Le courant de la psychiatrie inspiré du behaviorisme a donc abandonné les modèles notamment janétien et freudien sur les névroses et notamment l'hystérie qui a ainsi disparu du vocabulaire à la faveur des catégories CIM de trouble somatoforme et de trouble de la personnalité histrionique (DSM) qui ne recouvrent pas le concept d'hystérie dans la mesure où elles s'attachent exclusivement à décrire des symptômes visibles et appréhendables sans présupposé de sous-bassement psychologique intrapsychique.
Dans le DSM-IV, le trouble somatoforme constitue une catégorie à part entière, regroupant tant le trouble somatoforme lui-même que, par exemple, l'hypocondrie. Le trouble somatoforme n'est pas donc situé dans la même catégorie que le trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive : le trouble somatoforme n'est, dans le DSM, pas un trouble de l'anxiété - mais il est, simplement, un trouble somatoforme.
Alors que les expériences de Charcot à la Salpêtrière s'apprêtent à initier une réflexion théorique sur l'hystérie dont sont sorties la psychologie moderne et la psychanalyse, un poète, Baudelaire, comprend ce que l'artiste peut tirer de l'application consciente des phénomènes qui attirent ainsi l'attention des savants de son temps :
« L'hystérie ! Pourquoi ce mystère physiologique ne ferait-il pas le fond et le tuf d'une œuvre littéraire, ce mystère que l'Académie de médecine n'a pas encore résolu, et qui, s'exprimant dans les femmes par la sensation d'une boule ascendante et asphyxiante (je ne parle que du symptôme principal), se traduit chez les hommes nerveux par toutes les impuissances et aussi par l'aptitude à tous les excès ? »
La figure hybride du poète hystérique fait écho, bien sûr, aux romans de l'époque (le fameux « Madame Bovary c'est moi » de Flaubert) mais Baudelaire, en définissant ainsi le projet d'une expérimentation volontaire d'une symptomatologie alors comprise comme essentiellement féminine, rompt avec la simple conversion connue des romantiques et des générations antérieures, inaugurant une pratique dont la trace se retrouve dans tout l'art ultérieur, des outrances littéraires de Lautréamont à celles de Dada, jusqu'à certaines de ses manifestations les plus contemporaines.
Pour Hippocrate, les égyptiens de l'Antiquité et nombre de leurs successeurs y compris dans la médecine des Lumières jusqu'à Jean-Martin Charcot, le phénomène hystérique était limité aux femmes comme l'origine du mot hystérie (utérus en grec) le souligne d'ailleurs d'emblée. Cette pathologie est restée fortement associée à la féminité, en dépit des efforts au XIXe siècle de Charcot, Janet, Freud, Breuer, etc. qui ont chacun démontré l'existence d'hystéries chez les hommes.
La psychanalyse, à la suite de Fliess, a posé les bases théoriques d'une bisexualité psychique constitutive de tous les humains ce qui modifie profondément l'appréhension de la question de l'hystérie. Notons que les symptômes hystériques de conversion – avec ou sans crise grande-ou-petite – ont pratiquement disparu du champ clinique à la faveur de symptômes souvent plus discrets où l'érotisation et le refoulement sont prépondérants. La théâtralité, l'exhibitionnisme infantile, l'artificialité de manifestations d'émotivité en sont quelques-unes des expressions modernes de cette tendance qui est aussi soumise aux modes. Comme chacun peut le constater, elles ne sont l'apanage des femmes ce qui était plus le cas au début du XXe siècle.
Les symptômes dits "psychosomatiques" ou "somatoformes" ne relèvent eux pas ou partiellement de l'hystérie telle qu'elle a été théorisée par la psychanalyse. Les classifications DSM et CIM n'ont résolu qu'un problème descriptif mais pas du tout la question de l'étiologie et encore moins celle des traitements. Le "trouble somatoforme douloureux" est juste exclu du champs organique et c'est le seul statut qui lui est d'ailleurs reconnu. Pour le reste, le mystère est entier : comment se fait-il que des manifestations somatiques non explicables par un mécanisme de conversion symbolique se présentent quotidiennement à la cliniques des généralistes, internistes et rhumatologues ? Personne ne le sait mais le phénomène est bien réel.