur la signification que revêtait l'événement dans le processus qui devait conduire à la fin de la guerre d'Algérie. Certains ont voulu y voir un gage donné aux milieux d'extrême-droite, très influents dans l'armée et dans la police, et affirment le caractère prémédité de l'événement. Ainsi, Jean Daniel, dans l'Express du 15 février 1962, attribue au gouvernement de l'époque un calcul sordide : « Les 8 morts du 8 février auraient servi, assure-t-on au gouvernement, à démontrer à l'armée et à la droite conservatrice que le rempart contre le communisme était assez solidement maintenu par l'État et que la propagande anticommuniste de l'OAS était pure démagogie. »
Dans la conclusion qu'il écrit au livre Charonne, Lumière sur une tragédie, paru en 2003, Jean-Paul Brunet se refuse, en tant qu'historien, à établir l'échelle des responsabilités entre les différents rouages de la tragédie (ministre de l'Intérieur, préfet de police, directeur général de la police municipale, etc.) qui agissent entre le chef de l'État et les policiers de base qui se sont acharnés sur les manifestants. Il insiste sur « la prégnance du système policier en fonctionnement » tout en identifiant une erreur technique de la part du commissaire Yser qui a ordonné la charge avec des effectifs insuffisants, mais dont « la décision correspondait à ce que la hiérarchie attendait de lui ».
L'historien Alain Dewerpe conclut : « L'équation finale se résumerait à ceci : le massacre contre le putsch. ». Il qualifie l'événement de « massacre d'État ». Il précise : « Si l’observation prêtée à Frey — “Vous voyez ce que vous m’avez fait faire” dite à Sanguinetti — est vraie, il convient de la prendre au pied de la lettre, car les gouvernants ont bien “fait” quelque chose. Il leur suffit pour faire de laisser faire — c’est-à-dire de ne pas voir, et d’autant moins qu’ils s’en satisfont, sont indifférents à la mort d’autrui ou sont dans l’obligation de “faire avec”, les conditions qu’ils ont eux-mêmes construire, et qui vont rendre hautement probable, et en fin de compte inévitable, la tuerie. »
Le parti communiste et la CGT sont résolus à agir vite. La CFTC qui s'interrogeait sur le type d'action à mettre en œuvre opte pour l'organisation d'une manifestation de masse. Le soir même du 7 février, les responsables de la CGT et de la CFTC se rencontrent à la bourse du travail et décident d'appeler à une manifestation massive le lendemain même. La FEN et l'UNEF sont également représentées à cette réunion. Un tract d'appel est ainsi rédigé :
« TOUS EN MASSE, ce soir à 18h30, place de la Bastille »
Les assassins de l'OAS ont redoublé d'activité. Plusieurs fois dans la journée de mercredi, l'OAS a attenté à la vie de personnalités politiques, syndicales, universitaires, de la presse et des lettres. Des blessés sont à déplorer ; l'écrivain Pozner est dans un état grave. Une fillette de 4 ans est très grièvement atteinte. Il faut en finir avec ces agissements des tueurs Fascistes. Il faut imposer leur mise hors d'état de nuire. Les complicités et l'impunité dont ils bénéficient de la part du pouvoir, malgré les discours et déclarations officielles, encouragent les actes criminels de l'OAS.
Une fois de plus, la preuve est faite que les antifascistes ne peuvent compter que sur leurs forces, sur leur union, sur leur action. Les organisations soussignées appellent les travailleurs et tous les antifascistes de la région parisienne à proclamer leur indignation, leur volonté de faire échec au fascisme et d'imposer la paix en Algérie. »
Le texte est signé des organisations syndicales CGT, CFTC, UNEF, SGEN, FEN et SNI. Le PCF, le PSU et le Mouvement de la paix sont associés à l'appel.
Il n'était pas exclu que la manifestation puisse être autorisée, puisqu'il s'agissait d'un « rassemblement statique ». Dans ses mémoires, le préfet de police Maurice Papon a écrit qu'il a suggéré au ministre de l'intérieur Roger Frey de la tolérer, que ce dernier en aurait référé au président Charles de Gaulle qui aurait répliqué « Qu'est-ce qui prend à Papon ? ». Brunet estime plausible cette version des faits, mettant en avant que Frey et Debré, aussi fervents gaullistes que Papon, n'avaient rien démenti au moment de la parution du livre.
Papon rencontre le 8 février au matin une délégation syndicale composée d'André Tollet pour la CGT, Robert Duvivier pour la CFTC et Tony Dreyfus pour l'UNEF. Papon reste debout et, glacial, signifie que le décret du 23 avril 1961 pris au moment du putsch reste valable et interdit les manifestations sur la voie publique. Les délégués informent qu'ils maintiendront la manifestation pacifique. Aucun autre contact officieux n'a lieu, contrairement à l'usage qui voulait que, d'un côté, le préfet rappelle officiellement que les manifestations étaient interdites mais que, d'un autre côté, des collaborateurs précisent officieusement ce qui était rigoureusement interdit (ponts ou rues à ne franchir en aucun cas, etc.).
Interrogés, les Renseignements généraux prévoient de 10 000 à 15 000 manifestants. La préfecture, revoyant ces prévisions à la baisse, table sur une fourchette de 6 000 à 7 000 et met en place 13 compagnies d'interventions, soit 1 000 policiers aguerris, 11 escadrons de gendarmerie mobile, soit 825 hommes supposés moins aguerris que les premiers, 3 compagnies de CRS, soit 360 hommes et quelques centaines de gardiens de la paix du Service général. Il y a donc moins d'effectifs des forces de l'ordre que le 19 septembre où la préfecture de police avait mis 5 556 hommes en face des manifestants, mais plus que le 17 octobre où 1 658 hommes étaient en face des 20 000 ou 30 000 manifestants. Chaque escadron de gendarmes mobiles est normalement jumelé avec une compagnie d'intervention, et l'ensemble est sous le commandement d'un commissaire de police.
Les consignes données aux policiers sont de procéder dès 18 heures au brassage et à la dispersion des manifestants sur les lieux de rassemblement, avec arrestations en cas de refus. À partir de 18 h 30, il est recommandé à chaque officier de se montrer « particulièrement actif », de ne tolérer aucun rassemblement. Si le nombre et l'action des manifestants le rendent nécessaire, les policiers doivent « faire preuve d'énergie » et utiliser les grenades lacrymogènes et les bâtons de défense. Les batons de défense couramment appelés « bidules » sont des bâtons en bois dur de 85 centimètres de long et 4 centimètres de diamètre. Ils seront distribués aux policiers avant le contact avec les manifestants.
À quatorze heures, les organisateurs de la manifestation diffusent sur les ondes des radios un communiqué demandant aux manifestants d'observer le plus grand calme. En début d'après-midi, les syndicats reçoivent la consigne de tenter de gagner la Bastille par cinq cortèges formés à 18 h 30 à quatre stations de métro (Ledru-Rollin, Sully-Morland, Filles du Calvaire et Gare de Lyon) et rue Saint-Antoine. Ils doivent s'arrêter à 50 ou 75 mètres des cordons de police. Les responsables des cortèges doivent alors lire le communiqué préparé au cours de la nuit et donner l'ordre de dispersion à 19 h 30. Selon Brunet, les organisateurs savent que les cortèges ont peu de chance de parvenir à la Bastille, mais ils estiment que la police ne va pas charger des rassemblements statiques.
Avant que ne débute la manifestation, tous les rouages de la police sont donc imprégnés de l'idée que tous les rassemblements doivent être dispersés énergiquement et rapidement, sans aucune négociation, même de détail, avec les organisateurs. Or, les opérations de dispersion peuvent être effectuées sans trop de dommages dans le cas de petits groupes, mais deviennent beaucoup plus problématiques dans le cas d'une foule longue à se disperser.
Les cortèges ne peuvent pas se constituer, comme prévu, aux différentes stations de métro. Le cortège de la gare de Lyon est une exception. La rue Saint-Antoine étant bouchée par les forces de l'ordre, des milliers de manifestants se retrouvent sur la Rive Gauche et sont finalement bloquées au carrefour du boulevard Saint-Michel. Les organisateurs peuvent lire le texte et la manifestation est dispersée sans violence.
Les premiers affrontements ont lieu boulevard Beaumarchais où sont massés quelques milliers de manifestants. Dans le secteur Bastille - Chemin-Vert, les forces de l'ordre chargent les manifestants sans avoir, semble-t-il, été agressés, alors que dans le secteur nord du boulevard Beaumarchais, des groupes de manifestants sont beaucoup plus agressifs et prennent l'initiative de lancer des projectiles ou de prendre d'assaut des cars de police. Il y a donc dans la manifestation des groupes venus en découdre et qui ne peuvent pas être contrôlés par le service d'ordre syndical qui n'a pas pu se mettre en place.
Une partie du cortège qui aurait dû se constituer au métro Filles-du-Calvaire se retrouve finalement au carrefour Voltaire - Charonne où il retrouve un groupe qui aurait dû former un cortège au métro Ledru-Rollin et le cortège qui avait pu se former à la gare de Lyon. Avec des manifestants refoulés du boulevard Beaumarchais, cela fait quelque 4 000 personnes qui se retrouvent au carrefour Voltaire - Charonne.
L'un des cortèges, dont la tête se trouvait à la hauteur du 200, boulevard Voltaire, à deux cents mètres au-delà du carrefour Voltaire - Charonne, se dirigeant vers Nation, est chargé par une unité des compagnies spéciales d'intervention de la Préfecture de police au moment où le mot d'ordre de dispersion venait d'être donné et où le cortège commençait à se disperser : « Lorsque les policiers ont chargé, le premier rang des manifestants avait fait demi-tour et regardait en direction de la place Voltaire, car il voulait signifier que la manifestation était terminée et qu'il fallait se disloquer. Ils n'ont donc pu voir arriver les policiers et je les ai vus tomber aussitôt. ».
L'action venait de la 31e division, commandée par le commissaire Yser, à qui l'ordre de charger « Dispersez énergiquement » venait d'être donné par la Préfecture à 19 h 37. Au même moment, le commissaire Dauvergne, commandant la 61e division, reçoit l'ordre de bloquer le boulevard Voltaire en direction de la place Léon-Blum, de façon à prendre les manifestants en tenaille. Il n'y a donc pas d'autres issues possibles pour les manifestants que les petites rues latérales, les portes cochères des immeubles, où certains parviennent à se réfugier, parfois poursuivis jusqu'au sixième étage par les policiers, ou les bouches du métro Charonne. Une partie des manifestants essaie de se réfugier dans l'une de ces bouches de métro, dont les grilles, selon la version officielle du ministère de l'Intérieur, avaient été fermées. En réalité, il est aujourd'hui établi qu'au moment de la charge policière, les grilles de la station de métro étaient ouvertes, que les policiers ont poursuivi les manifestants à l'intérieur des couloirs et sur les quais de la station, comme le prouve le fait que, dans certains cas, les corps aient été évacués par le métro et aient pu être retrouvés dans les stations voisines Rue des Boulets et Voltaire, ce qui explique l'incertitude initiale sur les causes des décès, qui n'ont été établies qu'à l'autopsie.
Dans la bouche du métro, la bousculade provoque la chute de plusieurs personnes sur lesquelles les suivants s'entassent, matraqués par les policiers qui projettent sur eux des grilles d'arbres, ainsi que des grilles d'aération du métro descellées à cet effet : « Il convient de faire état ici du fait rapporté par certains témoins, entendus à l'enquête, qui ont indiqué avoir assisté à des actes de violence commis par quelques membres des forces de l'ordre et qui apparaissent hautement répréhensibles. Il s'agit notamment du jet d'éléments de grilles de fer, qui normalement sont fixées au pourtour des arbres de l'avenue, et de grilles d'aération du métro, qui régulièrement se trouvent au niveau des trottoirs de la chaussée. Ces pièces métalliques sont très pesantes (40 kg pour les premières, 26 kg pour les secondes). Certains témoins ont déclaré avoir vu des agents lancer des grilles sur les manifestants à l'intérieur de la bouche de métro. Ce fait paraît établi, et il est constant que trois de ces grilles au moins ont été retrouvées après la manifestation au bas des escaliers de la bouche de métro et récupérées là par des employés de la station. ».
Ainsi, ce sont bien des « grilles » qui sont à l'origine de certains décès, mais c'est par une singulière métonymie qu'on a cru voir dans ces grilles celles de la station de métro. En réalité, la station de métro n'a été fermée qu'à 20 h 15, en raison de la persistance des gaz lacrymogènes, consécutive à l'intervention de la police dans la station. Dans l'immédiat, on dénombre huit victimes. Certaines sont mortes étouffées ; dans d'autres cas, le décès semble dû à des fractures du crâne sous l'effet de coups de matraque. Telle sera encore la cause d'un neuvième décès, intervenu, plusieurs mois plus tard, à l'hôpital, des suites de ces blessures. Toutes les victimes étaient syndiquées à la CGT et, à une exception près, membres du Parti communiste :
Plusieurs dizaines (centaines ?) de blessés sont par ailleurs dénombrés.
Suite à cette répression meurtrière, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Roger Frey, accusa « des groupes organisés de véritables émeutiers, armés de manche de pioche, de boulons, de morceaux de grille, de pavés [d'avoir] attaqué le service d'ordre ». Par la suite, l'Union pour la nouvelle République (UNR) accusa des éléments de l'OAS de s'être déguisés en policiers pour charger les manifestants. Le livre d'Alain Dewerpe semble établir que l'idée d'une participation de l'OAS est une affabulation formulée par le gouvernement dans le but de se disculper et repose sur un faux fabriqué par lui, qui a été reconnu comme tel devant la Cour de sûreté de l'État. Enfin, en 1966, une loi d'amnistie fut votée, celle-ci couvrant la manifestation de 1961 et celle de 1962.