Le paradoxe du singe savant est un théorème selon lequel un singe qui tape indéfiniment et au hasard sur le clavier d’une machine à écrire pourra « presque sûrement » écrire un texte donné. Dans ce contexte, « presque sûrement » est une expression mathématique avec un sens précis et le singe n'est pas vraiment un singe mais une métaphore pour un mécanisme abstrait qui produit une séquence aléatoire de lettres à l'infini. Le théorème illustre les dangers de raisonner sur l'infini en imaginant un très grand nombre, mais fini, et vice versa. La probabilité qu'un singe tape avec exactitude un ouvrage complet comme Hamlet de Shakespeare est si minuscule que la chance de se produire au cours d'une période de temps de l'ordre de l'âge de l'univers est minuscule, mais pas nulle.
Des variantes de ce théorème incluent plusieurs, voire un nombre infini, de dactylographes et le texte à écrire passe d'une simple phrase à tous les livres d'une bibliothèque. En France on parle de tous les livres de la Bibliothèque nationale de France, en anglais de tous l'œuvre complète de William Shakespeare. On trouve des traces de ce genre de déclaration dans les œuvres d'Aristote, Blaise Pascal et Jonathan Swift jusqu'à son évolution vers la version avec un dactylographe,
Le résultat fut présenté par Émile Borel en 1909 dans son livre de probabilités. Ces « singes » ne sont pas des singes réels, et ne se comportent pas comme de vrais singes ; ils sont plutôt une métaphore vivante pour une machine abstraite à produire des lettres dans un ordre aléatoire, par exemple un ordinateur ou un générateur aléatoire connecté à une imprimante.
D'après une formulation populaire du théorème, une infinité de singes dactylographiant pendant une durée infinie produiront un texte donné. Insister sur les deux infinis est cependant excessif. Un seul singe immortel qui tape indéfiniment dactylographiera n'importe quel texte fini, et même obtiendra ce texte une infinité de fois.
Sans tenir compte de la ponctuation, ni des espaces, ni de la casse, un singe a une chance sur 26 de dactylographier correctement la première lettre du mot Hamlet. Il a une chance sur 676 (26 fois 26) de dactylographier les deux premières lettres. Puisque la probabilité diminue exponentiellement, pour 20 lettres elle ne sera seulement que d’une chance sur 2620 = 19 928 148 895 209 409 152 340 197 376, à peu de choses près égale à la probabilité d'acheter consécutivement 4 billets de loterie et de gagner le gros lot à chaque fois. Dans le cas du texte entier de Hamlet, les probabilités sont tellement négligeables qu’elles sont difficilement représentables pour un homme. Le texte de Hamlet, même dépouillé de toute ponctuation, contient bien plus de 130 000 lettres. On peut estimer la probabilité de pour un singe tapant au hasard d'obtenir le texte de Hamlet à environ 1/(5*10^267000). C'est un chiffre commençant par 0, suivi d'une virgule et de 267 000 zéros environs avant le premier chiffre différent de zéro.
Gian-Carlo Rota écrivit dans un manuel de probabilité (inachevé lorsqu’il mourut) :
« Si le singe pouvait taper sur son clavier une touche par nanoseconde, alors la durée d'attente pour que le singe dactylographie complètement Hamlet serait si longue que l’âge estimé de l’univers paraîtrait insignifiant par comparaison… et ce n'est pas une bonne méthode pour écrire les pièces de théâtre. »
En physique, la force de l' « argument de singes » ne se situe pas dans la probabilité pour que les singes produisent éventuellement quelque chose d’intelligible, mais dans la réalité pratique qu'ils ne le feront jamais (et que même s'ils en faisaient une partie, il serait impossible de l'identifier comme telle). N'importe quel processus physique moins probable que la réussite de tels singes, est dans le cours d'une vie humaine, et parfois même relativement à l'âge de l'univers, impossible ; c'est là une base statistique liée au second principe de la thermodynamique.