Auguste Perret | |
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Présentation | |
Naissance | 12 février 1874 Ixelles, Belgique |
Décès | 25 février 1954 (à 80 ans) Paris |
Nationalité | France |
Activité(s) | Architecte, entrepreneur, enseignant, Architecte en chef de la reconstruction du Havre |
Formation | ENSBA, atelier Guadet |
Ses élèves | Le Corbusier, Jean Renaudie, Guy Lagneau, Michel Weill et Jean Dimitrijevic |
Œuvre | |
Agence | Agence d'architectes et entreprise de travaux publics et particuliers Perret frères |
Réalisations | Théâtre des Champs-Elysées, Paris Tour Perret (Amiens) Église Notre-Dame du Raincy Centre-ville reconstruit du Havre |
Distinctions | Académie des beaux-arts (1943) |
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Auguste Perret, né à Ixelles (Belgique) le 12 février 1874 et mort à Paris le 25 février 1954, est un architecte français.
Longtemps dénigré par les historiens et théoriciens du Mouvement moderne, particulièrement entre les années 1960 et 1990, plus exactement par des proches de Le Corbusier refusant ce qu'ils jugeaient comme des compromis favorisés par des gouvernements sans ambition, il a fallu attendre le passage des différentes crises de ce mouvement pour que l'œuvre de Perret reprenne place au sein d'une histoire de l'architecture plus directement orientée vers une logique patrimoniale. Auguste Perret apparaît dans ce nouveau contexte comme l'un des très rares architectes à avoir su discerner les enjeux et les limites du Mouvement moderne.
Outre ces jugements de valeur inévitablement subjectifs, Auguste Perret a joué un rôle déterminant : premier architecte a saisir l'intérêt constructif du béton armé (au début des années 1900), il est toujours resté attaché à ce matériau à la fois économique et robuste, tout en initiant quelques principes comme le « style sans ornement », la structure poteau-poutre-dalle ou le plan libre. Placée sous le signe de la continuité historique, la cohérence de son œuvre — qui s'étale sur plus d'un demi-siècle — reflète la volonté d'inscrire la construction moderne au sein d'un nouvel ordre architectural défini comme l'École du classicisme structurel. Cette terminologie — légèrement rebutante — ne doit pas cacher un exceptionnel sens pratique qui peut tout aussi bien être compris comme une quête de durabilité et de démocratisation de la Modernité ; un idéal architectural qu'il a pleinement concrétisé en reconstruisant le centre-ville du Havre.
Auguste Perret s'inscrit dans la lignée d'un grand-père carrier et d'un père tailleur de pierre : il a toujours gardé un goût du matériau simple traité noblement et un sens tout aussi modeste que pragmatique de la construction. Né dans les environs de Bruxelles, où son père avait trouvé refuge après son implication dans la Commune de Paris, il s'initie aux procédés de constructions modernes au sein de l'entreprise familiale, avant d'orienter définitivement sa carrière en tant qu'« architecte spécialisé dans le béton armé ». Dans le même temps, il effectue ses études à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, où il reçoit l'enseignement de Julien Guadet, l'un des théoriciens de l'architecture contemporaine qui lui transmit la démarche rationaliste et classique des Beaux-arts. Au-delà de ce rationalisme classique, son souci particulier de la structure prend également sa source dans une lecture assidue des ouvrages d'Auguste Choisy et surtout d'Eugène Viollet-le-Duc. Bien qu'il soit un élève brillant, il quitte l'École des beaux-arts pour rejoindre l'entreprise familiale — avant même d'obtenir son diplôme, ou de tenter un possible Prix de Rome.
En 1905, associé à ses frères Gustave et Claude — qui avaient repris l'entreprise de maçonnerie fondée par leur père — Auguste Perret devient l'un des premiers entrepreneurs à employer le béton armé dans la construction. Grâce à une réflexion ouverte sur les possibilités techniques et formelles de ce nouveau matériau, il est considéré comme le précurseur du plan libre en arrivant rapidement à la conclusion que la construction est fondée sur deux entités fondamentales : la structure porteuse (ou ossature) et les remplissages (cloisons, baies et trumeaux). Il appliqua au béton des formes et des proportions souvent apparentées au classicisme français, ainsi que des textures et des surfaces travaillées à la manière de la pierre de taille (choix des constituants du béton, bouchardage des surface). « Mon béton, disait-il en 1944, est plus beau que la pierre. Je le travaille, je le cisèle […], j'en fais une matière qui dépasse en beauté les revêtements les plus précieux. »
La lecture de l'architecture d'Auguste Perret ne doit pourtant pas s'arrêter à un classicisme d'apparence ou aux préoccupations pratiques — pour ne pas dire pragmatiques — d'un entrepreneur, et laisser ainsi oublier la dimension proprement architecturale de son travail. L'homme apparaît pleinement comme un moderne et, s'il affirme l'importance d'un matériau dit pauvre (le béton), s'il le traite comme de la pierre de taille et cherche à joindre l'élégance des beaux-arts à la simplicité artisanale, ce n'est pas sans une idéologie sociale que l'on peut alors rapprocher des recherches ouvertes par les Arts & Crafts puis prolongées — à l'époque où il débute — dans l'Art nouveau. Plus encore, à travers l'œuvre construit, il se fait pleinement architecte en regardant le bâtiment sous l'œil d'un espace libéré, d'un vide construit : ce que l'on observe dans ces projets à l'échelle urbaine et que l'on peut autrement comprendre dans la définition ouvrant son recueil d'aphorismes (cf. infra) : « L'architecture s'empare de l'espace, le limite, le clôt, l'enferme. Elle a ce privilège de créer des lieux magiques, tout entiers œuvre de l'esprit. »
La célébrité d'Auguste Perret commence au début du XXe siècle avec la réalisation du théâtre des Champs-Elysées qui lui vaut, par le biais de quelques scandales, une notoriété immédiate alors même qu'il cherche à défendre des idées particulièrement modernistes comme d'imposer le béton, de bâtir des « buildings » tout autour de Paris ou de concrétiser un « style sans ornement » pour mettre fin aux errements de l'Art nouveau. Dans les années 1920 et 1930, il multiplie ses réalisations dans d'importantes commandes publiques, des ateliers d'artistes (Boulogne-Billancourt) ou des bâtiments industriels. Sous l'Occupation, il conserve la première place parmi les architectes modernes : il sera élu membre de l'Académie des beaux-arts en 1943 et présidera l'Ordre des architectes. Bien que le gouvernement du maréchal Pétain s'oriente résolument vers le régionalisme (reconstruction d'Orléans), il obtient le chantier de reconstruction de la place Alphonse-Fiquet à Amiens où l'on trouve les principes constructifs qu'il avait instaurés au Garde-meuble national et au palais d'Iéna et qu'il mettra pleinement en œuvre au Havre.
Après la guerre, Auguste Perret est un maître reconnu quand de jeunes architectes l'approchent pour tenter de créer une école française de reconstruction. Mais le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme ne souhaite pas une unité de réponse, préférant encourager la diversité et juger ensuite de l'efficacité sur chacun des ouvrages : cela va permettre d'intégrer des projets particulièrement modernes (Cité radieuse de Marseille) et d'autre plus régionalistes (Saint-Malo). L'équipe de Perret remporte malgré tout le plus important chantier : celui du Havre. Renommé Atelier pour la reconstruction du Havre, le groupe prend en charge la réédification ex nihilo des 150 hectares du centre-ville. Auguste Perret meurt avant l'achèvement du chantier.