Les mesures ne sont pas nécessairement identiques sur les deux particules. Par exemple, on peut mesurer le spin d'une des particules selon un certain angle et le spin de l'autre particule selon un autre angle.
Les résultats des mesures sont alors de nature statistique. Par exemple, la mesure du spin à l'aide d'un polariseur donne toujours un résultat tout ou rien. Ce que l'on obtiendra alors pour les deux mesures sont des statistiques de coïncidences : les deux mesures donnent un résultat identique dans X% des cas (et non 100% dans le cas de mesures identiques). Un grand nombre de mesures successives (sur un grand nombre de paires de particules) permet alors de calculer la corrélation entre ces mesures de spin sous des angles différents.
Si l'on se place dans l'hypothèse des théories locales déterministes à variables cachées, les inégalités de Bell donnent des relations auxquelles ces corrélations doivent obéir.
Nous allons démontrer ces inégalités dans un cas un peu plus simple que celui d'un angle quelconque afin de bien montrer l'origine du raisonnement.
Soit deux particules α et β dont le spin a trois composantes A, B et C. Les composantes peuvent prendre deux valeurs + et -. Pour chaque composante, nous noterons les valeurs A + , B − , etc. Les deux particules ont des spins opposés. Lorsque α a la composante A + , alors β a la composante A − , etc.
On mesure des paires de valeurs AB, AC et BC sur les deux particules. Le résultat des mesures est désigné par A + C − , etc.
Si l'état des particules est déterministe, décrit par des variables cachées, alors chaque particule a un spin parfaitement déterminé avec des composantes A, B et C précises. Même si les variables cachées ne sont pas connues avec exactitude, et donc le spin, il n'empêche que cette valeur précise existe.
Soit un ensemble de particules dans un état de spin donné pris dans un ensemble plus vaste, quelconque, de particules dans tous les états possibles. Par exemple
Alors nous aurons :
et
Ces relations découlent tout simplement de la théorie des ensembles.
Donc :
Si
Maintenant, nous effectuons nos mesures sur deux particules de spins opposés et ces particules sont émises sous forme d'un flux de particules de spins quelconques. Nous en déduisons que :
où
C'est un exemple d'inégalité de Bell.
Dans le cas de la mesure du spin selon un angle quelconque, on n'utilise que deux composantes du spin et l'angle entre les composantes. Le calcul est un peu plus compliqué mais semblable. Le résultat est :
où α, β et γ sont des angles donnés aux polariseurs et
Le résultat d'une mesure n'est pas totalement inscrit dans l'état de la particule puisque les résultats ont une nature probabiliste. Toutefois la mesure sur les deux particules donne bien le même résultat. Quelle est la nature du lien garantissant le fait que le résultat sera le même ? Plusieurs hypothèses sont possibles.
Dans ce cas on émet l'hypothèse qu'un signal instantané (de nature inconnue) permet à une particule d'être informée du résultat d'une mesure sur l'autre particule. Certaines variantes de l'expérience d'Aspect montrent que ce signal devrait même remonter le temps dans le référentiel d'une des deux particules.
L'hypothèse précédente a l'inconvénient d'être en désaccord avec la relativité restreinte. De plus, le comportement probabiliste de la mécanique quantique peut être perçu comme une anomalie de cette théorie. Une solution consiste à émettre l'hypothèse que la description quantique de l'état est incomplète. Il existerait des variables cachées qui déterminent de manière univoque le résultat d'une mesure. Comme dans un raisonnement classique, ce n'est que l'ignorance de la valeur exacte de ces variables qui donne un comportement probabiliste. Le lien entre les particules intriquées devient superflu car le fait qu'elles soient totalement identiques garantit que leurs variables cachées ont même valeur et donc que les mesures donnent le même résultat.
La troisième possibilité est d'admettre la mécanique quantique telle qu'elle est. De dire que les mesures sont réellement probabilistes et les états intriqués correctement décrits par la mécanique quantique. Cela peut poser de gros problèmes d'interprétations qui ne sont d'ailleurs pas entièrement résolus à notre époque. La nature du "lien" entre les deux particules reste assez difficile à saisir (voir Conclusions).
Selon cette théorie, il n'est pas besoin de faire appel à des variables cachées ni à une transmission d'information d'état d'une particule vers une autre : tous les couples d'états valides, pour les deux particules, existent simultanément dans des réalités parallèles. Le fait pour un observateur d'effectuer une mesure le fait entrer dans une de ces réalités, lui donnant l'impression que l'état des deux particules est affecté simultanément malgré la distance qui les sépare. Cette solution entre dans la catégorie "théorie à variables cachées non-locales", la variable cachée étant "dans quelle branche d'univers sommes nous ?".