En 1934, Madeleine Charnaux, encore amateur, tente sur un Miles Hawk, avec une passagère, de battre le record de vitesse aux douze heures d'Angers. Encore débutante, elle est largement surclassée par des pilotes tels que Hélène Boucher, débutante elle aussi mais déjà connue et reconnue dans le monde de l'aviation, et qui après une carrière fulgurante, trouvera la mort cette même année. D'autres pilotes de renom participent à cette course comme Legendre et Signerin (tué en vol en 1934), Lacombe et Trivier, Arnoux et Brabant.
Hélène Boucher part la première, rattrapée au cours de la quatrième heure de course par Lacombe. Puis c'est l'heure d'avitailler. Presque aussitôt on redécolle, Lacombe toujours en tête est suivi de près par Hélène Boucher. Les deux pilotes opèrent des virages serrés et volent bas tandis que les autres concurrents, moins téméraires, optent pour une altitude plus élevée et des virages plus larges.
Arrive la douzième heure de course. Hélène se pose, vaincue de quelques secondes par Lacombe. Elle a battu tout de même deux records de vitesse sur 1000 km. Trois femmes finissent le parcours : Hélène Boucher, Madeleine Charnaux et Viviane Helder (plus certainement Viviane Elder).
Madeleine Charnaux, après quelques voyages en Afrique du Nord, entrainée par Maurice Arnoux, bat deux records d'altitude, Elle se fait engager par Caudron-Renault en tant que professionnelle. Elle fait partie de l'Escadrille qui représente la marque au cours d'un Tour de France. On lui a confié un appareil de tourisme : le "Luciole" mais Madeleine Charnaux s'ennuie, elle regrette le temps où elle volait jusqu'en Afrique.
A la fin du Tour de France, au sol, elle chute de l'aile de son avion et, blessée, doit rester alitée plusieurs mois. Elle cesse de voler pendant plus d'un an.
Un avion qui l'attendait chez Potez pendant son absence est confié à Maryse Hilsz. Celle-ci bat le record d'altitude féminin et le porte à 14 000 m. La même adversaire tente de piloter les Caudron pour battre des records de vitesse et manque de se tuer à bord d'un Caudron Rafale. Éjectée de la carlingue elle déploie son parachute au-dessus de l'étang de Berre. Maryse Hilsz, la championne, n'insistera pas : cet avion n'est pas fait pour elle, elle se lance dans records de distance.
Dès les débuts de l'aventure, quand Hélène Boucher était venue frapper à sa porte pour piloter le Caudron Rafale, le patron de Renault avait hésité à employer une femme à cause de la mauvaise publicité que pourrait provoquer la mort d'une aviatrice comparée à la mort d'un aviateur. Mais il a engagé Hélène Boucher... qui se tue en 1934 aux commandes de son Caudron Rafale. Puis il y a eu l'accident de Hilsz. Renault décide alors de ne plus employer de femmes pilotes.
1936. Madeleine Charnaux ne se décourage pas. Elle assiste au quinzième salon du Bourget où elle revoit Maryse Bastié, son aînée, et l'équipe Caudron-Renault dont elle a fait partie si peu de temps... Sa motivation grandit. Si personne ne veut lui confier d'avion, elle en achètera un. Elle acquiert un appareil identique à celui sur lequel s'est tuée Hélène Boucher deux ans auparavant. On eut beau la mettre en garde, rien n'y a fait. L'aviatrice Amy Johnson a tenté elle aussi de décourager Madeleine Charnaux. L'engin est fabriqué sur mesure, seuls six exemplaires sont sur le marché, le prix n'est pas exorbitant. Mais cet avion est un défi en lui-même, il a déjà trois morts à son actif. L'appareil demande une grande finesse dans le pilotage. Cette finesse, Maryse Hilsz n'en a peut-être pas fait preuve. En 1934, on lui avait d'ailleurs préféré Hélène Boucher. En effet, Riffard, l'ingénieur du Rafale, considérait qu'une championne expérimentée, ayant battu des records d'altitude, aurait du mal à perdre ses habitudes pour faire de la vitesse, ce qui pourrait lui être fatal. Quant à Hélène Boucher, c'était une débutante et on s'attendait à ce qu'elle fasse des merveilles. Après un test surprise c'est elle qu'on avait engagée.
L'hiver de l'année 1936 arrive et Madeleine Charnaux s'entraine sur son Rafale. Madeleine Charnaux est abandonnée par ses pairs et ses confrères, trop marqués par la mort d'Hélène Boucher et l'accident de Maryse Hilsz. Ils l'ont presque oubliée. Mais elle se prépare calmement tout en poursuivant son lent rétablissement. Elle vole sur des distances de cent et deux cents kilomètres et envisage aussi de plus longues distances comme le mille et le deux mille kilomètres. Elle s'entraîne sur le plateau d'Étampes, des lieux qui ont connu les débuts de l'aviation en 1910 et le haut lieu de la voltige aérienne. Elle vole en fin de matinée quand les cieux sont libérés de la plupart des acrobates.
En 1937, Madeleine Charnaux est la première aviatrice à obtenir un brevet de pilotage sans visibilité.
Madeleine Charnaux s'entraîne heure après heure sur le parcours qu'elle devra accomplir à la vitesse la plus élevée possible entre des balises. Pour le cent et le mille kilomètres, ces balises sont placées à Villesauvage et La Marmogne qu'elle n'arrive pas à bien localiser ; après plusieurs vols, un homme qui en connaît la localisation se propose de l'accompagner. La balise, détrempée par les intempéries n'est, à sa décharge, que peu visible. Comme Hélène Boucher, elle placera un repère dans un champ voisin pour être sûre de ne pas manquer la balise.
Le jour du record arrive. C'est un soir de mai. Elle installe sa passagère et décolle. Elle parcourt cent kilomètres en quelques minutes et bat un premier record en biplace. Ensuite elle repart seule et bat de nouveau les records établis.
Elle a ainsi battu cinq records. Maryse Bastié lui remet la croix de la Légion d'honneur à Orly.
Elle s'entraîne maintenant pour le mille et ses amis sont revenus. Elle baptise le Rafale « Long Museau ». Elle espère battre de nouveaux records, pour que Renault revienne sur sa décision et lui confie un nouveau Caudron.
On est en septembre 1937. Elle parcours le trajet Villesauvage - La Marmogne dix fois aller et retour et est encore couronnée de succès. Il s'en est fallu de peu : l'examen du moteur révèle une fuite à un joint de culasse.
Elle fut la propriétaire du Caudron immatriculé F-ANAR, précédemment possédé par Henri Bouquillard.
Elle se préparait pour le deux mille kilomètres quand la guerre éclate. Affaiblie par la turberculose elle meurt en 1943.