Nom complet : Lycée français privé Saint-Benoît. En turc : Özel Saint-Benoît Fransız Lisesi, sis au Kemeralti Caddesi, no. 35, Karaköy, 34425 Istanbul-Turquie.
Etablissement francophone d’enseignement secondaire à Istanbul. Situé sur la rive européenne de la ville, plus précisément dans le quartier Galata, ancienne colonie génoise, cette institution pluriséculaire est l’un des plus prestigieux lycées de la Turquie et occupe une place éminente dans l'histoire de la latinité d'Istanbul. Sous la tutelle des Lazaristes, le lycée Saint-Benoît est l'une des six écoles françaises congréganistes du pays regroupées au sein de la Fédération des écoles catholiques françaises de Turquie.
Un des piliers de l'héritage éducatif francophone en Turquie, le lycée Saint-Benoît trouve ses origines au monastère Santa-Maria di Misericordia (dit Monastère de la Citerne de Péra), tenu par des sœurs bénédictines génoises à partir de 1362 à l'emplacement actuel du lycée, sur la rue Kemeralti à Galata. L'édification de ce monastère fut possible grâce à une concession accordée par l'Empereur byzantin Jean VI Cantacuzène une décennie plutôt aux Génois, afin qu'ils puissent remplacer la cathédrale Saint-Michel, ruinée par un incendie. A la demande du pape Urbain V, les frais de construction furent couverts par la République de Gênes. La seule partie du bâtiment actuel qui date de cette époque est le clocher, qui garde son style "croisade" avec son sommet crénelé.
Par ordre du pape Martin V, le monastère fut confié aux Bénédictins italiens du Mont-Cassin le 12 mai 1427 sous la direction du légat apostolique Francesco Spinola et prit alors le nom de San-Benedetto, connu simplement comme "l'église des Génois" par les habitants de la ville. Le 24 octobre 1450, l'établissement passa aux mains des bénédictins français dirigés par Dom Nicolas Meynet et devint alors une institution française sous le nom de Saint-Benoît. En 1540, avec l’accord du Sultan Soliman le Magnifique, François Ier accorda à Saint-Benoît le statut de chapelle d’ambassade et l'établissement entra alors sous la protection diplomatique de la France. En vertu de ce droit, les ambassadeurs de France nommèrent les économes et les recteurs de ce couvent.
Suite au départ des Bénédictins, l'église et le monastère Saint-Benoît furent confiés aux Dominicains entre 1555 et 1583.
Le traité d’Ankara de 1921, signé entre le gouvernement d’Ankara et la France, garantit la continuité des établissements scolaires, hospitaliers et religieux gérés par des congrégations françaises. Ceci fut confirmé lors de la conférence de paix à Lausanne et suite à un échange de lettres entre les délégations turque et française au moment de la signature du traité de Lausanne, le 24 juillet 1923. Dans cette lettre, le chef de la délégation turque İsmet İnönü disait: "J'ai l'honneur de déclarer au nom de mon gouvernement qu'il reconnaîtra l'existence des œuvres religieuses, scolaires et hospitalières, ainsi que des institutions d'assistance reconnues, existant en Turquie avant le 30 octobre 1914 et ressortissant à la France; il examinera avec bienveillance le cas des autres institutions similaires françaises existant de fait en Turquie à la date du traité de paix signé aujourd'hui, en vue de régulariser leur situation".
La loi turque de 1924 sur l’éducation nationale démontra la volonté du nouveau régime de mettre un ordre dans le monde éducatif, y compris les établissements étrangers en activité sur le sol national. La loi ordonna la suppression des signes religieux (comme des crucifix qui étaient jusqu'alors accrochés dans chaque classe, les représentations des saints et les statuettes), ainsi que des photos des chefs d’État ou de drapeaux étrangers dans les établissements scolaires. Face au refus de la direction de l'école d'appliquer la loi, le lycée fut fermé par le ministère le 7 avril 1924. Vu l'intransigeance des autorités turques, la direction fit marche-arrière et l'établissement a ouvert de nouveau ses portes le 20 octobre de la même année. Dans la foulée, les cours de catéchisme furent supprimés. Ces changements ont terni le caractère « français » et « catholique » de l’école, une tendance accélérée par le nombre croissant des musulmans qui composèrent la majorité des élèves à partir des années 1930. Toutefois le lycée préserva son influence dans le paysage culturel du pays, notamment par le biais de ses anciens élèves qui deviennent souvent des personnalités connues du secteur public et privé.
Lors des travaux en 1927, la cour principale fut cimentée et une salle de gymnastique fut aménagée. Une équipe de volley-ball vit le jour. L'école compte 664 élèves en 1927 et 732 en 1928. En 1929, l'église Saint-Benoît qui se situe à l’entrée de l’établissement et qui abrite les tombeaux du premier ambassadeur de France auprès de la Sublime-Porte (1535-1537) Jean de la Forest, l’Ambassadeur Jean de Gontaut-Biron, Baron de Salignac et du Prince François II Rákóczy, fut restaurée.
Suite à la loi fondamentale sur l'éducation nationale de 1931, qui interdit aux étrangers de gérer des écoles primaires, la section primaire ferma ses portes. Saint-Benoît commença alors à accueillir des diplômés des écoles primaires pour une durée de huit ans, dont deux premières années de préparatoire, trois de collège et trois de lycée, les diplômes délivrés par le lycée permettant d’accéder à la fois aux universités turques et françaises.
La loi de 1935 sur l’éducation privée exigea la fermeture des églises et des chapelles se trouvant à l’intérieur des écoles étrangères pendant la durée de la scolarité et interdit de porter tout vêtement religieux dans l'enceinte des écoles. Cette nouvelle règle, choquante pour certains pères et sœurs, poussa un certain nombre d'entre eux à quitter le pays. Cette loi ordonna en outre que les cours d’histoire, de géographie et du turc soient dispensés en langue turque et exclusivement par des enseignants turcs et musulmans. Les écoles étrangères eurent en outre l’obligation de nommer un directeur-adjoint turc et musulman qui devint en quelques sortes, le représentant de l’État turc au sein de l’établissement. Côté positif, la loi de 1935 autorisa aux écoles étrangères d’interrompre l’éducation pendant leurs jours religieux, d’où Saint-Benoît devint l’une des rares écoles en Turquie à fermer ses portes à l’occasion de Noël ou de Pâques. Les représentations théâtrales se font de plus en rares à cette époque, car il fallait désormais demander plusieurs semaines à l'avance une authorisation pour chaque représentation; une demande qui devait être accompagnée par le texte traduit en turc de cette pièce.
Le 30 mars 1953, la directrice de l'école des filles Soeur Anna Hubert et la mère supérieure des religieuses Soeur Marie-Sophie ont été blessées par balles par un individu les accusant de convertir sa soeur, qui étudie dans cet établissement et qui est de confession orthodoxe, au catholicisme.
L’internat fut fermé en 1974 mais le plus important changement survint en 1987, quand les établissements pour filles et garçons furent fusionnés. L’événement est symbolisé par la destruction du mur qui séparait jadis la cour principale. Saint-Benoît compte alors 1 600 élèves. Cette année est aussi marquée par la nomination du premier directeur français laïc, remplaçant le Père Yves Danjou.
Saint-Benoît privilégia non seulement l’apprentissage de la langue française mais aussi de la littérature française, soutenue par une étude approfondie étalée sur plusieurs années. Suite à un nouveau règlement et pour faciliter l’adaptation de ses élèves aux concours d’entrée en université, les matières de philosophie, de psychologie, de logique et de sociologie sont données en turc depuis 1991, mais les matières telles que les mathématiques, la biologie, la chimie ou le physique demeurèrent en français.
Les diplômés du lycée Saint-Benoît profitent d'un contingent spécial au sein de l'Université Galatasaray, établissement francophone créé en 1992.
En 1998, faute de remplaçantes pour les sœurs françaises qui partaient à la retraite, les religieuses de la compagnie italienne des Sœurs de la Charité de l'Immaculé Conception d'Ivréa, qui avaient dû abadonner récemment l'Hôpital italien d'Istanbul, sont venues épauler les Filles de la Charité au dispensaire. Ce dernier prit le nom officiel de Polyclinique Saint-Benoit le 20 août 2002 et reconnu comme tel par le Ministère de la Santé pour servir non seulement les élèves du lycée mais aussi comme un centre de soins pour les habitants du quartier. Les patients qui ne pouvaient pas rembourser leurs frais étaient pris en charge par Caritas Internationalis. Mais ni ce changement de statut ni l'aide précieuse des sœurs italiennes suffirent pour poursuivre l'œuvre de ce dispensaire, qui a finalement mis fin à ses activités le 15 novembre 2008.