Le symbolisme du pont est l'étude de la représentation du pont dans la mythologie, les religions, la littérature ou la psychanalyse en tant que symbole, dans sa capacité à désigner, à signifier un concept abstrait, au-delà de la réalité physique de l’infrastructure franchissant une dépression ou un cours d’eau.
Ainsi le pont apparaît-il d’abord dans les mythologies et religions comme représentant un passage vers l’Au-delà. Cette représentation prend sa source dans la mythologie iranienne. Le pont de Cinvat, ou de Tchinoud, est un pont lumineux qui surplombe la porte de l’Enfer et que toutes les âmes doivent franchir. Le pont Sirat de la religion musulmane est aussi un pont franchissant les enfers par lequel toutes les âmes doivent passer pour atteindre l’Au-delà. Dans la mythologie nordique, le pont prend l’aspect d’un arc-en-ciel, Bifröst, qui fait office de pont entre la Terre (Midgard) et le Ciel (la ville-forteresse des Dieux : Ásgard). Dans la religion chrétienne enfin, le pont est par associé au Purgatoire.
Au-delà de l’épreuve du passage de la vie à la mort, le pont symbolise dans de nombreuses légendes et dans la littérature différentes épreuves ou divers passages de la vie. C’est en particulier le cas dans la légende arthurienne. Le Pont sous l’Eau, le Pont de l'Épée ou les neuf ponts pour atteindre le château du Graal sont autant de mises à l’épreuve pour les héros, où la difficulté dépend souvent de la perception subjective que ces derniers en ont.
Dans la littérature contemporaine, le pont sur la Drina, écrit par Ivo Andric et publié en 1945 ou Le Pont de la rivière Kwaï de Pierre Boulle, paru en 1952 mettent en scène un pont autour duquel se déroulent des tranches de vies et d’histoire. Les aventures d’Indiana Jones constituent également une épopée où le franchissement d’un pont constitue toujours une épreuve.
Dans l’imaginaire de l’ancien Japon, le pont représente plutôt un espace-frontière. Enfin en psychanalyse et selon Ferenczi et Freud, si l’eau représente la mère, le pont, membre viril, devient le passage de l’au-delà (l’état où on n’est pas encore né, le corps maternel) à la vie, puis inversement un retour à la mort.
Le pont, ouvrage joignant une rive à une autre, apparaît souvent dans les religions et mythologies comme le lieu de passage des âmes vers l’Au-delà. Il remplace le passeur qui, dans d’autres légendes, transporte les âmes d’un monde à l’autre.
Le symbole de la traversée trouve ses fondements dans la mythologie iranienne. La religion mazdéenne est la plus ancienne religion du monde encore vivante, héritage des vieilles religions indo-européennes de la préhistoire. Zarathoustra – ou Zoroastre – aurait vécu entre 1200 et 800 av. J.-C. La religion qu'il prêchait était difficile et peu inaccessible. Deux aspects la caractérisent : l'expérience mystique de la lumière, et la lutte contre les démons. Elle est principalement décrite dans le livre sacré l’Avesta. C’est dans ce cadre que le pont de Tchinoud, ou pont de Cinvat, constitue la première référence de passage symbolique des âmes vers l’au-delà.
L’Alborz est une chaîne de montagnes qui traverse tout le nord de l’Iran est la montagne mythologique par excellence, semblable à l’Olympe grec dans son inaccessibilité. Dans cette mythologie, l’Alborz fait fonction de pilier du pont de Tchinoud. Ce pont lumineux, aussi dénommé pont de Cinvat, qui correspond aussi au pont Sirat de la tradition musulmane, joue un rôle capital dans le mazdéisme, puisqu’il est le passage obligé des âmes mortes, dans leur voyage vers le paradis.
L’iranologue Pourdâvoud explique, dans sa préface à l’Avesta, le livre sacré de la religion mazdéenne, la fonction du pont:
Il s’agit d’une épreuve difficile, s’apparentant à une épreuve initiatique où Mithra, dieu de la vérité et de la loyauté, des serments et des contrats, aide toutefois les âmes à franchir le pont.
Selon la tradition musulmane, le Coran a été révélé à Mahomet par l'intermédiaire de l'archange Gabriel (arabe : جبريل [jibrīl]). Pour les musulmans, le Coran est un livre saint qui n'a pas subi d'altération après sa révélation, car Dieu a promis que ce livre durerait jusqu'à la fin des temps. Il est divisé en chapitres appelés sourates, au nombre de 114 et débutant par la première appelée Al Fatiha. Ces sourates sont elles-mêmes composées de versets nommés âyât (pluriel de l'arabe âyah, « preuve », « signe », et que l'on retrouve dans le mot ayatollah). Les versets sont au nombre canonique de 6 219.
Selon la religion musulmane, le Coran, parole de Dieu, est, par dogme, incréé, éternel et inimitable. Il est au cœur de la pratique religieuse de chaque croyant. Or le Sourate 19 verset 71 décrit le Pont As-sirât, pont franchissant les enfers par lequel toutes les âmes doivent passer pour atteindre l’au-delà et s’avère découler directement du pont de Cinvat, de la religion mazdéenne, qui datait de 1000 ans plus tôt. Si ce sourate tend à étayer le fait que le pont constitue un symbole de traversée initiatique, il étaye aussi que l’islam trouve certains de ses fondements dans d’autres religions et en particulier le zoroastrisme.
La mythologie nordique, est constituée des légendes provenant de la religion pratiquée autrefois dans une grande partie de l'Europe du Nord de peuplement essentiellement germanique (Norvège, Suède, Danemark, Islande et la région nord de l'Allemagne). Longtemps transmise oralement, ce n'est qu'avec l'arrivée des premiers chrétiens en Scandinavie à partir du Xe siècle qu'elle est documentée par écrit. La majorité de ces textes ont été réécrits ou inventés en Islande au XIIe siècle et XIIIe siècle par des auteurs ecclésiastiques chrétiens.
Dans cette mythologie, Bifröst est le nom de l'arc-en-ciel, qui fait office de pont entre la Terre (Midgard) et le Ciel (la ville-forteresse des Dieux : Ásgard).
Il est aussi appelé Asbru : "le pont des Ases". Il est en effet franchi chaque jour par les Ases, le groupe de dieux principaux, associés ou apparentés à Odin, pour siéger près de la source d' Urd Il est plus solide que n'importe quel autre ouvrage, cependant il est dit qu'il s'effondrera lorsque les fils de Muspellheim arriveront à cheval et le traverseront lors du Ragnarök. Ils devront alors traverser les grands fleuves à la nage grâce à leurs chevaux.
Jusqu’au IXe siècle, la chrétienté est encore en formation et tente d’unifier l’église et ses différents dogmes et lutte avant tout contre le paganisme des pratiques populaires. La symbolique est plus axée sur les symboles architecturaux de l’élévation verticale (l’Arche, le Tempe de Salomon, que sur des symboles de la traversée.
Selon Xavier-Larent Salvador, l’apparition du symbole du pont dans la pensée chrétienne a probablement été influencée par l’islam, mais ici aussi plus antérieurement par des penseurs musulmans qui ont pu être les vecteurs de cette influence d’un Iran antique sur le monde occidental médiéval.
L’Apocalypse de Paul est un récit visionnaire apocryphe, c’est-à-dire condamné par l’Eglise comme hérétique, parce que faussement attribué à l’apôtre. Le texte original ne présente aucun lien direct avec le pont. Une large place est faite aux fleuve de feu dans lequel baignent les âmes damnées, mais point de pont pour l’enjamber. Par contre dans la dernière version médiévale que l’on trouve de la Visio Pauli, alors que Paul arrive sur la rive du fleuve de feu, l’ange Michel s’adresse à lui ainsi :
Le pont et la traversée symbolisent la mort au monde et la renaissance dans la béatitude de la contemplation du Seigneur.
Saint Patrick va définir l’emblème du pont dans la tradition chrétienne. L’histoire de l’évangélisateur du Ive siècle ne correspond pas avec sa légende, dont la version la plus connue est la vie tripartite qui n’est pas antérieure au XIe, mais qui se trouve être la refonte d’un texte antérieur datant probablement du IXe lui-même grandement inspiré du livre d’Armagh, compilé en 807 par le scribe Ferdomnach. Deux légendes constituent principalement la tradition occidentale de Patrick, "la Légende dorée", un ouvrage rédigé en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, et l’Espurgatoire Saint Patrice de Marie de France, un poème composé à la fin du XIIe siècle.
Dans ces deux récits, il est question de franchir un pont pour échapper aux tourments de l’Enfer, mais ce n’est pas Patrick qui franchit le pont, mais un second personnage. Dans le premier cas, il s’agit de Nicolas, et dans le texte romancé, d’un chevalier anonyme. Le pont présente de nombreuses caractéristiques dangereuses dans les deux œuvres. Le fleuve est « horible e parfun de puant ». Marie de France y ajoute quelques détails « la oït criz e noise grant ». Dans chaque récit on retrouve des similitudes fondamentales : Le caractère initiatique du purgatoire, la présence d’un témoin et la description des épreuves. Le purgatoire évoqué ici n’est pas le Purgatoire, mais un locum purgatorium ante mortem, un lieu entre le ciel et la terre à l’image de ces îles de la mer Tyrrhénienne où Patrick procédait aux révélations.
Le Purgatoire de Dante dans la Divine Comédie, rédigée entre 1308 et 1321, conforme cette vision de Purgatoire comme lieu de mise à l’épreuve. Dante offre avec son oeuvre au christianisme occidental une transformation mythique du pont de l’antiquité iranienne en vaste paysage symbolique, peuplé d’âmes dans l’attente.