Le blocage de cardan est la perte d'un degré de liberté, connue aussi sous le nom anglais de gimbal lock, qui survient quand les axes de deux des trois cardans nécessaires pour appliquer ou compenser les rotations dans l'espace à trois dimensions sont portés par la même direction.
Un cardan est un anneau fixé de façon à pouvoir tourner autour d'un axe. Les cardans sont souvent imbriqués les uns dans les autres de façon à pouvoir tourner autour de plusieurs axes. Ils apparaissent dans les gyroscopes et dans les centrales à inertie afin de permettre au cardan le plus intérieur de rester fixe alors que la fixation du cardan extérieur peut prendre n'importe quelle orientation, dans les compas, les volants à inertie ou plus familièrement dans des porte-bouteilles pour permettre aux objets de rester horizontaux. Ils servent à orienter les propulseurs d'une fusée. Certains systèmes de coordonnées mathématiques se comportent comme si des cardans réels étaient utilisés pour mesurer les angles. Lorsqu'il y a au moins trois cardans imbriqués d'une certaine façon, le blocage de cardan peut se produire.
Prenons le cas d'une plate-forme de mesure de l'altitude sur un avion qui vole vers le Nord disposant de trois axes de cardans à angles droits deux à deux, c'est-à-dire le roulis, le tangage et le lacet, chacun valant zéro. Si l'avion s'incline de 90 degrés vers le haut, l'axe de roulis de l'avion et de la plate-forme devient parallèle à l'axe du cardan de lacet, et on ne peut plus compenser les changements de lacet (voir illustration ci-contre).
Le mot blocage est trompeur : aucun cardan ne se bloque, les trois cardans peuvent toujours tourner librement autour de leurs axes de fixation respectifs. Néanmoins, comme les axes de roulis et de lacet sont parallèles, il n'y a plus d'axe disponible pour réagir aux changements de lacet.
On peut pallier le problème en utilisant un quatrième cardan, déplacé de manière intelligente au moyen d'un moteur, de manière à maintenir un grand angle entre les axes de cardans du roulis et du lacet.
Une autre solution consiste à tourner un ou plusieurs cardans vers une position arbitraire au moment où le blocage de cardan est détecté, en réinitialisant ainsi le dispositif.
L'approche moderne est d'éviter complètement d'utiliser des cardans. Dans le contexte de centrales à inertie, cela peut se faire en montant directement les capteurs inertiels au corps du véhicule (plateforme inertielle liée) et en exploitant les données de rotation et d'accélération ainsi captées en utilisant des méthodes à base de quaternions pour en déduire l'orientation et la vitesse du véhicule. Une autre manière de remplacer les cardans est d'utiliser des supports à fluide ou une chambre de flottaison.
Une anecdote bien connue à propos du blocage de cardan concerne la mission lunaire Apollo 11. Sur ce vaisseau spatial, un jeu de cardans était utilisé sur une centrale à inertie. Les ingénieurs étaient avertis du problème du blocage de cardan, mais s'étaient refusé à employer un quatrième cardan. La justification de ce choix apparaît en partie dans la citation suivante :
« Les avantages d'un cardan surnuméraire semblent moins importants que la simplicité de l'équipement, le gain de place, et la fiabilité naturelle d'une unité à trois degrés de liberté directs. »
— David Hoag, Apollo Lunar Surface Journal
Ils ont préféré une autre solution s'appuyant sur un dispositif qui se serait déclenché à l'approche de 85 degrés de roulis. Ce dispositif n'a pas fonctionné :
« À l'approche de ce point, au sein d'une boucle de stabilisation fermée, les moteurs de torsion pouvaient en principe être commandés pour faire tourner le cardan de 180 degrés d'un seul coup. Au lieu de cela, dans le module lunaire, l'ordinateur a fait clignoter un avertissement « blocage de cardan » à 70 degrés et a gelé la plate-forme inertielle à 85 degrés »
— Paul Fjeld, Apollo Lunar Surface Journal
Cela a inspiré au pilote du module de commande Mike Collins une fameuse pointe d'humour alors qu'il communiquait par radio avec la Terre :
« Que diriez-vous de m'envoyer un quatrième cardan pour Noël ? »