L’hôtel des Tournelles était un ensemble de bâtiments édifié, à partir du XIVe siècle à Paris, au nord de l'actuelle place des Vosges. Il fut longtemps propriété des rois de France, bien que peu d'entre eux y résidèrent. Ce fut dans cet hôtel que le roi Henri II décéda, en 1559, des suites de sa blessure recue lors d'une joute. Après son décès, la veuve du roi, Catherine de Médicis, obtint la destruction de l'hôtel dont il ne subsiste rien aujourd'hui.
Le nom d'Hôtel des Tournelles vient de la grande quantité de tours dont cet hôtel était hérissé, suivant l'usage de l'époque, comme le montre l'ancien dessin publié ci-dessus. Tournelle est un diminutif de tour qui signifie « petite tour ». On donnait aussi le nom de tournelles à des tours flanquant des courtines, mais dont l'étroite circonférence ne pouvait contenir qu'un très petit nombre de défenseurs.
Au début du XIVe siècle, ce qui allait devenir plus tard l’hôtel des Tournelles, n’était qu’une maison située en face de l’hôtel Saint-Pol. Pierre d'Orgemont, seigneur de Chantilly et chancelier de France et du Dauphiné sous le roi Charles VI, la fit reconstruire en 1388. Il est possible que cette maison ait été précédemment la propriété de Jean d'Orgemont, son père présumé. Le 19 mars 1387 Pierre d'Orgemont fit, de son vivant, le partage de ses biens entre ses dix enfants. Il légua sa « maison des Tournelles » à son fils ainé Pierre, évêque de Paris, qui l'habitait déjà. Après la mort de son père en 1389, l'évêque vendit la maison le 16 mai 1402 pour 140 000 écus d’or, au duc de Berry, frère de Charles V, celui à qui l’on doit le célèbre manuscrit enluminé des « Très riches heures ». En 1404 le duc de Berry le céda à son neveu Louis, duc d’Orléans et frère cadet du roi Charles VI, en échange de l’hôtel de Gixé rue de Jouy. Le duc d’Orléans ayant été assassiné le 23 novembre 1407, l’hôtel fut dévolu à ses héritiers, puis devint la propriété du roi Charles VI Le Fol, et sa demeure à partir de 1417. Il prit alors le nom de Maison royale des Tournelles.
En conséquence du traité de Troyes, qui livra la couronne de France au fils d'Henri V d'Angleterre et de Catherine de Valois, les anglais entrèrent dans Paris le 18 novembre 1420. Après la mort du roi Charles VI, le 22 octobre 1422 à Paris, l’hôtel fut d’abord mis sous séquestre avant de devenir la résidence princière du duc de Bedford, frère cadet d'Henri V d'Angleterre et régent du royaume de France après la mort de celui-ci, jusqu’à la majorité de son neveu Henri VI d'Angleterre.
En 1436, après la libération de Paris de l’occupation anglaise, Charles VII rendit l’hôtel à ses cousins d’Orléans. Devenant alors la propriété de Jean d'Orléans comte d’Angoulême, il prit provisoirement le nom d’hôtel d’Angoulême. A la mort de Jean d'Orléans en 1467 il revint à sa veuve, Marguerite de Rohan qui le légua en 1486 à son fils Charles d'Orléans père de François 1er, redevenant ainsi résidence royale. En 1563 il est encore appelé "hôtel des Tournelles et d'Angoulème".
Les différents rois de l'époque y résidèrent plus ou moins longuement, Louis XI y fit quelques brefs séjours :
Fuyant les festivités de son sacre, le nouveau roi vint s'y réfugier le mardi 1er septembre 1461 après diner mais était déjà parti à Tours le 25 septembre.
A leur tour, ses successeurs y séjournèrent peu : Charles VIII, Louis XII qui y mourut le 1er janvier 1515. François 1er ne l'habita pas, lui préférant le château de Fontainebleau, le Louvre et les châteaux de la Loire mais il y logea sa mère, Louise de Savoie puis sa maitresse Anne de Pisseleu, tradition reprise par Henri II qui y logea Diane de Poitiers. En 1524 le mage Cornélius Agrippa y résida sous le nom d’Agrippa de Nettesheim, en qualité de médecin et d'astrologue de Louise de Savoie, à qui il faisait apparaître des personnes mortes ou vivantes.
L’hôtel connut de nombreuses festivités, fastueuses ou insolites, telle la "danse macabre" exécutée le 23 août 1451 devant le Duc d’Orléans. Henri II y fêta son sacre en 1547 puis la signature des Traités du Cateau-Cambrésis en 1559. La dernière fête eut lieu la même année 1559 avec le double mariage d'Élisabeth de France avec Philippe II d’Espagne et de Marguerite de France , sœur du roi, avec le duc de Savoie. A cette occasion, un tournoi fut organisé le 29 juin rue Saint-Antoine, la plus large rue de Paris à l’époque, puisqu’elle avait les dimensions qu’on lui connaît de nos jours. Au cours d’une joute se déroulant devant l’hôtel de Sully (soit au niveau de l’actuel numéro 62), Henri II fut grièvement blessé d’un coup de lance accidentel par de Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, capitaine de sa Garde écossaise. Transporté à l’hôtel des Tournelles, le roi y mourut le 10 juillet 1559 après une terrible agonie, malgré les tentatives du célèbre chirurgien Ambroise Paré et du chirurgien particulier du roi d'Espagne, André Vésale.
À la suite de cette tragédie la veuve du roi, Catherine de Médicis, prit l’hôtel en horreur et alla s’installer au Louvre. Le 28 janvier 1563 elle obtint de son fils Charles IX des lettres patentes ordonnant la démolition de l’hôtel des Tournelles. Celle-ci se fit par étapes, une partie des matériaux étant réemployée pour la construction du Palais des Tuileries. Les écuries furent réutilisées pour créer le très important Marché-aux-chevaux où deux mille ventes avaient lieu chaque samedi. Certaines parcelles furent vendues, mais il demeura un vaste terrain dégagé qui servit aux manœuvres militaires et qui était aussi le lieu habituel de duels sanglants. Le 27 avril 1578, à cinq heures du matin, au cours d’un duel resté fameux, trois mignons d’Henri III se battirent contre trois favoris d'Henri, duc de Guise. Tous les six furent tués ou grièvement blessés. En janvier 1589 l'endroit servit de terrain d'exercice militaire pour les mercenaires chargés de la défense de la ville contre Henri IV.
En août 1603, Henri IV tenta de réutiliser une partie des bâtiments restant pour y créer une manufacture de fils de soie, d’or et d’argent. Mais l’entreprise périclita malgré les deux cent ouvriers italiens qui y travaillaient. Finalement le 4 mars 1604 Henri IV rédigea un édit donnant instruction à son ministre Sully de faire mesurer le site. Il fit donation d’une parcelle de 6 000 toises aux principaux nobles pour qu’ils y construisent des pavillons, à la condition de respecter le tracé conçu par les architectes Androuet du Cerceau et Claude Chastillon, les matériaux à utiliser et les dimensions principales.
Le 29 mars 1605 Henri IV écrivit à Sully :
La place Royale, future place des Vosges, était née.