Que la science justifie un recours à l'idéographie - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Introduction

Que la science justifie un recours à une idéographie est un article de Gottlob Frege publié en 1882 dans le Zeitschrift für Philosophie und philosophische Kritik. À travers ce texte de seulement quatre pages, le logicien et philosophe de Iéna se propose de montrer pour quelles raisons une écriture idéographique est nécessaire dans les sciences abstraites.

Utilité et insuffisance du langage naturel

Frege commence par développer les deux thèses suivantes :

  • « Les sciences abstraites ont besoin [...] d'un moyen d'expression pour prévenir les erreurs d'interprétation et les fautes de raisonnement. »
  • « Nous avons besoin de signes sensibles pour penser. »

La premiere thèse se justifie tout au long de l'article : déterminer quelle est la nature de ce moyen, et justifier ce moyen qu'est l'idéographie, c'est l'objectif de l'article. La seconde thèse sert de point de départ à cette justification. Mais dès la formulation de ces thèses dans les premières lignes, la problématique de Frege transparaît : si nous pensons avec des signes, nous nous trompons également en les utilisant ; quelles sont alors les erreurs que nous faisons et quels sont les signes tels qu'ils puissent nous en détourner ? Mais, en outre, pouvons-nous déterminer la nature de ses signes ?

Nous avons besoin de signes sensibles pour penser

Il est, selon Frege, nécessaire de rechercher un moyen d'expression qui permette d'éviter deux types d'erreur : les erreurs d'interprétations, et les fautes de raisonnement. Or, ces deux types d'erreurs sont causées par l'imperfection du langage, mais c'est ce même langage qui nous permet de conceptualiser, en retenant le flux des impressions sensibles par des signes : par l'usage de signes, l'homme se saisit du concept, de ce qui est commun à des choses différentes :

« Sans les signes, nous nous élèverions difficilement à la pensée conceptuelle. En donnant le même signe à des choses différentes quoique semblables, on ne désigne plus à proprement parler la chose singulière mais ce qui est commun : le concept. Et c'est en le désignant qu'on prend possession du concept ; puisqu'il ne peut être objet d'intuition, il a besoin d'un représentant intuitif qui nous le manifeste. Ainsi le sensible s'ouvre-t-il le monde de ce qui échappe aux sens. »

Le langage nous est donc indispensable, et ce, même si nous parvenons à nous passer de la parole pour penser. Le signe, tel que Frege le pense, implique également que, sans lui, nous serions impuisants à plusieurs points de vue qui ne sont pas développés dans l'article, mais auxquels Frege fait quelques allusions qui peuvent être ainsi explicitées :

  • sans les signes, nous ne serions que peu libres relativement à nos représentations ; or, l'animal modifiant ses impressions sensibles en les fuyant ou en les cherchant, nous serions réduits à l'utile et l'agréable, au nuisible et à la douleur ;
  • il n'y aurait donc pas de pensée abstraite, ce qui est en outre renforcé par le fait que le signe nous permet de conceptualiser ;
  • nos actions seraient limitées à ce que nos mains peuvent façonner ;
  • sans les signes, la mémoire nous ferait défaut ; on peut en déduire que nous n'aurions pas ou peu de notion de notre propre identité ;
  • il n'y aurait pas ou peu d'intériorité : ne pouvant penser par le moyen des mots, à plus forte raison, nous ne pourrions penser sans la parole.

Limites du langage usuel

L'invention du signe a donc eu des conséquences profondes pour le développement de l'humanité. Néanmoins, malgré cette puissance en tant qu'instrument de la pensée, le langage présente des imperfections qui sont la source de nos erreurs.

Le langage usuel n'est pas univoque.

Un même mot peut en effet désigner à la fois un concept et un objet particulier :

« Le cheval est un herbivore » : le cheval en tant qu'espèce ;
« Ce cheval » : le cheval en tant que tel individu subsumé sous un concept.
Le langage usuel n'est pas régi par des règles logiques.

En effet, bien que ces phrases soient grammaticalement correcte, elles ne sont pas régies par des règles logiques, et conduisent à des erreurs d'interprétation. De ce fait, notre langage ne permet pas de donner une expression rigoureuse à nos raisonnements.

Le langage usuel ne peut exprimer de manière explicite et simple tous les éléments logiques d'une déduction.

Puisque de tels confusions existent dans le langage, des hypothèses peuvent en effet être introduites sans qu'on en prenne conscience : le langage usuel n'exprime jamais de manière explicite l'ensemble des hypothèses d'une série de déductions ; et même, si nous essayons de reformuler un raisonnement, dans le langage usuel, en exprimant toutes les distinctions et déductions, il se révèle prolixe et bien trop lourd à manier. Ainsi les rapports logiques demeurent-ils toujours tacites. Frege donne l'exemple d'Euclide : la démonstration de la proposition 19 du livre premier des Éléments ne permet pas de voir de manière évidente que ce dernier emploie sans le dire plusieurs propositions non formulées de manière explicite.

Page générée en 0.154 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise