Le MP 51 constitue la première génération au monde de métro sur pneumatiques. Surnommé Grand-Mère, cet unique véhicule expérimental a été commandé et testé par la RATP sur la voie navette du métro de Paris, de 1952 à 1956. Définitivement garé en 1961, il a rejoint les collections du musée des transports urbains en 1981.
La Grand-Mère a permis de valider le concept de roulement sur pneumatiques pour un matériel roulant du métro, aux performances très supérieures aux anciens matériels sur fer. Cette technologie est employée depuis sur cinq lignes parisiennes et plusieurs réseaux de métro à travers le monde.
Cette rame a également servi de support pour le prototype d'un système de pilotage automatique, déployé depuis sur la quasi-totalité des lignes avec conducteurs du réseau parisien.
L’idée d'utiliser les pneumatiques sur des trains date du début du XXe siècle. En effet, un roulement sur pneumatiques permet une adhérence trois fois supérieure au roulement sur fer, avec de meilleures accélérations et un meilleur freinage. Cette différence est telle que le roulement sur fer ne pourra prétendre à des performances honorables en comparaison que vers la fin des années 1960, en particulier grâce à l'adhérence totale, où tous les essieux sont motorisés.
Dès 1929, la société Michelin a l'idée d'entourer les bandages des roues métalliques de pneumatiques et met au point le pneurail. Des prototypes sont construits aux usines de Clermont-Ferrand et divers essais sont entrepris sur la ligne du Mont-Dore.
Au début des années 1930, Michelin entreprend des essais pour le métro, avec un chariot guidé par un rail central. Mais la nécessité de jumeler les roues, à cause de la charge très importante qui augmente les frottements dans les courbes — particulièrement nombreuses et de faible rayon sur le réseau parisien —, fait finalement abandonner les essais. Michelin s’emploie néanmoins, pour des raisons évidentes de nouveaux marchés, à développer le concept pour le chemin de fer. Un premier autorail sur pneumatiques est mis en service en janvier 1931 sur la liaison de Paris à Deauville. Il ouvre la voie aux fameuses Michelines, utilisées notamment vers Deauville et Clermont-Ferrand. En 1949, l’entreprise donne naissance aux trains sur pneumatiques, avec des voitures de grandes lignes qui circulent entre Paris et Strasbourg puis entre Paris et Bâle.
Mais les expérimentations ne durent que quelques années, les véhicules se révélant trop complexes. Le pneumatique repose sur la surface très réduite du rail et voit sa charge très limitée, ce qui impose d’alléger au maximum les voitures et de concevoir des bogies à essieux multiples afin de répartir la charge.
La seule solution semble de faire reposer le poids des véhicules non sur les rails, mais sur des pistes adaptées à des pneumatiques plus larges. Or dès 1929, un système de ce type est expérimenté aux environs de Gênes, en Italie. En effet, le Santuario della Guardia, situé au sommet d’une colline de 804 mètres d'altitude, est desservi par une route guidée (« guidovia (it) »), à l’aide d’autorails équipés de quatre roues en bandages pleins, roulant sur des pistes extérieures à la voie ferrée. Le guidage demeure assuré par les boudins de roues en acier. Cette exploitation se maintiendra jusqu’en 1967.
L'exceptionnelle fréquentation du réseau parisien durant la Seconde Guerre mondiale commence à se résorber à partir de 1947. Mais à la même époque apparaît le phénomène des pointes de trafic le matin et le soir, qui concentrent un trafic très élevé sur de courtes périodes. Il devient alors indispensable d'accroître significativement la capacité de transport des lignes afin de réduire leur saturation croissante.
Un métro nécessite des démarrages rapides et des freinages puissants, qui permettent d'accroître la capacité d'une ligne en réduisant l'intervalle entre deux rames. La solution classique aurait été la production de rames à adhérence totale et freinage rhéostatique, en cours de généralisation sur d'autres réseaux. Mais l'idée d'utiliser des pneumatiques pour un réseau métropolitain demeure dans les esprits des techniciens français. C'est cette voie qui est privilégiée, le matériel à adhérence totale étant estimé trop onéreux. De plus, le roulement sur pneumatiques permet de réduire le bruit et les vibrations, ce qui est particulièrement important pour un réseau urbain en tunnel.
Mais le métro de Paris nécessite des pneus plus petits que sur le réseau ferroviaire principal, pour des raisons à la fois de gabarit et de courbes. L'étude d'un concept équivalent n'est ainsi rendu possible qu'avec l'arrivée des pneus à armature métallique dans les années 1950, pneus pouvant supporter quatre tonnes avec un diamètre de moins d'un mètre. Les services techniques de la toute nouvelle régie autonome des transports parisiens (RATP), créée en 1949, estiment qu'il est préférable d'assurer le guidage des véhicules par des roues munies de pneumatiques, et non par les boudins de roues métalliques, afin de réduire le plus possible le bruit des trains en tunnel. Un bogie très particulier est alors élaboré selon ces principes.
La RATP décide alors de commander et tester un prototype, le MP 51, qui devient le premier métro sur pneumatiques au monde. Celui-ci est guidé par des roues horizontales prenant appui sur deux barres latérales de guidage, une des barres servant également à l'alimentation électrique. Un essieu métallique classique de chemin de fer assure le guidage au passage des aiguillages ou en cas de crevaison, seuls cas pour lesquels ils sont en contact avec la voie ferrée ordinaire. Les roues en acier tournent en situation normale à quelques centimètres au-dessus des rails. Les quatre roues par bogie équipées de pneumatiques sont placées de part et d'autre des essieux en acier, et circulent sur des pistes de roulement en azobé, placées de chaque côté des rails.
Le prototype est fabriqué à Creil par un consortium de constructeurs français et parvient à la RATP le 25 juillet 1951. Il est présenté aux pouvoirs publics et à la presse les 12 et 14 novembre 1951.
Parallèlement, la voie navette entre Porte des Lilas et Pré Saint Gervais est transformée pour le roulement sur pneus. En effet, cette voie est inutilisée en service commercial depuis 1939 et sert pour la formation des conducteurs. Longue de 770 mètres, elle possède des caractéristiques idéales pour les divers tests prévus, avec une courbe serrée de soixante-quinze mètres de rayon et une rampe de 40 ‰ sur trois cents mètres.
Le MP 51 est envoyé sur la voie navette où les essais d'endurance sont engagés. Ils se révèlent plus que concluants : le bruit de roulement est plus faible que celui des matériels sur fer, les accélérations et freinages considérables atteignent 1,45 m/s2 et ne sont limités que par le confort des voyageurs. L'adhérence des pneumatiques évite les risques d'enrayage ou de patinage, et permet des performances excellentes pour l'époque : les accélérations atteignent 2 m/s2 et le freinage d'urgence 5 m/s2. Ces valeurs sont toutefois inexploitables en service commercial, car incompatibles avec le confort des voyageurs.
Pour parfaire les essais, diverses situations dégradées sont provoquées afin de déterminer leur impact : le véhicule roule avec un pneu porteur dégonflé ou surgonflé, une roue totalement bloquée, sur divers objets abandonnés sur les pistes de roulement etc. Si les pneus sont crevés, la sécurité est néanmoins assurée car la rame prend alors appui sur le rail grâce aux essieux classiques avec roues en acier. Le danger d'éclatement des pneus ou d'incendie apparaît pratiquement nul.
Le MP 51 semble tout à fait fiable aux ingénieurs de la régie. Il est en conséquence utilisé quotidiennement en service voyageurs sur la voie navette de 13 h 30 à 19 h 30, du 13 avril 1952 au 31 mai 1956. Il ne s'agit pas d'une remise en service commercial de cette voie, l'exploitation étant suspendue les jours de révision de l'automotrice. Le trafic demeure d'ailleurs très faible, essentiellement constitué de curieux et d'enfants des écoles. Il est régulièrement proposé à un voyageur, souvent un enfant, de conduire le métro : celui-ci enclenche le pilotage automatique que la RATP teste également lors de ces essais. Des capteurs sont placés sous le véhicule et reçoivent un programme, envoyé par le biais d'un courant alternatif diffusé par un fil situé sur la voie, dessinant une grecque à pas variable.
De 1956 à 1961, le MP 51 fait encore l'objet de divers essais, avant d'être définitivement garé. Le pilotage automatique est quant à lui déployé sur le reste du réseau à partir de 1966.