Padre Padrone est un film italien réalisé par Paolo Taviani et Vittorio Taviani, sorti en 1977, adapté du roman éponyme de Gavino Ledda (Padre padrone : l'educazione di un pastore, Milan, Feltrinelli, 1975 ; trad. fr. Paris, 1977) . Le titre signifie littéralement « le père-patron. »
Synopsis
Dans la Sardaigne profonde des années 1940, le petit Gavino ne peut aller à l'école que deux mois par an ; le reste de l'année, il doit aider son père à garder les animaux.
Il grandit ainsi dans l'isolement, loin de la société humaine. C'est grâce au service militaire à l'âge de 21 ans qu'il peut échapper à l'emprise de son père. Il apprend à lire, ce qui est pour lui une révélation (il deviendra linguiste), et en sortant de l'armée, il rejette le rapport de quasi-esclavage imposé par son père.
Distribution
Omero Antonutti : Le père
Saverio Marconi : Gavino
Marcella Michelangeli : La mère
Fabrizio Forte : Le jeune Gavino
Marino Cenna : le jeune berger
Stanko Molnar : Sebastiano
Gavino Ledda : lui-même
Nanni Moretti : Cesare
Fiche technique
Titre : Padre Padrone
Réalisation : Paolo Taviani et Vittorio Taviani
Scénario : Paolo Taviani et Vittorio Taviani d'après le roman autobiographique de Gavino Ledda
L'ouvrage de Gavino Ledda n'était pas encore paru, lorsque les frères Taviani prirent connaissance, par la presse, de la nouvelle de l'expérience remarquable de ce berger sarde, totalement coupé de la civilisation urbaine et demeuré analphabète jusqu'à l'âge du service militaire. Gavino, après avoir appris à compter, lire et écrire, avait entrepris des études en linguistique et s'était même permis d'arracher un diplôme lui permettant d'enseigner cette discipline. Les réalisateurs italiens éprouvèrent, à l'égard du personnage, une empathie immédiate. "Ledda est quelqu'un qui a vécu dans le silence et qui, comme rébellion, comme révolte contre le monde, comme moyen d'affirmation personnelle, utilise l'instrument son, l'instrument communication. (...) En un certain sens, nous l'avons senti frère. (...) Chose étrange, cet épisode qui était l'autobiographie d'un berger devenait également notre propre autobiographie, aujourd'hui. Nous nous sommes mis immédiatement à travailler sur ce projet et nous avons lu le livre dès sa parution", dit Paolo Taviani.(entretien au pluriel, Jean A. Gili, Institut Lumière/Actes Sud)
Pourtant, ajoute paradoxalement Vittorio Taviani, "quand nous avons lu le livre, nous avons eu une double réaction, d'une part un sentiment d'adhésion comme lecteurs, (...) d'autre part, un sentiment de répulsion parce que le livre, précisément parce qu'il était assez achevé dans sa forme littéraire, était conclu et d'une certaine manière il nous excluait."
Dans une interview à Cinéma 77 (n° 224/225), les frères Taviani s'expliquent plus clairement ainsi : "Pour transposer (le livre de Gavino Ledda) au cinéma, il nous fallait le détruire. (...) Notre film ne pouvait résulter que du choc entre la personnalité de Gavino et la nôtre, justement dans la forme de son langage. Il s'agissait donc de détruire le livre et de le recomposer à l'écran."
Vittorio Taviani décrit le processus de recomposition, de cette façon : "Le livre se déroule selon une progression horizontale, chronologique ; au contraire, le film tend à une synthèse dramaturgique dans laquelle le temps et l'espace sont vraiment contractés en séquences clés ; (...)" (entretien au pluriel, Jean A. Gili)
Padre Padrone est, sans aucun doute, le film qui a permis aux frères Taviani d'élargir leur audience. L'attribution d'un prix suprême au Festival de Cannes y a évidemment beaucoup contribué, mais d'autres facteurs ont favorisé la nette reconnaissance publique du talent des cinéastes italiens. Contrairement aux films précédents, Padre Padrone conte une destinée personnelle moins directement impliquée dans une problématique idéologique particulière : le film revêt un caractère d'universalité. Ensuite, l'utopie, thème cher aux frères Taviani, se dégage de son caractère symbolique, pour devenir moteur de réalisation concrète : ici le berger s'affranchissant de son état de semi-esclavage, grâce à l'apprentissage et à l'exercice indépendant du choix d'un métier.
La nomination de Roberto Rossellini, figure hautement respectée des frères Taviani, comme président du Jury du Festival de Cannes en 1977, a vraisemblablement pesé dans le choix final des jurés. Ainsi donc, le réalisateur de Paisà et Rome, ville ouverte jouera, pour la deuxième fois, un rôle déterminant dans la carrière des frères Taviani.