Comme dans les autres romans de la série des voyages extraordinaires, Jules Verne avait pour mission de vulgariser les connaissances scientifiques d'une façon distrayante. En choisissant d'imaginer un voyage vers la lune, il se donnait les moyens d'instruire ses jeunes lecteurs dans des domaines aussi différents que l'astronomie et l'artillerie. Mais faisant également œuvre d'anticipation, il lui fallait extrapoler à partir de prouesses techniques déjà réalisées et s'appuyer sur des théories dont, faute de formation scientifique, il ne pouvait pas vérifier la vraisemblance, même s'il pouvait consulter les travaux de vulgarisation comme ceux de François Arago sur l'astronomie, ou des scientifiques comme le mathématicien Joseph Bertrand, qui publie la même année (1865) chez le même éditeur (Hetzel) Les fondateurs de l'astronomie moderne, ouvrage que l'on retrouve ensuite sur les étagères du capitaine Némo dans Vingt mille lieues sous les mers ou son cousin Henri Garcet, professeur agrégé au lycée Henri-IV, auteur des Éléments de Mécanique et de Leçons Nouvelles de Cosmographie. Une des solutions trouvées par Jules Verne pour rester dans la vraisemblance consiste à reproduire fidèlement les caractéristiques des inventions déjà existantes tout en multipliant la taille et les performances des objets qu'il décrit. Cependant Jules Verne demeure conscient du risque d'erreur et procède avec prudence, soulignant systématiquement le caractère hypothétique de certaines théories, ce qui lui vaudra néanmoins des critiques, notamment de la part de Camille Flammarion.
- Est-il possible d’envoyer un projectile dans la Lune ?
- Quelle est la distance exacte qui sépare la Terre de son satellite ?
- Quelle sera la durée du trajet du projectile auquel aura été imprimée une vitesse initiale suffisante, et, par conséquent, à quel moment devra-t-on le lancer pour qu’il rencontre la Lune en un point déterminé ?
- À quel moment précis la Lune se présentera-t-elle dans la position la plus favorable pour être atteinte par le projectile ?
- Quel point du ciel devra-t-on viser avec le canon destiné à lancer le projectile ?
- Quelle place la Lune occupera-t-elle dans le ciel au moment où partira le projectile ?(Chapitre 4)
Les réponses à ces questions permettent de faire brièvement l'état des lieux des connaissances de l'époque. Toujours prudemment, il présente ensuite certaines solutions techniques imaginées par ses personnages comme des hypothèses, par exemple le système composé d'un plancher d'eau pour amortir les effets de l'accélération au décollage. Son inventeur, Barbicane, confie à Michel Ardan que le système peut s'avérer inefficace. En effet, comme l'ont noté les scientifiques, dans les conditions décrites par Jules Verne les voyageurs n'auraient pas survécu aux pressions exercées sur leur organisme au moment de l'accélération initiale.
" C’était à la fois le droit et le devoir de toute la Terre d’intervenir dans les affaires de son satellite. La souscription ouverte dans ce but s’étendit de Baltimore au monde entier, urbi et orbi.
Cette souscription devait réussir au-delà de toute espérance. Il s’agissait cependant de sommes à donner, non à prêter. L’opération était purement désintéressée dans le sens littéral du mot, et n’offrait aucune chance de bénéfice. " (chapitre 12)
De la Terre à la Lune est le premier roman, mais non le dernier, où Verne s'intéresse à l'astronomie. Il consacre au moins trois chapitres à faire l'état des connaissances de son époque dans les domaines de l'observation, de la sélénographie et des phases lunaires, mais de nombreuses références savantes émaillent le roman selon les besoins de l'action.
L'artillerie occupe une place importante dans le roman, à la fois comme solution technique au voyage dans la lune, mais également comme prétexte pour l'auteur à assigner des objectifs pacifiques plutôt que militaires au progrès technique. Le Gun Club de Baltimore ne compte parmi ses membres que des personnes ayant participé à l'invention ou l'amélioration des armes à feu. Admirables sur le plan technique, leurs inventions sont cruellement grotesques dans leurs conséquences :
" [..] il est évident que l’unique préoccupation de cette société savante fut la destruction de l’humanité dans un but philanthropique, et le perfectionnement des armes de guerre, considérées comme instruments de civilisation. " (Chapitre 1)
Comment briser le cercle vicieux qui fait que les progrès d'une science où se sont illustrés, note le narrateur, les Parrott, Dahlgreen, Rodman, l'inventeur du canon Rodman, Armstrong, Pallisser et Treuille de Beaulieu, exigent d'inévitables atrocités pour continuer à se développer (chapitre 1)? En lui assignant des buts pacifiques d'exploration répond Barbicane (chapitre 2).