Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon | |
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Surnom(s) | Madame de Maintenon |
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Naissance | 27 novembre 1635 prison de Niort |
Décès | 15 avril 1719 (à 83 ans) Saint-Cyr-l'École |
Nationalité | Française |
Françoise d’Aubigné, épouse puis veuve de Paul Scarron, faite marquise de Maintenon, est une dame Française des XVIIème et XVIIIème siècles. Elle est née le 27 novembre 1635 à la prison de Niort et décédée le 15 avril 1719 à la Maison royale de Saint-Louis de Saint-Cyr-l'École dont elle est la fondatrice.
Gouvernante des enfants naturels de Louis XIV (1638–1715), roi de France et de Navarre, elle devint secrètement son épouse après la mort de la reine (1683), attirant à elle autant la flagornerie que la haine de la cour et de la famille royale.
Françoise d’Aubigné est née le 27 novembre 1635 à la prison de Niort, geôle de son père Constant d'Aubigné, incarcéré pour dettes. Constant d’Aubigné était le fils du célèbre poète et ami d'Henri IV, Agrippa d’Aubigné. Il avait abjuré sa foi protestante en 1618, assassiné sa première femme en 1619, puis rapidement dépensé la dot de sa deuxième femme. Ses relations d'affaires avec les Anglais sont à l'origine des suspicions d'intelligence avec l'ennemi qui le font enfermer à la prison de Bordeaux puis de Niort.
Françoise d'Aubigné passe les premiers mois de sa petite enfance, lorsque son père sort de prison de Niort, après la mort du cardinal de Richelieu, chez Mme de Villette, sa tante huguenote, au château de Mursay, au nord de Niort. Elle passe les douze années suivantes à la Martinique, dont elle garde un souvenir très fort, transmis à ses futurs époux, l'humoriste Paul Scarron puis le roi de France Louis XIV, qui décide dès 1674 de donner un coup d'accélérateur à la culture du sucre en Martinique puis à Saint-Domingue.
Le nom de son père est cité dans un premier voyage un an plus tôt, celui de 1635 avec Pierre Belain d'Esnambuc, fondateur du village de Saint-Pierre en Martinique en 1635. Le couple part en 1636 pour Saint-Christophe, d'où il gagne la Martinique. Françoise vit avec ses parents dans le village du Prêcheur, le premier où est arrivé d'Esnambuc, tout près de Saint-Pierre, à l'extrémité nord-ouest de la Martinique, exposé aux attaques incessantes des Indiens de l'île de la Dominique.
Officiellement, son père est gouverneur de la toute petite île de Marie-Galante, toute proche. Mais ce titre ne lui est pas reconnu et il n'a pas les moyens de la valoriser. L'île est alors vierge et doit en principe gouverner la Martinique, elle-même couverte aux neuf dixièmes de forêts, où Indiens et boucaniers font la loi. La famille de Françoise survit en fait dans la pauvreté, alors que la Barbade anglaise, non loin accède bientôt à la richesse. Ce séjour de douze ans lui vaudra le surnom de « Belle Indienne ». Il s'achève à l'époque où les Martiniquais tentent sans succès d'introduire la culture de la canne à sucre, qui s'avère très rentable à la Barbade dès les années 1640, et entraîne l'éviction des planteurs de tabac. À son retour en France, en 1647, Françoise découvre la mort de son père, parti en 1645 chercher à faire reconnaître son titre de gouverneur.
De retour en France, Françoise perd très vite aussi sa mère, qui vit dans la quasi-misère et doit faire des procès à la famille de son père. Elle est à nouveau prise en charge par sa marraine de Niort, Mme de Villette, protestante notoire. Mme de Neuillant, amie de la Reine mère, d'origine espagnole la récupère pour la reconvertir au catholicisme et abjurer sa foi calviniste par la force, avant de la placer au couvent des Ursulines de Niort, puis chez les Ursulines de la Rue Saint-Jacques à Paris. Elle y rencontre le chevalier de Méré, qui se prend d'affection pour celle qu'il nomme "la jeune indienne".
Quatre ans après son retour en France, en avril 1652, à l'âge de seize ans, Françoise d'Aubigné, sans le sou mais jolie et sage, épouse l'écrivain humoriste Paul Scarron, de vingt-cinq ans son aîné et gravement handicapé, protégé de Madame de Neuillant, alors gouvernante des filles d'honneur de son amie la reine mère Anne d’Autriche. Fêtard et cultivé, ami de nombreux artistes, Scarron est partiellement paralysé depuis un bain nocturne dans la Seine en hiver. Il propose à une Françoise orpheline, sans le sou et fragilisée, de payer pour qu'elle puisse intégrer un couvent, ou de l'épouser.
"La belle Indienne" influence la deuxième partie de l'œuvre de Paul Scarron, qui fera ensuite fréquemment référence à la nécessité d'aller aux Indes et à la Martinique. L'humoriste a très sérieusement investi 3 000 livres dans une société commerçant avec la Martinique. Pour faire plaisir à sa jeune épouse, Scarron accepte aussi d'enlever de son œuvre des répliques trop grivoises.
Madame Scarron devient l’animatrice du salon ouvert par son mari, très fréquenté par les écrivains de l'époque. Dès lors, elle se tisse un solide réseau de relations avec les beaux esprits du Marais parmi lesquels se trouvent Françoise 'Athénaïs' de Montespan, Ninon de Lenclos, Bonne d'Heudicourt et bien d'autres.
En 1660, alors qu'elle a vingt-cinq ans, Scarron qui lui avait inculqué une grande culture, meurt en ne lui léguant que des dettes. De son mariage, Françoise avait gagné l’art de plaire et en avait conservé les relations; ainsi, Anne d’Autriche, sollicitée par des amis communs, accorda à la veuve Scarron une petite pension. À la mort de la reine mère, sa pension est rétablie grâce à Mme de Montespan, non encore favorite ; les deux femmes s'étaient rencontrées chez le maréchal d'Albret, cousin par alliance de Mme de Montespan et proche de Scarron. Si Mme de Montespan pensa à elle pour devenir la gouvernante des bâtards royaux, c'était parce que la veuve Scarron avait su la divertir et qu’elle était discrète, mais aussi et surtout parce que Françoise savait bien que l’on gagnait toujours à servir le Roi.
En 1669, sur la proposition de Mme d'Heudicourt, elle accepte la charge de gouvernante des enfants illégitimes du roi et de Mme de Montespan, alors qu’elle vient de refuser d'être la dame de compagnie de Marie Françoise de Savoie-Nemours, reine du Portugal. Elle s’installe donc à proximité de la capitale dans le village de Vaugirard, y vit dans la plus grande discrétion et y rencontre pour la première fois le roi qui s’y aventurait pour voir ses enfants.
Celui-ci, qui ressent beaucoup d'affection pour ses enfants adultérins, constate l'attention maternelle dont la veuve Scarron entoure ses petits protégés. Lors de la mort de l'aîné d'entre eux, remarquant le chagrin et les larmes de la nourrice de ces enfants, il confie à un proche : "Comme elle sait bien aimer, il y aurait du plaisir à être aimé d'elle".
Elle réapparaît à la cour en 1673 lors de la légitimation des bâtards royaux (enfants dont le nom de la mère reste officiellement inconnu).
Madame de Maintenon acquiert en 1674, l'année de la dissolution de la Compagnie des Indes occidentales, la nouvelle ferme du tabac, un monopole fiscal sur les 2,5 millions de livres produites annuellement à Saint-Domingue, qu'elle revend rapidement à un consortium de financiers mené par le banquier Antoine Crozat, futur entrepreneur de la Louisiane.
Le 27 décembre 1674, elle achète pour 150 000 livres, avec l'argent de sa revente, le château et le titre de Maintenon à Françoise d’Angennes épouse Odet de Riantz, marquis de Villeroy, héritière de Charles François d’Angennes,marquis de Maintenon, qui fut gouverneur de Marie-Galante (le titre qu'avait convoité le père de Françoise) et qui devient l'année suivante l'un des chefs des flibustiers aux Antilles pendant deux ans, avant de pourchasser ces mêmes flibustiers pour le compte du Roi, puis devenir le plus riche planteur de la Martinique, dans le village même où avait habité Françoise, au nord de Saint-Pierre de la Martinique. Les enfants bâtards du roi, d'abord élevés à Vaugirard, le sont ensuite dans le château de Maintenon. L'un d'eux accompagnera en 1691 Cavelier de la Salle dans l'expédition de trois navires en Louisiane, qui se termine par un fiasco.
Les traces écrites de sa véritable relation avec le roi la font remonter à 1675, même s'ils se sont rencontrés dès 1669. D’ailleurs, Louis XIV écrivit dans son journal « il y a quelques jours, un gentilhomme de gris vêtu, peut-être un prince errant incognito, entreprit durant la nuit une nymphe égarée dans le parc de Saint-Germain. Il savoit le nom de cette nymphe, qu’elle étoit belle, bonne, pleine d’esprit mais sage. La nymphe cependant se laissa faire et ne lui refusa aucune faveur. Cette nymphe ressemblait à s’y méprendre à Mme Sc. ; et je crois deviner qui étoit le prince vêtu de gris. Ce prince est comme moi, il déteste les femmes légères, il honnit les prudes, il aime les sages. » Sa faveur commença à se déclarer lorsque, en 1675, le roi la nomma « marquise de Maintenon ».
Elle s’acquitta avec succès de sa tâche puisque le roi lui conféra en 1680, la charge de « dame d’atour » de la dauphine Marie-Anne de Bavière. C’est à l’occasion de cette charge qu’elle se rendit à Barèges pour soigner le duc de Maine, franchissant le col du Tourmalet en 1675. Par la suite, tout s'accéléra, sa faveur grandit, elle forma avec le roi le vrai couple parental des bâtards, dont l'aîné, titré duc du Maine faisait les délices.
La disgrâce progressive de Madame de Montespan, compromise dans l’affaire des poisons, la mort en couches de Mademoiselle de Fontanges, dernière favorite du roi (qui avait l'âge d'être sa fille) puis, le 30 juillet 1683, celle de la reine Marie Thérèse d'Autriche (1638-1683) mettent fin au cas de conscience qui se posait à Mme de Maintenon concernant sa relation avec Louis XIV et lui permettent de prendre un ascendant grandissant sur le roi. Celui-ci, éternel amoureux, a besoin d'une femme, mais sa « conversion » l'incite à fuir le péché de la chair. Ne voyant pas d'utilité en une union politique avec l'infante Isabelle du Portugal ou la princesse Anne-Marie-Louise de Toscane, pourtant citées comme favorites pour le trône, le roi penche vite pour un mariage d'inclination avec celle qu'il aime raisonnablement.
Avec le soutien actif de l'Église de France, Françoise d'Aubigné, veuve Scarron, et âgée de près de cinquante ans, épouse secrètement, dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683, le roi de France et de Navarre, « le plus grand roi du monde » selon les dires de Louvois. Ce mariage morganatique ne restera secret que pour le peuple. À la Cour, l'on sait bien ce qu'il en est : le roi passe une grande partie de son temps dans les appartements de sa femme et, lorsque madame de Maintenon se déplace en chaise à porteurs, les princesses doivent suivre immédiatement derrière. Ce qui fera dire à Madame de Maintenon : « Mon bonheur est éclatant ».
Mme de Maintenon fait planer sur la cour à la fin du règne de Louis XIV une ère de dévotion et d'austérité. On lui prête une grande influence sur le roi et sur la Cour, notamment concernant la décision ayant conduit à la révocation, en 1685, de l’édit de Nantes, qui provoqua l’exode d'une grande partie des protestants, ou l’incitation au déclenchement de la guerre de Succession d'Espagne en 1701. Les historiens se sont beaucoup interrogés sur le rôle effectif joué par Mme de Maintenon, accusée de tous les maux. En ce qui concerne précisément la révocation de l'édit de Nantes par l'édit de Fontainebleau, l'ensemble des historiens souscrit aujourd'hui à la démonstration résumée par François Bluche dans sa biographie de référence sur le grand roi :
« La marquise de Maintenon se réjouit des conversions, quand elles lui semblent le résultat de la persuasion et de la douceur. Mais elle répugne à la contrainte envers ses anciens coreligionnaires. Seules une polémique outrancière, puis une légende sans fondement pourront faire croire qu'elle ait encouragé le monarque à la dureté. »
De fait, la révocation de l'Édit de Nantes n'était que la dernière phase d'un processus de normalisation religieuse que le roi avait commencé quelques années plus tôt avec les dragonnades et les missionnaires chargés de convertir les protestants de gré ou de force.
Il est sûr que son statut ambigu (elle était une simple mondaine en public, reine en privé, mais aussi collaboratrice, belle-mère et belle grand-mère) fut source pour elle d'une grande tension psychologique. Peu aimée de la famille royale, elle le fut encore moins des courtisans et du peuple qui lui prêtaient un pouvoir disproportionné et voyaient en elle le « mauvais génie » de Louis XIV.
Trois jours avant la mort du roi en 1715, Madame de Maintenon se retire jusqu'à sa propre disparition à Saint-Cyr dans la Maison royale de Saint-Louis, maison d'éducation pour jeunes filles nobles et désargentées fondée en 1686, où elle reçoit la visite du tsar Pierre le Grand (qui était "venu voir tout ce qui en valait la peine en France"). En 1793, la Maison royale devint un hôpital militaire pour finalement accueillir, de 1808 à 1940, l’École spéciale militaire de Saint-Cyr et, depuis les années 1960, le lycée militaire de Saint-Cyr.